Les Creux de maisons/Avertissement

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On a dit de ce livre qu’il était un tableau de la misère paysanne.

Lorsqu’il parut pour la première fois, en 1913, il était rigoureusement vrai. Mais parler de la misère paysanne en 1921, c’est amener le sourire sur les lèvres des gens bien informés.

Que l’on ne s’y trompe pas, cependant, tous les paysans ne s’enrichissent pas !

Comment les valets de charrue qui ne vendent rien s’enrichiraient-ils ? Leur salaire est infiniment plus bas que le salaire des ouvriers d’industrie, et la vie est aussi chère en Basse-Bretagne qu’à Paris, à très peu près…

Mais il n’apparaît peut-être pas clairement à certaines gens que les paysans sont semblables aux autres hommes.

J’en demande bien pardon aux faiseurs de pastorales mais les paysans mangent et boivent comme tout le monde et ils préfèrent les bonnes choses aux mauvaises ; l’air pur qui passe sur les guérets ne suffit pas à les alimenter.

Les paysans ne sont pas infatigables ; quand ils travaillent seize heures par jour, ce n’est pas toujours uniquement par plaisir.

Les paysans ont un cœur ; ils peuvent aimer et haïr ; ils ont de grands et de petits sentiments ; ils sont sensibles aux injures comme ils sont sensibles aux coups.

Ils peuvent souffrir, enfin, autant que les grands de la terre.

Mais leur souffrance est silencieuse, leur misère est résignée… Ils y sont tellement habitués !


Mars 1921.
E. P.