Les Crimes de l’amour/Le Marquis de Sade. — Ses Écrits

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LE MARQUIS DE SADE

II

SES ÉCRITS


Après avoir donné sur la vie de Sade quelques détails que nous avons tenu à ne pas trop développer, il reste à parler de ses écrits. Entreprise difficile, mais que nous accomplirons avec tous les ménagements qu’elle réclame.

La Biographie universelle entre à l’égard des ouvrages de Sade dans des détails étendus.

L’article qui se trouve dans la France littéraire de Quérard (VIII, 303) n’apprend rien de neuf ; il est en grande partie emprunté à la Biographie universelle.

Ersch dans sa France littéraire se borne à mentionner Aline et Valcour et les Crimes de l’Amour.

Commençons par les productions dramatiques. Le marquis aima constamment la comédie de société, et il se plaisait à faire jouer des pièces qui restaient d’ailleurs au-dessous du médiocre.

Il existe un drame en prose et en trois actes, imprimé à Versailles, l’an VIII, in-8º ; l’auteur ne se désigne que sous les initiales de ses prénoms et de son nom. Cette production a pour titre : Oxtiren, ou les Malheurs du libertinage, par D. A. F. S., Versailles, Blaizot, an VIII, 2 feuillets et 48 pages. Elle figure au catalogue de la bibliothèque dramatique de M. de Soleinne, nº 2542. Une note s’exprime ainsi : « L’auteur a beau prodiguer les noms de scélérat et de monstre à son héros, on sent qu’il le peint avec complaisance, d’après nature, qu’il lui prête ses sentiments. Il y a même beaucoup d’analogie entre sa propre histoire et le sujet de cette pièce. La théorie du crime se retrouve partout : « Ce valet m’impatiente, il frémit. Ces imbéciles-là n’ont point de principes ; tout ce qui sort de la règle ordinaire du vice et de la friponnerie les étonne ; le remords les effraie. »

Le rédacteur du catalogue en question émet l’opinion que Sade doit être l’auteur des pièces obscènes qui parurent, de 1789 à 1793, contre Marie-Antoinette, la princesse de Lamballe et madame de Polignac. Cette conjecture nous semble très-hasardée ; Sade n’avait aucun motif de multiplier avec fureur des attaques infâmes contre le parti de la cour, et il ne manquait pas alors d’écrivains ignobles très-disposés à pousser la licence au delà de toutes les limites.

Nous trouvons au même catalogue, nº 3879, un manuscrit intitulé : Julia, ou le Mariage sans femme, folie-vaudeville en un acte. Le rédacteur met en note : « Cette pièce est sotadique, comme son titre l’indique. L’écriture ressemble à celle du marquis de Sade, qui avait, comme on sait, démoralisé les prisonniers de Bicêtre en les dressant à jouer des pièces infâmes qu’il composait pour eux. »

Nous croyons qu’il y a de l’exagération dans cette allégation. La tolérance des administrateurs de l’hospice n’aurait pu aller si loin. Quand au mot sotadique, ce n’est peut-être pas celui qu’il fallait employer, mais un autre emprunté aux habitudes des habitants d’une ville engloutie dans la Mer Morte.[1]

On connaît deux autres pièces de Sade qui furent reçues, la première, au Théâtre Français, en 1790 (le Misanthrope par amour, Sophie et Dufrasne) la seconde au théâtre Favart (l’Homme dangereux, ou le Suborneur). Ces comédies sont en vers ; elles n’ont pas été imprimées. La Biographie universelle indique seize autres pièces de divers genres (il serait sans intérêt d’en donner les titres) dont les manuscrits restèrent entre les mains de la famille ; elle mentionne un devis raisonné sur le projet d’un spectacle de gladiateurs, à l’instar des Romains, dans lequel Sade devait être intéressé. Cette idée était en effet digne de lui.

Le rédacteur du catalogue Soleinne (Mr Paul Lacroix, nº 3876) est porté à attribuer à Sade une autre pièce très-rare et que son titre fait rechercher : la France f… ! Les personnages de cette comédie, qui s’intitule « lubrique et royaliste, » sont la France, l’Angleterre, la Vendée, le duc d’Orléans, le comte de Puisaye, le roi de Prusse, l’empereur François II et le roi d’Espagne, Charles IV. La dédicace au ministre de la police n’est pas longue : « Devine si tu peux, et choisis si tu l’oses. » La préface commence ainsi : « J’ai cherché à être lu par tout le monde. Si mon ouvrage va jusqu’à la postérité, je la supplie de ne pas me juger sur le style, mais sur le fond. Lecteurs, ne vous prévenez pas contre le titre ; femmes aimables, pardonnez-le moi ! plus vous me lirez, plus je réclame votre indulgence. Libertins, hommes de lettres, politiques, historiens, philosophes, patriotes, royalistes, étrangers, lisez-moi ; j’écris pour vous tous. Et vous, souveraine de ma pensée, vous que j’adore, si vous me devinez, ne craignez rien pour le sentiment. J’ai écrit avec ma plume ; mon cœur n’y est pour rien. »

Les notes présentent des faits curieux, mais d’une exactitude suspecte. L’auteur ne doute pas que son ignoble badinage ne produise des fruits honnêtes : « Lorsqu’il s’agit du bien, qu’importe comment on l’opère ? N’avez-vous jamais pris de poison pour vous guérir ? »

La pièce a été certainement imprimée après l’an 1796, date que semble désigner le chiffre de 5796 ; les vers suivants en sont la preuve :

    Buonarparte règne en maître,
    À sa guise il nous fait des lois,
    Puis, en despote, il nous les donne.
    Petit-fils d’un petit bourgeois,
    Assis sur le trône des rois,
    Que lui manque-t-il ? la couronne.

Ce n’était qu’à l’époque du Consulat qu’il était possible de s’exprimer de la sorte.

Des notes sont remplies de traits mordants contre les hommes de l’époque. En voici deux échantillons : « Notre Brutus de Douay (Merlin), de mauvais mari, devint mauvais père, autant qu’il était mauvais Français. — Notre Caïn (J.-M. Chénier) dénonça son frère Abel, et le fit assassiner, non par la jalousie de ses succès, mais pour avoir ses ouvrages, qu’il nous donne comme les siens. »

La France f… a paru sur divers catalogues de vente (Saint-Mauris, Baillet, etc.). Nous la rencontrons aussi dans deux collections qui n’ont pas été dispersées, celles de Leber (nº 5016) et de Pixérécourt (page 368 du catalogue de 1839). Il en a été publié il y a quelques années une réimpression tirée à petit nombre.

La Biographie universelle indique aussi comme œuvres dramatiques de Sade, indépendamment de celles déjà mentionnées, l’Epreuve, comédie en un acte et en vers, saisie par la police en 1782, et non rendue, parce qu’elle contenait des passages libres ; l’École des jaloux ; le Boudoir, reçu en 1791 au théâtre Favart, et un drame en trois actes : Cléontine, ou la Fille malheureuse.

Le plus célèbre des ouvrages de Sade, celui qui a voué son nom à l’infamie, c’est Justine, ou les Malheurs de la Vertu. Il en existe plusieurs éditions successivement accrues et amplifiées. Quelques détails bibliographiques à cet égard doivent trouver place ici. La première impression porte l’indication : en Hollande, chez les libraires associés, 1791, 2 vol. in-8, le 1er de 283 p. et le 2e de 191 p. — Autre édition, en Hollande, chez les libraires associés, 1791, 2 vol. in-12, le 1er de 337 p. et le 2e de 228 p. — Londres, 1792, 2 vol. in-18 (Paris-Cazin.) de 291 et 306 p. avec un frontispice, réduction de celui de l’édition originale. Il existe une reproduction ou contrefaçon en 4 volumes. Hollande, 1800, avec 4 frontispices, 6 figures obscènes.

Cette première rédaction, tout abominable qu’elle soit, l’est un peu moins que la suivante, qui est la seconde. Les horreurs de Bressac, par exemple, sont commises sur sa tante, au lieu de sa mère. — Troisième édition, corrigée et augmentée : Philadelphie, (Paris), 1794, 2 vol. in-18 avec 6 grav. jolie impression.

La Nouvelle Justine, ou les Malheurs de la Vertu suivie de Juliette, sa sœur, ou les Prospérités du Vice, ouvrage orné d’un frontispice et de cent sujets gravés avec soin. Hollande (Paris, Bertrandet ?), 1797,[2] 10 vol. in-18 dont 4 de Justine et 6 de Juliette. — Troisième rédaction, dans laquelle le marquis de Sade a poussé les atrocités au dernier période. — L’auteur, dit-on, imprima lui-même son ouvrage dans un souterrain. On dit que Saint-Just, de la Convention, le lisait pour s’exciter à la cruauté. L’auteur en adressa un exemplaire sur papier vélin à chacun des membres du Directoire. On doit trouver, à la fin du tome VI, l’indication au relieur, contenant l’ordre des gravures, en 4 pages, qui a été enlevé dans beaucoup d’exemplaires. Cette indication est nécessaire pour vérifier le nombre de gravures, incomplet dans la plupart des exemplaires, tantôt pour quelques-unes des figures, tantôt pour d’autres — Juliette, ou la suite de Justine, avait paru pour la première fois en 1796, en 4 vol. in-8º. (Voir Barbier, Dict. des Anonymes, nº 9127.) Dans l’édition de 1797, elle occupe 6 vol. in-18 avec 60 grav. — Un bibliophile nous remet la note suivante : « Je crois qu’il existe d’autres éditions portant le même titre que l’édition de Hollande, 1797, mais peut-être n’est-ce que cette édition avec des gravures différentes. J’ai vu plusieurs exemplaires d’une édition dont les planches, copiées exactement sur celles de l’édition de 1797, sont moins bien exécutées, et dans tous les exemplaires que j’ai vus, il n’y a que 100 figures, y compris le frontispice. La figure du tome II, p. 241 de l’édition de 1797, représentant une parodie des cérémonies religieuses, est omise. Dans une autre édition, les figures sont lithographiées et souvent modifiées. Je crois que le nombre de ces lithographies est moins considérable. En sus des trois séries de figures que j’ai vues, j’ai une portion d’une suite de gravures semblables à celles de l’édition de 1797 ; la planche que je viens d’indiquer s’y trouve. Ces figures sont presque au trait ; peut-être faut-il y reconnaître un tirage des planches originales avant qu’elles n’eussent été terminées. »

Toutes les éditions de cet ouvrage sont rares et chères, et un exemplaire complet et bien conservé ne se cède guère aujourd’hui à moins de 600 et 800 francs. — Il y a eu, pour Justine, une condamnation le 19 mai 1815, et une autre condamnation a été insérée au Moniteur du 15 décembre 1843.

Justine est un récit d’atrocités et de folies sanguinaires beaucoup plus qu’érotiques ; la difficulté de comprendre le motif qui avait pu dicter cet ouvrage a fait quelquefois supposer la folie chez son auteur. Cependant, comme le fait observer M. Paul Lacroix, dans la 5e de ses Dissertations sur divers points curieux de l’histoire de France, plusieurs personnages ont pu lui servir de modèle, et notamment le maréchal de France, Gilles de Rais ou Retz étranglé en 1440 et qui avait exécuté une partie de ce que Sade a décrit.[3]

La préface mise en tête de l’édition de Justine de 1797 est curieuse à plusieurs égards ; nous la placerons ici. C’est d’ailleurs le seul endroit de ce roman dont la reproduction soit possible :

« Le manuscrit original de cet ouvrage qui, tout tronqué, tout défiguré qu’il était, avait cependant obtenu plusieurs éditions entièrement épuisées aujourd’hui, nous étant tombé entre les mains, nous nous empressons de le donner au public tel qu’il a été conçu par son auteur, qui l’écrivit en 1788. Un infidèle ami à qui ce manuscrit fut confié, trompant la bonne foi et les intentions de cet auteur, qui ne voulait pas que son manuscrit fût imprimé de son vivant, en fit un extrait bien au-dessous de l’original, et qui fut constamment désavoué par celui dont l’énergique crayon a dessiné la Justine et sa sœur que l’on va voir ici.

« Nous n’hésitons pas à les offrir telles que les enfanta le génie de cet écrivain à jamais célèbre, ne fût-ce que par cet ouvrage, persuadés que le siècle philosophique dans lequel nous vivons, ne se scandalisera pas des systèmes hardis qui s’y trouvent disséminés ; et, quant aux tableaux cyniques, nous croyons avec l’auteur que toutes les situations possibles de l’âme étant à la disposition du romancier, il n’en est aucune dont il n’ait la permission de faire usage ; il n’y a que les sots qui se scandalisent ; la véritable vertu ne s’effraie ni se s’alarme jamais des peintures du vice ; elle n’y trouve qu’un motif de plus à la marche sacrée qu’elle s’impose. On criera peut-être contre cet ouvrage, mais qui criera ? Ce seront les libertins, comme autrefois les hypocrites contre le Tartufe.

« Nous certifions du reste que, dans cette édition, on s’est absolument conformé à l’original que nous possédons seuls ; coupe de l’ouvrage, systèmes philosophiques, tout s’y trouve ; les gravures, même, ont été exécutées d’après les dessins que l’artiste avait fait faire avant sa mort et qui étaient annexés au manuscrit.

« Aucun livre, d’ailleurs, n’est fait pour exciter une curiosité plus vive ; en aucun, l’intérêt, ce ressort si difficile à produire dans un ouvrage de cette nature, ne se soutient d’une manière plus attachante ; dans aucun, les replis du cœur des libertins ne sont développés plus adroitement, ni les écarts de leur imagination tracés d’une manière plus forte ; dans aucun enfin n’est écrit ce que l’on va lire ici. Ne sommes-nous donc pas autorisés à croire que, sous ce rapport, il est fait pour parvenir à la postérité la plus reculée ? La Vertu même, dût-elle en frémir un instant, peut-être faudrait-il oublier ses larmes pour l’orgueil de posséder en France une aussi piquante production. »

On voit que de Sade avait la précaution de donner son livre comme l’oeuvre d’un auteur déjà décédé. On prétend d’ailleurs que, dans la conversation, il ne faisait aucune difficulté de reconnaître la paternité de ses monstrueuses productions.

Citons encore le jugement qu’il porte sur un homme célèbre avec lequel il avait eu, nous l’avons déjà dit, de vives altercations :

« Mirabeau voulut être libertin pour être quelque chose ; il n’est et ne sera pourtant rien toute sa vie. »

Une note ajoute :

« Une des meilleures preuves du délire et de la déraison qui caractérisent la France en 1789, est l’enthousiasme ridicule qu’inspire ce vil espion de la monarchie. Quelle idée reste-t-il aujourd’hui de cet homme immoral et de fort peu d’esprit ? Celle d’un traître, d’un fourbe et d’un ignorant. »

On a dit que l’édition de 1797 avait été exécutée avec luxe ; c’est une erreur ; l’impression est fort ordinaire ; les gravures sont bien médiocres[4].

Les dessins originaux existent encore aujourd’hui, avec des annotations de la main de Sade, dans le cabinet d’un bibliophile qui a réuni un grand nombre de livres difficiles à rencontrer.

L’Histoire de l’art pendant la Révolution, écrite par M. J. Renouvier et publiée par M. A. de Montaiglon, parle d’un frontispice gravé par Chéry et qui est peut-être destiné « à un de ces livres infâmes d’un maniaque qui souilla l’époque de la liberté. »

En 1835, un spéculateur en librairie eut l’idée de faire écrire un roman très-mal fait qu’on intitula Justine, ou les Malheurs de la vertu, avec une préface par le marquis de Sade (on donna en effet un extrait de la préface). 2 vol. in-8º. Cette narration, où figuraient des voleurs et des garnements de la pire espèce étalant des principes fort peu édifiants, fut, dit-on, rédigée par un auteur d’un ordre infime, le fécond Raban, publiée par un éditeur nommé Bordeaux (Fr.-M. J.) Ce livre fut annoncé publiquement ; le scandale fut grand : l’autorité intervint, et l’éditeur, traduit en justice, fut condamné à six mois de prison et 2.000 francs d’amende.

Il existe un ouvrage de Restif intitulé l’Anti-Justine. Au Palais-Royal, chez feue la veuve Girouard, très connue, 1798, 2 parties, in-12 ; la première 204 pages, la seconde s’arrête à la page 252 ; l’impression n’a pas été achevée. Le titre annonce 60 figures qui n’ont jamais paru. L’impression commencée, vers 1798, par Restif, écrivain typographe, et qu’il exécutait lui-même, est restée inachevée et il n’en a été tiré que fort peu d’exemplaires, qui, sans doute, ont été détruits pour la plupart. On prétend qu’on n’en connaît plus que cinq ou six. Un se trouve, dit-on, dans la réserve de la Bibliothèque nationale ; un autre aurait été payé 2,000 francs par un riche Anglais, amateur du fruit défendu en fait de raretés bibliographiques[5]. Quoi qu’il en soit, l’ouvrage est aujourd’hui assez répandu, parce qu’il a obtenu récemment plusieurs réimpressions exécutées en Belgique, l’une en 2 vol. in-18, avec de mauvaises lithographies coloriées, les autres beaucoup plus soignées, est in-12, avec des gravures.

L’Anti-Justine est un tissu d’ordures révoltantes ; L’auteur semble s’être proposé de dépasser tout ce qu’on avait osé écrire jusqu’alors en fait de cynisme. Cette production est mise sous le nom de Linguet, qui en est fort innocent. Elle est divisée en 48 chapitres, dont il est presque toujours impossible de transcrire les titres ; en voici, du moins, quelques-uns qu’on peut citer : Du bon Mari Spartiate. — Des Conditions du Mariage. — Du Dédommagement. — Du chef-d’œuvre de tendresse paternelle. — D’une nouvelle Actrice, etc.

En écrivant ces ordures, Restif s’était proposé, à ce qu’il prétend, un but moral. Il s’exprime de la façon suivante, dans un Épilogue :

« J’ai longtemps hésité pour savoir si je publierai cet ouvrage posthume du trop fameux Linguet. Le casement déjà commencé, je résolus de n’en tirer que quelques exemplaires pour mettre quelques amis éclairés et deux ou trois femmes d’esprit à même de juger sciemment de son effet, et s’il ne fera pas autant de mal que l’œuvre infernale à laquelle on veut le faire servir de contre-poison. Je ne suis pas assez dépourvu de sens pour ne pas sentir que l’Anti-Justine est un poison ; mais ce n’est pas là ce dont il s’agit. Sera-ce le contre-poison de l’infâme Justine ? Voilà ce que je veux consulter près des hommes et des femmes désintéressés qui jugeront de l’effet que le livre imprimé produit sur eux et sur elles.

« On a vu par la table même combien cet ouvrage est saturé, mais il le fallait pour produire l’effet attendu. Jugez donc, mes amis, et craignez de m’induire en erreur.

« L’ouvrage aura cinq, six ou sept parties comme celle-ci. Il est destiné à ramener les maris blasés auxquels les femmes n’inspirent plus rien. Tel est le but de cette étonnante production que le nom de Linguet rendra immortelle. »

Dans le chapitre 26, Restif revient sur l’idée qui l’a guidé : « J’ai un but important : je veux préserver les femmes de la cruauté. L’Anti-Justine, non moins savoureuse, non moins emportée que la Justine, mais sans barbarie, empêchera désormais les hommes d’avoir recours à celle-ci ; la publication du concurrent antidote est urgente, et je me déshonore volontiers aux yeux des sots, des puristes et des irréfléchis pour la donner à mes compatriotes. »

Restif a poussé la prévoyance jusqu’à indiquer minutieusement les sujets d’un grand nombre d’estampes destinées à accompagner ce qu’il avait composé de l’Anti-Justine, nous avons dit qu’elles n’avaient jamais existé.

M. Paul Lacroix dans le volume qu’il a publié sous le titre de Bibliographie et Iconographie, de tous les ouvrages de Restif de la Bretonne, (Paris, A. Fontaine, 1875, gr. 8.) entre, au sujet de l’écrit qui nous occupe (p. 413 et suiv.) dans de longs détails auxquels nous renvoyons.

La Philosophie dans le Boudoir, de Sade, est un ouvrage tout aussi dégoûtant que Justine. C’est une série de dialogues et d’orgies entre quelques libertins, dignes émules du marquis, et des femmes bien faites pour figurer dans une pareille société. De longues discussions philosophiques, où s’étalent l’athéisme le plus effronté et la négation de toute morale, se mêlent à des scènes ignobles. On connaît deux éditions, Londres, (Paris,) dépens de la Compagnie, MDCCXCXC (sic pour 1795) 2 parties, petit in-12 de 190 et 216 pages avec un joli frontispice non libre et 4 figures libres médiocres. — A été réimprimé en 1830, en 2 volumes in-18, avec 10 lithographies obscènes ; et aussi depuis, avec des gravures libres.

Nous avons vu une édition où des photographies fort mal faites remplacent les lithographies.

Nous ne connaissons que de titre la Théorie du libertinage que Restif de la Bretonne, dans son étrange auto-biographie, intitulée Monsieur Nicolas, mentionne comme un ouvrage de Sade ; il n’est pas probable qu’elle ait été imprimée.

Aline et Valcourt, ou le Roman philosophique, écrit à la Bastille, un an avant la Révolution, est une production épistolaire qui fut publiée en 1793, chez Girouard, libraire, en 8 volumes petit in-12[6] 8 faux-titres et 16 figures. La figure du tome III page 216 manque souvent ; elle est trop découverte. On y retrouve ces personnages ayant les goûts cruels ou dépravés que Sade plaçait dans tous ses écrits. Il se met en scène sous le nom de Valcourt, et il retrace quelques traits de sa propre histoire. D’après la Biographie universelle, ce roman, moins immoral que Justine, est peut-être plus dangereux, parce qu’il n’offre pas des tableaux aussi dégoûtants. D’après M. Pigoreau (Petite bibliographie romancière), quelques extraits de cet ouvrage, choisis dans ce qu’il y a de plus admissible, ont été insérés dans deux romans fort oubliés aujourd’hui, publiés à l’époque du Directoire, et qui pourraient bien être aussi des productions de Sade : Valmor et Lydia. 1798, 3 volumes in-12 ; Alzonde et Koradin, 1799, 2 volumes in-18.

Les tirades ultra-philosophiques abondent dans le roman de Sade ; un des principaux personnages est un président aussi cruel que débauché, souillé de crimes et de turpitudes. De très-longs épisodes coupent le récit ; un d’eux fait le tableau du gouvernement d’un roi nègre qui a établi dans ses États un régime tout à fait contraire aux idées de morale admises chez les nations civilisées, régime dont ses sujets se trouvent très-satisfaits et très-heureux ; un autre hors-d’œuvre retrace les malheurs d’une femme qui est tombée au pouvoir de l’Inquisition, et il va sans dire que Sade, tout en prodiguant les épithètes de monstre et de scélérat au grand-inquisiteur, don Crispe Brutaldi Barbaridos de Torturentia, décrit avec complaisance la luxure et la férocité de cet exécrable personnage.

On a attribué à Sade deux autres romans :

La Marquise de Ganges, 1813, 2 vol. in-12, récit ennuyeux et sombre, mais non licencieux d’une histoire criminelle et véritable ; toutefois Sade altérait la réalité des faits afin de noircir la mémoire d’une infortunée victime des machinations de quelques scélérats.

Pauline de Belval, Mémoire anecdote parisienne du dix-huitième siècle, 1796, 2 vol. in-12, 1816, production indiquée dans la Bibliographie-romancière de M. Pigoreau ; Luérard dit ne pas la connaître, et nous ne l’avons point rencontrée.

Il existe un roman mal écrit, mal intrigué : l’Étourdi, Lampsaque, 1784, 2 vol. in-12. L’auteur ne s’est pas gêné pour transcrire littéralement de longs passages dans d’autres livres de l’époque et pour les enchasser dans ses peu édifiantes narrations. M. P. L. (Paul Lacroix), dans une note qui accompagne l’annonce d’un exemplaire de cet ouvrage (Bulletin du bibliophile, 1857, p. 153), l’attribue à Sade. Le chapitre intitulé la Comédie n’est qu’un souvenir du théâtre de société que le marquis avait inauguré dans son château de la Coste, où les médecins l’envoyèrent se refaire de ses fatigues de débauche, et où il amena mademoiselle Beauvoisin, actrice du Théâtre-Français, qu’il faisait passer pour sa femme. Voici quelques lignes à ce sujet (tome II. p. 84), dans lesquelles on reconnaît l’auteur de tant de turpitudes : « Comme je n’ai jamais ressemblé à ces malades dont Molière a si bien peint le ridicule, qui n’ont jamais d’autre occupation que de se médicamenter, qu’il me faut un objet de dissipation et que l’amour ne pouvait m’en fournir dans ces pays où presque toutes les femmes ont encore de la vertu ou du moins les sots préjugés qui la remplacent, que je n’avais ni la volonté ni le désir de les combattre, j’employai mon temps à former une troupe pour jouer la comédie en société : passion que j’ai toujours eue et qui souvent m’a tenu lieu de bien d’autres. Que d’obstacles n’eus-je pas à vaincre avant de réussir ! C’était la conquête de la Toison d’Or. Il me fallut terrasser tous ces monstres qu’on nomme préjugés et qu’il est difficile de détruire et même d’affaiblir dans l’esprit des personnes qui les ont reçus dans leur enfance. »

À la fin de ce roman, qui offre parfois, pour les noms des personnages, des anagrammes qu’il serait curieux de déchiffrer et qui côtoie en quelque sorte les aventures du marquis lui-même, l’auteur revendique pour son compte une plaisante mystification dont le Journal de Paris fut complice involontaire en 1777, et que les Mémoires de Bachaumont ont prise au sérieux : c’est le jeune homme à marier proposé en loterie à 3,000 francs le billet. Sade fut-il, en effet, l’inventeur de cette facétie ?

Mentionnons aussi Zoloé et ses deux acolytes ; chez tous les marchands de nouveautés, thermidor, an VIII. Turin (Paris) in-18, frontispice gravé, non signé. Les productions immondes de Sade sont mentionnées avec complaisance dans ce petit roman. Hâtons-nous de dire que, si Zoloé outrage la décence, elle n’est pas, du moins, plus coupable qu’une foule d’autres œuvres plus ou moins lestes qui se sont multipliées depuis un siècle. Quant au but que poursuit ce pamphlet, on découvre que c’est une satire violente, et, qui plus est un tissu de calomnies dirigées contre Joséphine de Beauharnais, alors épouse du premier consul. Les deux acolytes que lui assigne l’auteur, et qu’il affuble des noms de Laureda et de Volsange, passent pour avoir été mesdames Tallien[7] et Visconti. Dès l’avant-propos, la situation de l’héroïne est tracée de manière à dissiper toute incertitude :

« Qu’avez-vous, ma chère Zoloé ? Votre front sourcilleux n’annonce que la triste mélancolie. La fortune n’a-t-elle pas assez souri à vos vœux ? Que manque-t-il à votre gloire, à votre puissance ? Votre immortel époux n’est-il pas le soleil de la patrie ? »

Vient ensuite un portrait dans lequel l’âge, la patrie, la famille, tout s’accorde point pour point avec la personne que l’on voit attaquée par le libelliste avec tant d’audace :

« Zoloé a l’Amérique pour origine. Sur les limites de la quarantaine[8], elle n’en a pas moins la prétention de plaire comme à vingt-cinq ; un ton très insinuant, une dissimulation hypocrite consommée ; à tout ce qui peut séduire et captiver, elle joint l’ardeur la plus vive pour les plaisirs, une avidité d’usurier pour l’argent qu’elle dissipe avec la promptitude d’un joueur, un luxe effréné qui engloutirait les revenus de dix provinces. Elle n’a jamais été belle ; mais sa coquetterie déjà raffinée avait attaché à son char un essaim d’adorateurs. Loin de se disperser par son mariage avec le comte Bermont, ils jurèrent tous de ne pas être malheureux, et Zoloé, la sensible Zoloé, ne put consentir à leur faire violer leur serment. De cette union sont nés un fils et une fille, aujourd’hui attachés à la fortune de leur illustre beau-père. »

Quant à Laureda, elle justifie l’opinion qu’on a conçue de la nation espagnole : « elle est tout feu et tout amour. Fille d’un comte de nouvelle date[9], mais extrêmement riche, sa fortune lui permet de satisfaire tous ses goûts. »

L’auteur raconte en style très négligé et très incorrect des orgies où figurent ces trois dames ; il les met en scène avec Fessinot, époux de Laureda, avec l’ex-domestique Parmesan et l’ex-capucin Pacôme. Il serait assez inutile de rechercher quels sont les personnages cachés sous ces divers noms.

Chemin faisant, on rencontre de vives attaques contre des gens alors en évidence et dont la conduite n’était pas édifiante. Les mésaventures du sénateur D…, libertin perdu de vices, l’ardeur de S… pour le jeu, sont l’objet de sarcasmes violents ; l’intempérance du représentant du peuple C… fournit le sujet d’un tableau repoussant.

« En traversant le Carrousel, je rencontrai deux forts qui portaient sur un brancart une espèce d’homme, couché et enveloppé dans un grand manteau bleu. Je m’imaginai d’abord que quelque affaire d’honneur avait envoyé le personnage dans l’autre monde, et qu’on allait le remettre à sa famille pour en disposer. Je demande à un des porteurs, avec un air d’intérêt, de quoi il s’agissait. — Suivez-nous, me dit-il, vous en jugerez. Le brancart s’arrête à la maison du citoyen C…, car c’était lui-même qu’on promenait en cet état. Sa figure couperosée, des yeux qu’il roulait pleins de vin, des paroles sans suite, des gestes d’un insensé, des restes impurs qui sortaient de sa bouche et dont ses habits étaient tout dégoûtants, me firent bientôt connaître la cause de l’état où je trouvais l’un des représentants de la France.

« Comme ce spectacle paraissait m’affecter, l’un des porteurs me dit : « Vous êtes bien bon de plaindre le citoyen C… Cinq fois par décade, notre ministère lui est nécessaire. »

Il est permis de croire que l’histoire de Zoloé entrait pour quelque chose dans le parti que prit la police de faire enfermer le marquis de Sade à Charenton. Ce fut en 1801, peu de temps après la date indiquée sur le titre de ce pamphlet, qu’il perdit sa liberté.

On peut facilement supposer qu’aucun libraire ne voulut se charger de la publication d’un libellé qui devait susciter de redoutables colères. Les mots : de l’imprimerie de l’auteur, écrits sur le frontispice, s’accordent avec une phrase de la préface : « Je me procurerai moi-même l’honneur d’être imprimé, et je n’en aurai l’obligation à personne. » Nous ignorons si de Sade possédait une imprimerie particulière ; en tout cas, il était très au fait des mystères de la typographie clandestine.

Saisi par la police, le petit volume que nous indiquons est devenu rare ; nous le rencontrons sur quelques catalogues (40 fr. Saint-Mauris, nº 276 ; — 38 fr. 50, exemplaire broché, Bignon, nº 1832.)

Transcrivons le dernier paragraphe de Zoloé : « Qu’on se rappelle que nous parlons en historien. Ce n’est pas notre faute si nos tableaux sont chargés des couleurs de l’immoralité, de la perfidie et de l’intrigue. Nous avons peint les hommes d’un siècle qui n’est plus. Puisse celui-ci en produire de meilleurs et prêter à mes pinceaux les charmes de la vertu. »

On sait que, tout en traçant avec une infatigable complaisance des tableaux où s’étalaient tous les vices et tous les crimes, de Sade avait la manie de vanter la vertu.

Zoloé ne figure point parmi les divers ouvrages de Sade que mentionnent la Biographie universelle et la France littéraire de Quérard ; même silence dans la Nouvelle Biographie générale. Les détails qu’on vient de lire à l’égard de ce libellé se retrouvent dans les Fantaisies bibliographiques de M. Gustave Brunet (Paris, J. Gay, 1864, in-18.)

Il existe une réimpression de Zoloé avec notices biographiques et bibliographiques. Bruxelles, chez tous les libraires, 1870, in-12 178 pages. Le titre annonce un tirage à 130 exemplaires, mais il a sans doute été dépassé. Le frontispice à l’eau-forte est la reproduction de celui du titre de l’édition originale. Pisanus Fraxi (Index libr. prohib., p. 407) a parlé de Zoloé : il n’y voit qu’une sotte et plate attaque contre Bonaparte et Joséphine ; point de vérité historique, nulle trace d’esprit. Voir aussi : Œuvres posthumes de Quérard, publiées par G. Brunet ; Livres à clef, 1873, p. 174.

Les Crimes de l’Amour, ou le délire des Passions, nouvelles historiques et tragiques, précédées d’une idée sur les romans, par D. A. F. Sade. Paris, Massé, an VIII, 2 volumes in-8º ou 4 volumes in-12, 4 frontispices non signés. Un bel exemplaire papier vélin, figures avant la lettre, fait partie du cabinet d’un bibliophile parisien. Un exemplaire relié a été adjugé à 45 francs vente Solar, nº 2224.

Un critique de l’époque, Villeterque, ayant avec raison signalé dans le Journal de Paris cet ouvrage comme détestable à tous égards, Sade se fâcha, et il fit promptement paraître une brochure intitulée : l’Auteur des Crimes de l’Amour à Villeterque, folliculaire, in-12, 19 pages ; il désavoue ses autres écrits avec son audace habituelle, et adresse au critique des injures grossières.

Cet ouvrage étant aujourd’hui fort peu connu, nous entrerons à son égard dans quelques détails.

L’épigraphe est assez caractéristique ; elle est indiquée comme empruntée aux Nuits d’Young (ce que nous n’avons pas perdu notre temps à vérifier) : « Amour, fruit délicieux que le ciel permet à la terre de produire pour le bonheur de la vie, pourquoi faut-il que tu fasses naître des crimes, et pourquoi l’homme abuse-t-il de tout ? »

Les titres des onze nouvelles contenues dans ce recueil sont : Juliette et Raunai, ou la Conspiration d’Amboise. — La Double épreuve. — Miss Henriette Stralsond. — Faxelange. — Florville et Courval. — Rodrigue. — Laurence et Antonio. — Ernestine. — Dorgeville, ou le Criminel par vertu. — La comtesse de Sancerre. — Eugène de Franval.

Parmi les personnages figurent lord Grandville, « l’homme le plus débauché, le plus méchant, le plus cruel de toute l’Angleterre, et malheureusement le plus riche. » Voici un passage pris au hasard : « Les moyens de faire succomber une femme sont si connus, leur faiblesse est si sûre, que les tentatives d’épreuve sont absolument superflues. Les femmes, ainsi que les villes de guerre, ont toutes un côté hors de défense ; il ne s’agit que de le chercher. Est-il découvert, la place est bientôt rendue ; cet art, ainsi que les autres, a ses principes. »

Dans la préface, Sade trace une histoire fort superficielle du roman depuis son origine, et il expose ses idées sur les règles qu’on doit se prescrire lorsqu’on veut aborder ce genre de composition :

« L’ouvrage du romancier doit nous faire voir l’homme, non pas seulement ce qu’il est ou ce qu’il se montre, mais tel qu’il peut être, tel que doivent le rendre les modifications du vice et toutes les secousses des passions ; il faut donc les connaître toutes ; il faut les employer toutes, si l’on veut travailler ce genre. Ce n’est pas non plus en faisant triompher la vertu qu’on intéresse ; il faut y tendre bien certainement le plus qu’on peut, mais cette règle, à laquelle nous voudrions que tous les hommes s’assujettisent pour notre bonheur, n’est nullement essentielle dans le roman, n’est pas même celle qui doit conduire à l’intérêt, car lorsque la vertu triomphe, les choses étant ce qu’elles doivent être, nos larmes sont taries avant de couler ; mais, si après les plus rudes épreuves, nous voyons la vertu terrassée par le vice, nos âmes se déchirent, et l’ouvrage nous ayant excessivement émus, doit indubitablement produire l’intérêt qui seul assure des lauriers. »

Sade désavoue ensuite les écrits qui l’avaient signalé à l’indignation publique, mais ses affirmations ne trouvèrent aucune créance :

« Jamais je ne peindrai le crime que sous les couleurs de l’enfer ; je veux qu’on le voie nu, qu’on le craigne, qu’on le déteste, et je ne connais point d’autre façon pour arriver là que de le montrer avec toute l’horreur qui le caractérise. Malheur à ceux qui l’entourent de roses ! Leurs vues ne sont pas aussi pures que les miennes, et je ne les copierai jamais. Qu’on ne m’attribue donc plus le roman de J… ; jamais je n’ai fait de tels ouvrages, et je n’en ferai jamais ; il n’y a que des imbéciles ou des méchants qui, malgré l’authenticité de mes dénégations, puissent me soupçonner ou m’accuser encore d’en être l’auteur, et le plus souverain mépris sera désormais la seule arme avec laquelle je combattrai leurs calomnies. »

À la fin de son livre, il s’adresse au lecteur : « Si les pinceaux dont je me suis servi pour te peindre le crime, t’affligent et te font frémir, ton amendement n’est pas loin et j’ai produit sur toi l’effet que je voulais. »

Voici, entre mille, un passage où se révèle le genre d’idées qui dominent constamment chez Sade : « Qui ? moi ! je connaîtrai l’amour ! Loin de moi ce sentiment vulgaire. S’il y avait une femme au monde capable de me le faire éprouver, j’irais, je crois, lui brûler la cervelle plutôt que de plier sous son art. »

Dans une des nouvelles qui forment les quatre volumes en question, on retrouve le héros d’une œuvre dramatique que nous avons déjà signalée. Oxtiern, noble Suédois fort riche, ne soupçonnant aucune borne à ses désirs ; sans principe comme sans vertu, il croit que rien au monde ne peut imposer un frein à ses passions.

L’auteur des Crimes de l’Amour aime à entasser des enlèvements, des assassinats, des empoisonnements ; il montre une fille, « l’horreur et le miracle de la nature, » vivant incestueusement avec son père, lequel se justifie au moyen de sophismes détestables. Il n’oublie pas les brigands qui ont pour captives des femmes vertueuses. Il ne cesse de retracer des hommes horriblement corrompus et cruels, tourmentant sans relâche des épouses honnêtes et malheureuses.

Employant très-mal, la plupart du temps, les interminables loisirs que lui laissait le séjour forcé dans les prisons où s’écoula une grande partie de sa carrière, Sade écrivait, écrivait sans jamais se lasser. Il a laissé un grand nombre de manuscrits. M. Michaud, qui paraît avoir été bien renseigné à cet égard, en signale plusieurs dans la Biographie universelle : des contes, au nombre de trente (on ignore s’ils étaient en vers ou en prose) ; le Portefeuille d’un homme de lettres, 4 volumes (écrit à la Bastille en 1788) ; Conrad, roman tiré de l’histoire des Albigeois (saisi lors de l’arrestation de l’auteur, en 1801) ; Marcel, autre roman ; Isabelle de Bavière ; Adélaïde de Brunswick, deux romans historiques composés à Charenton ; les sujets sont du genre sombre, mais il n’y a d’ailleurs ni ordures, ni impiété ; des Mémoires ou Confessions qui paraissent avoir eu pour but de tenter une justification bien difficile : un journal en onze cahiers de la situation de l’auteur depuis 1777 jusqu’en 1790 (il y avait treize cahiers, mais deux ne furent pas retrouvés). « Tout ce que le marquis a dit, fait ou entendu, lu, écrit, senti ou pensé pendant ces treize années se trouve dans ce recueil ; mais les choses les plus remarquables sont écrites en chiffres dont lui seul avait la clef. » Citons aussi cinq cahiers de notes, pensées, extraits, chansons, mélanges de vers ou de prose, composés ou recueillis pendant la dernière détention de Sade.

Un zélé bibliophile, Bérard, auteur d’un livre consacré à la bibliographie des Elzeviers, qui joua en 1830 un certain rôle politique, a laissé parmi des notes inédites, celle-ci que reproduit Pisanus Fraxi (p. 35 de l’Index déjà cité) : « Anglès était préfet de police lors de la mort du marquis de Sade. Je lui ai entendu dire qu’on avait trouvé dans sa chambre un grand nombre de vers licencieux dignes de Voltaire, qu’il s’était empressé de faire brûler. Si ces vers étaient en effet dignes de Voltaire, leur destruction serait une perte ; mais je crois pouvoir en douter : d’abord parce qu’Anglès se connaissait mieux en administration qu’en poésie ; ensuite parce que les vers que l’on connaît de Sade sont plus que médiocres. »

Dans ses Mélanges bibliographiques, page 186, le bibliophile Jacob, (M. Paul Lacroix), mentionne une lettre de Sade qui parle d’une tragédie dont il est l’auteur, lue au théâtre français le 24 novembre, 1791, et dont l’héroïne paraît avoir été Jeanne Hachette ; on ne connaît pas cette pièce.

Il a existé d’ailleurs d’autres ouvrages de cet incorrigible libertin ; ils étaient, à ce qu’il paraît des tissus d’infamies, et ils étaient décorés de dessins dignes du texte. On a annoncé qu’ils avaient été brûlés en présence de fonctionnaires publics, mais quelques doutes paraissent planer sur l’exactitude de cette assertion.

Voici ce que nous lisons dans un opuscule de M. A. Jubinal : Lettre inédite de Montaigne. (Paris, 1850, p. 53) :

« Napoléon ordonna que tous les manuscrits laissés par le trop célèbre de Sade fussent livrés aux flammes. Un procès-verbal constata que cette mesure avait reçu son exécution, mais tous les bibliophiles savent qu’une vingtaine d’années plus tard, les compositions les plus immorales, les plus licencieuses de Sade, écrites de sa propre main, celles dont le procès-verbal constatait la destruction, commencèrent à arriver à Paris une à une. Plusieurs de ces autographes furent achetés à grand prix par la Bibliothèque royale, où plusieurs personnes les ont vus, mais d’où ils ont disparu, à ce qu’on assure, du moins les principaux. On prétend que c’est le fonctionnaire qui avait dressé le procès-verbal de destruction de ces papiers qui s’en était emparé. »

Nous ferons toutefois observer ici que, Sade étant mort à la fin de l’an 1814, Napoléon, alors à l’île d’Elbe, n’eut rien à ordonner à l’égard des manuscrits en question ; pendant les Cent-Jours, il ne trouva pas sans doute le temps de songer à cet objet.

Un bibliophile parisien (M. H. B.) possède entre autres autographes et documents relatifs à Sade, le projet d’un lupanar projeté par le marquis ; il trace la disposition de la maison entière, le vestibule, les appartements des femmes, les chambres de torture (chacune de ces chambres est consacrée à un supplice spécial) ; il n’oublie point le cimetière où seront déposés les cadavres des victimes qui auront succombé dans ces orgies ; des passages pratiqués dans les murs extérieurs faciliteront les entrées ou les sorties clandestines, et l’auteur porte l’attention jusqu’à dresser le menu d’un dîner irritant.

Restif eut connaissance de ces atroces et folles inventions, car il écrit dans Monsieur Nicolas (t. XVI, p. 4783) : « le monstre propose à l’imitation du Pornographe l’établissement d’un lieu de débauche. J’avais travaillé pour arrêter la dégradation de la nature ; le but de l’infâme disséqueur à vif, en parodiant un ouvrage de ma jeunesse, a été d’outrer à l’excès, cette odieuse, cette infernale dégradation »

M. de Reiffenberg, dans le Bulletin du Bibliophile belge, dit avoir vu à la Bibliothèque nationale, il y a quarante ans environ, les manuscrits dont parle M. Jubinal.

On ne connaît, nous le croyons du moins, aucun portrait de Sade. Un petit volume in-18, publié vers 1840 : les Fous célèbres, renferme, à son égard, une notice qui n’apprend rien de neuf et une lithographie fort mal faite qui est une image de fantaisie, sans aucune valeur quelconque. Il en est de même de deux portraits publiés à Bruxelles, l’un fort bien exécuté, dans un cadre ovale, indiqués comme faisant partie de la collection de M. de La Porte.

Pour compléter notre esquisse, il ne serait pas hors de propos d’y joindre un Sadiana, c’est-à-dire une réunion des passages extraits des différents écrivains qui ont fait mention de l’auteur de Justine, mais le temps nous a manqué pour faire ce travail ; nous laissons à d’autres chercheurs le soin de l’accomplir et nous nous bornerons à deux citations :

« Un honnête homme a toujours dans sa poche un volume du marquis de Sade. » (Pétrus Borel, le lycanthrope. Madame Putiphar). On reconnaîtra dans cette assertion paradoxale l’originalité de cet auteur, sur lequel il a été publié une notice curieuse par M. Claretie (Paris, librairie Pincebourde, 1865, in-18.)

« Avant la révolution, les mœurs n’étaient nulle part aussi corrompues qu’à Lyon. Ce n’est pas sans motifs qu’un écrivain trop célèbre y a placé quelques épisodes de son exécrable roman. » (Michelet, Histoire de la Révolution.)

Un autre sujet d’investigation historique et psychologique se présenterait aussi : ce serait de demander aux annales des égarements de l’esprit humain, s’il n’y a pas eu d’autres exemples des aberrations cruelles dans lesquelles le marquis se précipita. L’antiquité, les fastes des despotes de l’Orient, font connaître des personnages de cette trempe. Le quinzième siècle vit avec effroi le maréchal Gilles de Retz, qui poussa bien plus loin ses cruelles expériences, peut-être parce qu’il eut plus de moyens de satisfaire ses goûts monstrueux, mais qui du moins n’en consacra pas les principes dans des livres infâmes[10].

Nous ignorons jusqu’à quel point est fondée l’accusation que Mayer (Galerie philosophique du XVIe siècle, t. I, p. 200) porte contre le duc d’Epernon, qui aurait mêlé le sang à la débauche. La Biographie universelle parle d’un noble Polonais, auteur de divers livres d’histoire, le comte de Potocki, et elle fait observer que ses goûts, dans le genre de ceux du marquis de Sade, lui attirèrent des désagréments qui le contraignirent à s’expatrier.

Le comte de Charolois de la maison de Condé, se signala également par les cruautés qu’il apportait dans ses orgies. Brantôme, dans les Dames galantes, parle d’une femme de haut parage qui se plaisait à exercer des sévices sur ses caméristes.

L’histoire a conservé les noms de divers autres personnages qui, pour réaliser les monstruosités impossibles qu’enfante l’imagination de Sade, unirent la cruauté à la débauche. On peut mentionner Tibère, un empereur de la Chine dont le nom nous échappe, le duc Valentino Borgia, Pier Luigi Farnese dont Varchi a raconté les infamies, le marquis Annibale Porrone dont on trouve la vie et les crimes dans l’ouvrage de Grégoire Leti (Vie de Bartholomé Aresec cités dans le Catalogue d’une collection de livres anciens et modernes par J. Piazzoli. Milan, 1878). Les annales judiciaires mentionnent de nombreux scélérats, violateurs et assassins (Dumolard, les meurtriers des dames Gay près de Lyon, etc.)

Pisanus Fraxi, que nous avons déjà cité, nous offre, dans son Index librorum prohibitorum des témoignages fréquents d’un goût cruel répandu en Angleterre et consistant à flageller des femmes. Diverses maisons où moyennant finances, on pouvait se livrer à cet amusement barbare, existaient à Londres (elles subsistent probablement encore), et la littérature britannique compte un assez grand nombre d’ouvrages vendus sous le manteau et consacrés à la flagellation active et passive. L’Index en question en parle avec détail, et dans l’introduction, il entre dans des particularités minutieuses : il donne même le dessin d’une machine sur laquelle se plaçait le patient ou la patiente. Voir page 345 de longs détails sur un ouvrage intitulé : Th. ROMANCE of Chastisement ; l’auteur s’exprime avec enthousiasme ; il avance qu’il y a des femmes qui trouvent un grand plaisir à fouetter de jeunes personnes de leur sexe, et la patiente feels a luxurious sensation, car une sorte de courant magnétique s’établit entre la prêtresse et la victime.

Sade reste seul à part en son genre en raison des scènes de cruauté qu’il mêle à des tableaux du cynisme le plus repoussant, mais il faut reconnaître qu’à certains points de vue il avait eu des devanciers et qu’il a trouvé des imitateurs. Sous le rapport de l’audace immorale des paradoxes, Diderot, le plus corrompu des écrivains du XVIIIe siècle, ne lui est pas inférieur, et l’auteur du Supplément au voyage de Bougainville s’est plu à retracer des passions qui outragent la nature, exemple suivi par des romanciers modernes dont les honteuses productions ont eu un grand succès. Un journaliste qui a fait jadis quelque bruit, Capo de Feuillade, écrivait que la Lelia de George Sand lui offrait des doctrines dont il ne retrouvait les équivalents que dans les monstrueuses productions d’un auteur qu’il n’osait pas nommer, et c’est à propos de ce même roman que Proudhon qualifiait de « digne fille du marquis de Sade, » la femme célèbre qui l’a écrit.

Un romancier et auteur fort oublié aujourd’hui, Révéroni Saint Cyr, décédé dans un hospice d’aliénés[11] a publié Pauliska, ou la Perversité moderne. (Paris, an VI), roman où il retrace quelques actes de barbarie, mais en restant fort au dessous du marquis.

De nos jours il s’est trouvé un écrivain allemand qui a pris pour modèle les écrits de Sade et qui s’est montré son émule, c’est l’auteur anonyme du livre intitulé :

Aus den Memoiren einer Sängerin. (Extrait des Mémoires d’une cantatrice.) Boston, Reginald Chesterfield, 2 vol. pet. in-8º, VII et 244 p. ; 251 p. Cet ouvrage a été imprimé à Altona : le premier volume en 1868 ; le second en 1875 ; il se compose d’une série de lettres adressées à un vieil ami, à un médecin, et après sa mort, elles furent trouvées parmi ses papiers par un neveu qui s’en fit l’éditeur.

M. Pisanus Fraxi (Index librorum prohibitorum, p. 102-109) entre dans des détails assez étendus au sujet de cette espèce d’autobiographie. Il s’y trouve, surtout dans le second volume, des épisodes dégoûtants, des orgies semblables à celles que Sade se plaît à décrire. Il est, dans le cours du récit, fait plusieurs fois mention de Justine et de quelques autres ouvrages fort libres.

Nous n’avons pas à nous occuper de divers écrivains qui appartenaient à la famille de Sade, qui portaient le même nom, mais qui heureusement se sont exercés sur des sujets très différents de ceux qui occupaient le marquis.

Son oncle, l’abbé de Sade, mort en 1778, a laissé un ouvrage estimé : les Mémoires sur la vie de Pétrarque. 1764-1767, 3 vol. in-4º.

Nous connaissons aussi l’existence d’un ouvrage difficile sans doute à rencontrer en France :

Typologie, ou Science des marées, par le chevalier de Sade, officier de la marine de S. M. T. C. et capitaine d’artillerie de S. M. B. ; 2 gros volumes in-8º avec figures. Londres, 1810, 21 sh.

Cet officier français, passé au service de l’Angleterre, était sans doute un ancien émigré appartenant à la même famille que le marquis.

Nous terminerons cette notice en reproduisant un document fort peu connu aujourd’hui et qui est un témoignage du civisme dont le citoyen Sade jugea prudent de donner des gages à une époque critique.

Un bibliographe anglais, M. Pisanus Fraxi, dans le très curieux volume qu’il a intitulé : Index librorum prohibitorum (London, 1878, in-4) signale, page 422, un ouvrage inédit de Sade ; il est la propriété du marquis de V., dont le grand-père l’acheta à un nommé Armoux de Saint Maximin qui assistait à la prise de la Bastille et qui trouva cette production dans la chambre où le marquis avait été enfermé.

Le manuscrit en question se compose d’une suite de morceaux de papier, ayant un centimètre de large et qui, attachés les uns au bout des autres, forme un rouleau de 12 mètres de long. Chaque morceau est écrit des deux côtés ; l’écriture est tellement fine qu’elle ne peut être lue qu’avec l’aide d’une loupe. Après une préface, vient le récit, divisé en 52 chapitres, des faits et gestes d’une association d’individus des deux sexes ayant à leur disposition des sommes énormes et deux splendides maisons de campagne aux environs de Paris (on voit qu’il s’agit d’une société dans le genre des Aphrodites d’Andrea de Nerciat.)

Cette production abonde en détails obscènes, mais on n’y retrouve pas les discussions philosophiques qui se rencontrent dans d’autres écrits du marquis. À la fin on lit : terminé le 25 novembre 1783.

Pisanus Fraxi (Index libr. prohixi. p. 10 et suiv.) entre dans des détails étendus au sujet d’Aline et Valcourt ; ouvrage puissant « (powerful) et original, et considérant qu’il a été écrit avant la révolution française, très remarquable. Quoique plongé dans tous les vices de la classe à laquelle il appartenait, Sade prévoyait nettement, et prophétisait avec clarté à quels résultats aboutissait un pareil état social ; il écrivait : « Ô France ! tu t’éclaireras un jour, je l’espère ; l’énergie de tes citoyens brisera bientôt le sceptre du despotisme et de la tyrannie ; et, foulant à tes pieds les scélérats qui servent l’un et l’autre, tu sentiras qu’un peuple libre par sa nature et par son génie, ne doit être gouverné que par lui-même (tome II, p. 41). Une grande révolution se prépare dans ta patrie (France) ; les crimes de vos souverains, leurs cruelles exactions, leurs débauches et leur ineptie ont lassé la France ; elle est excédée du despotisme ; elle est à la veille de briser les fers. » (Tom. II, p. 448). On pourrait citer d’autres passages semblables.

« Au point de vue littéraire, l’ouvrage présente de graves défauts ; il est trop long, trop encombré de digressions et de tirades philosophiques ; la narration est prolixe ; en adoptant la forme épistolaire, l’auteur s’est imposé des entraves pénibles ; son récit devient souvent embarrassé et peu vraisemblable. »

« Sans cesse et presque à chaque page, Sade se plaît à exposer des théories sur le gouvernement, la morale, l’éducation, l’économie politique, les relations des sexes, etc. Ses opinions souvent extravagantes et outrageantes (outrageous) offrent cependant parfois des aperçus fort dignes d’attention.

« L’auteur décrit deux royaumes, en contraste complet l’un avec l’autre ; dans celui de Batna, tout est vil et dégradant ; les crimes les plus atroces s’y commettent au grand jour et ne trouvent que des encouragements ; à Tamoë, au contraire, la vertu, le bonheur, la prospérité fleurissent sans obstacle. Les deux descriptions sont remarquables ; celle de Batna est tracée avec énergie.

« L’auteur prévient (p. 2) que l’ouvrage comprend trois genres : le comique, le sentimental, l’érotique. Le comique s’y montre à peine ou pas du tout ; le sentiment est forcé, dépourvu de naturel ; la portion érotique est de beaucoup la plus importante.

« Nous retrouvons à peu près dans Aline et Valcourt, les mêmes personnages que ceux que présentent Justine et Juliette ; le président de Blamont, cruel, dénaturé, adonné à tous les vices, même à l’inceste, Aline, vertueuse, soumise, modeste, toujours persécutée et préférant le suicide à l’horreur de devenir l’épouse d’un vieux libertin ; son père exige ce mariage parce qu’il y voit le moyen de s’assurer la possession de sa propre fille ; Sophie a les mêmes vertus qu’Aline, et elle souffre également, tandis que Rose et Léonore essentiellement vicieuses, se plongent avec ardeur dans le désordre ; Rose prospère, c’est une autre Juliette.

« Mais ici du moins on ne nous fait pas assister aux dégoûtantes, aux sauvages orgies que Sade se plaît à retracer dans Justine et dans Juliette ; le libertinage se concentre dans le cercle d’une famille ; il est moins révoltant, mais il est d’une pratique plus facile et par conséquent plus dangereux.

« Quérard (France littéraire, VIII. 303), avance que l’auteur se peint sous le nom de Valcourt et raconte parfois sa propre histoire ; Valcourt n’est toutefois qu’un bien triste héros ; il ne cesse de jouer un rôle passif ; il ne montre aucune qualité décidée, soit en bien, soit en mal.

« Des extraits d’Aline et Valcourt, ont servi à composer deux romans fort oubliés aujourd’hui : Valmor et Lydia, 1798 ; Alzonde et Koradin, 1799. »

Une production de Sade, Idée sur les romans, a été réimprimée en 1878, à la librairie Rouveyre (petit in-8, XLIII et 50 pages avec une préface sur l’œuvre de Sade).

À la tête une lettre adressée à l’éditeur par un jeune et spirituel écrivain qui, on peut l’affirmer, rendra bien des services à l’histoire littéraire et à l’étude du passé ; ce qu’on lui doit déjà est une garantie certaine.

M. Uzanne se félicite « d’avoir trouvé dans la fange sadique, une brochure décente, d’un intérêt indiscutable qui forme le plus étrange contraste avec l’originalité de son auteur. « Il raconte, à l’égard du joli marquis des faits déjà connus pour la plupart ; il transcrit page XXIII, le testament daté du 30 janvier 1807 et publié pour la première fois par Janin dans le Livre, 1870, page 291.

Sade formule dans ses dernières volontés que son corps ne soit ouvert sous aucun prétexte et qu’il soit transporté sur sa terre de Malmaison où il sera déposé sans aucune espèce de cérémonie dans le premier taillis fourré qui se trouve à droite.

Après une courte notice biographique. L’éditeur a placé la liste raisonnée des divers ouvrages de Sade, elle se compose de 23 numéros ; on y voit figurer, nº 5 la France f-tue, comédie datée du 5796 (1796) et que le catalogue de la bibliothèque dramatique de M. de Soleinne, nº 3712, attribue au marquis ; c’est assez probable mais il existe encore des doutes.

À la suite de l’Idée sur les romans, dont le texte est accompagné de notes instructives, l’éditeur a placé quelques lettres inédites qui offrent un intérêt d’autant plus grand qu’elles présentent le marquis de Sade comme un des nombreux auteurs dramatiques monomanes.

Il est question dans le livre du docteur Paul Moreau de Tours : Des aberrations du sens génésique, (Paris, 1880) du marquis de Sade, « fameux dans les annales psychologiques » on y trouve le récit du bal suivi d’un souper dans lequel on servit à profusion des pastilles de chocolat à la vanille.

« Tout à coup les convives, hommes et femmes, se sentent brûlés d’une ardeur impudique ; les cavaliers attaquent ouvertement les dames. Les cantharides dont l’essence circule dans les veines de ces infortunés, ne leur permettent ni pudeur ni réserve ; les excès sont portés jusqu’à la plus funeste extrémité ; le plaisir devient meurtrier, le sang coule sur le parquet ; les femmes ne font que sourire à cet horrible excès de leur fureur utérine. Prévoyant l’éclat que cette scène, comparable aux orgies de Néron, aurait quand le délire cesserait, Sade s’était sauvé avant le lever du soleil avec sa belle-soeur, toute sanglante encore de ces embrassements brutaux. Plusieurs dames titrées sont mortes des suites de cette nuit de dégoûtantes horreurs. » (Mémoires du temps, 1778).

Nous observerons que ce récit, souvent reproduit avec quelques variantes est fort exagéré ; les documents officiels du procès devant le Parlement d’Aix, atténuent la gravité des faits qui restent toutefois fort criminels.

Vient ensuite dans le livre du docteur Moreau (p. 59) le récit de l’aventure de Rose Keller mais avec des variantes. Des personnes, passant dans une rue isolée de Paris, entendirent des gémissements, pénétrèrent dans la maison, trouvèrent une femme nue, attachée sur une table ; le sang coulait de deux saignées faites aux bras ; les seins étaient légèrement tailladés, les parties sexuelles également incisées et baignées de sang. Lorsque les premiers secours lui eurent été prodigués, elle raconta qu’elle avait été attirée dans cette maison par le marquis ; le souper terminé, elle avait été dépouillée de ses vêtements, étendue et liée sur une table. Un homme avec une lancette lui avait ouvert les veines et pratiqué un grand nombre d’incisions sur le corps, le marquis s’était ensuite livré sur elle à ses débauches habituelles. Son intention, disait-il, n’était point de lui faire du mal, mais comme elle ne cessait de crier, et qu’on entendait du bruit dans les environs de la maison, le marquis de Sade disparut avec ses gens (Brière de Boismont, Gazette médicale de Paris, 21 juillet, 1869.)

Nous avons fait mention d’un livre allemand intitulé : Justine und Juliette, oder die Gefahren der Tugend und die Wonne des Lasters Kritische Ausgabe nach dem Franzosischen des marquis de Sade. Leipzig, Carl Minde. Druck von Ernst Sorge, in Armstadt in-12 de 150 p.

Cet ouvrage est extrêmement peu connu en France ; il présente des choses fort singulières ; nous en donnerons une analyse rapide.

L’auteur débute par une généalogie fantastique ; il donne à tort au héros les prénom et surnom de Charles-Louis ; sa famille remonte aux premières invasions des Normands ; elle a fourni à l’État, sous toutes les dynasties de la France, des militaires, des ecclésiastiques du plus grand mérite. Son père perdit une grande partie de sa fortune, dans les spéculations qu’engendra le système de Law, ce qui l’amena à épouser en secondes noces une femme d’un rang fort inférieur au sien, une juive convertie, veuve d’un riche marchand d’Amsterdam.

Il avait de sa première femme qui appartenait à la famille ducale, de Liancourt, deux enfants, un garçon voué à une déplorable célébrité, et une fille, Camille, qui devint plus tard comtesse de Bray : il avait pris part à la guerre de la Succession ; il avait été grièvement blessé à Ramillies ; mécontent de ne pas être élevé au delà du grade de colonel, il quitta le service et se retira dans ses terres. Il avait un frère cadet qui embrassa la carrière ecclésiastique et entra dans l’ordre des Jésuites ; il jouit d’un grand crédit auprès de la marquise, de Prie, et des ministres Bourbon et Fleury ; intrigant habile, il se maintenait en faveur. Son frère et lui étaient de très beaux hommes, auxquels peu de belles résistaient, et la comtesse de Bray fut l’une des femmes les plus galantes de tout Paris.

Le jeune Sade porta dans sa jeunesse le titre de vicomte ; son oncle discerna promptement chez lui des passions fougueuses et une intelligence remarquable. Il le plaça au couvent des Jésuites à Noisy-le-Sec. Le vicomte se distingua par ses progrès dans l’étude. Les bons Pères cherchèrent à le faire entrer dans leur ordre ; ils se flattaient de trouver en lui une recrue qui leur serait utile. Son oncle l’en dissuada : « Tu as tout ce qu’il faut pour réussir ; c’est pour toi, non pour d’autres qu’il faut travailler. »

L’oncle quitta Noisy-le-Sec lorsque son neveu eut fini ses études ; il avait eu des querelles avec ses confrères ; le vicomte et lui entreprirent ensemble de longs voyages ; ils parcourent les Pays-Bas, l’Angleterre, l’Espagne et l’Italie ; la mort du père de notre héros les ramena en France.

Il rencontra dans la diligence qui le conduisait à Paris, une jeune fille d’une beauté remarquable, mademoiselle Aroult ; elle était protestante ; ses parents avaient figuré parmi les victimes de la révocation de l’Édit de Nantes ; ils lui avaient fait prêter serment de ne jamais épouser un catholique. Ce fut en vain que Sade, animé pour elle de la passion la plus vive, lui offrit sa main ; elle refusa, sans nier toutefois l’impression qu’il avait produite sur son cœur. C’est dans un sentiment de vengeance qu’il s’est plu à accumuler sur elle outrages et infortunes, car les romans de Sade sont des autobiographies ; Justine, c’est mademoiselle Aroult ; Juliette, c’est la comtesse de Bray ; l’oncle c’est le père Vitin.

On sait quelle était l’immoralité qui régnait à la cour de Louis XV ; Sade se précipita avec ardeur dans tous les excès ; son nom devint célèbre ; on parla de lui dans le boudoir de madame de Pompadour et aux petits soupers du roi. Ce monarque que l’ennui dévorait, voulut connaître le libertin déjà fameux ; le cardinal de Fleury s’en mêla ; Sade vint prendre part à un souper auquel assistaient le roi, la maîtresse, le maréchal de Richelieu, les ministres Choiseul et Sartiges (sic).

Le souper se termina, comme d’usage, par une orgie ; Sade y joua un rôle si brillant que le roi, étonné et charmé, voulut lui faire visiter le Parc-aux-Cerfs, et lui demander ses conseils sur les perfectionnements à introduire dans ce sérail. Plusieurs des scènes décrites dans les quatre derniers volumes de l’œuvre de Sade, sont un récit de ce qui se passait parfois au Parc-aux-Cerfs.

Nous ne suivrons pas l’écrivain allemand dans tous les détails qu’il se plaît à raconter. Il nous dit que mademoiselle Aroult épousa un négociant nommé Sevrin ; Sade veut se venger sur l’homme qui lui a été préféré ; il l’attire dans un guet à pens et lui fait subir une horrible mutilation. Il entreprend ensuite un voyage en Italie, s’y livre à toutes sortes d’infamies et de crimes, et revenu en France, trouve le roi très empressé de le revoir. Le marquis raconte tout ce qu’il a fait, sans rien omettre ni dissimuler. Louis XV est enchanté ; il veut réaliser, pour son compte, ce que Sade décrit si bien. Il s’adresse, dans ce but, au ministre de la police qui lui procure tout ce qu’il désire. Le roi se donne, entre autres distractions, celle d’assister à l’exécution de quelques criminels, et l’auteur ajoute qu’on sait que Louis XV, caché derrière une des fenêtres de l’Hôtel de ville, fut témoin de l’horrible supplice infligé à Damiens en place de Grève.

Le roi nomme Sade son « maître secret des plaisirs. » Juliette lui a été présentée ; il l’accueille avec la plus vive satisfaction, et il lui fait de riches cadeaux.

Quelque temps après, le marquis, son oncle et Juliette retournent en Italie ; ils s’y livrent à toutes sortes d’excès, et ils finissent par être inquiétés par la police romaine, ce qui les engagea à revenir en France. Ils trouvèrent de nouveau à Versailles l’accueil le plus empressé ; madame du Barry voulut, elle aussi, entendre le récit très détaillé des aventures du marquis ; quelques épisodes la choquèrent un peu ; l’histoire de la femme livrée aux bêtes féroces pour amuser le marquis et son entourage lui causa quelques émotions ; mais elle se remit promptement, et elle prit une part brillante à de nouvelles orgies.

Arrivé à ce point, l’auteur allemand s’arrête dit qu’il a longtemps manqué de renseignements sur le reste de la vie de son héros qui mourut, à ce qu’il pense, vers 1775 ou 1776 ; heureusement, dans le cours d’un voyage qu’il fit en Angleterre, il rencontra un vieil émigré français, le marquis de M-ss-e qui, depuis 1792, n’avait pas quitté Londres, et qui était très au fait de la chronique scandaleuse de l’ancien régime ; il connaissait l’histoire du marquis ; il en présente le dénouement par un aspect fort inattendu.

Fatigué de tant d’excès, cédant aux reproches d’une conscience fort longtemps endormie, le marquis alla consulter son oncle, le père Vitin qui était rentré dans le couvent des Jésuites à Noisy-le-Sec ; le vieux pécheur conseilla à son digne neveu d’entrer dans l’ordre des Camaldules ; il y fut fort bien accueilli ; il y vécut en paix jusqu’à ce que la mort vint le frapper à l’âge de 63 ans ; son aménité l’avait rendu cher à ses confrères ; sa piété les édifia tellement qu’ils demandèrent au pape de le canoniser. Il légua toute sa fortune au couvent. Sa sœur, la comtesse de Bray, fut fort irritée ; elle attaqua le testament : il en résulta un procès qui traîna si bien en longueur qu’il n’était pas terminé lorsque la révolution éclata ; il n’en fut plus question. Juliette était devenue vieille et laide ; elle chercha à se mettre en rapport avec les hommes que les événements élevaient au pouvoir, Barnave, Petion, Robespierre, mais ils ne firent aucune attention à elle. De dépit, elle changea de parti, elle se mêla d’intrigues contre-révolutionnaires, elle se lia avec Madame du Barry, et traduite devant le redoutable tribunal révolutionnaire, elle périt sur l’échafaud le même jour que l’ancienne favorite de Louis XV.

Une lettre de Sade faisait partie de la collection d’autographes de M. Michelot, (de Bordeaux) vendue à Paris en mai 1880 : elle est adressée au gouverneur de Vincennes (prison de Vincennes, 2 nov. 1763, 6 p. pl. in-4), lettre fort curieuse, écrite à l’âge de vingt-deux ans, et très importante pour la biographie qu’elle rectifie sur plusieurs points.

Emprisonné pour des excès commis dans une petite maison (peut-être celle d’Arcueil), Sade demande qu’on instruise sa femme de son arrestation, donne l’adresse de sa belle-mère, la présidente de Montreuil, et sollicite la permission de voir un prêtre. « Tout malheureux que je me trouve ici, Monsieur, je ne me plains point de mon sort. Je méritais la vengeance de Dieu, je l’éprouve : pleurer mes fautes, détester mes erreurs, est mon unique occupation. » Il demande son valet de chambre et le prie de ne pas instruire sa famille du sujet de sa détention. « Je serais, dit-il, perdu sans ressources dans leur esprit. » La date de son mariage, d’après cette lettre, serait du 17 mai 1763, et non 1766, comme l’ont dit certains biographes. On a joint à cette curieuse épitre une minute de lettre du gouverneur de Vincennes qui invite le Père Griffet à aller voir un jeune homme de vingt-deux ans, le marquis de Sade, qui a bien besoin de son ministère.

Un volume publié en 1861 (Paris, Techener, in-8º) sous le titre de : Mélanges curieux et anecdotiques tirés d’une collection de lettres autographes ayant appartenu à M. Fossé d’Arcosse, nous offre (nº 1003, p. 416) une lettre autographe adressée à un négociant de Lyon (16 pluviose an VI) pour intérêts particuliers, et 6 pages in-4º, de Fragments autographes paraissant se rapporter soit au Journal de sa détention à la Bastille ou à Vincennes, soit à ses mémoires… temps divisé en 12 parties… Supposition… la première division de 33, sans air, ni lettre, ni encre, ni quoi que ce soit au monde… la deuxième de 34, une heure de promenade et permission d’écrire une seule fois la semaine. Celui sur lequel sont les mots : Histoire de ma détention est particulièrement curieux.

Un de nos amis, bibliophile fervent, nous adresse la lettre suivante que nous croyons devoir reproduire :

« Vous avez bien voulu me communiquer les épreuves de votre étude sur le marquis de Sade ; vous me demandez si je n’aurais pas quelques communications à vous faire à cet égard. J’en aurai sans doute, mais en ce moment, éloigné de mes livres et fort occupé d’ailleurs, je dois me borner à quelques notes rapides.

« L’auteur de Justine offre à la psychologie un objet d’études des plus curieux ; pour bien le comprendre, il ne faut pas l’isoler de l’époque qu’il traversa. Les derniers de ses écrits n’auraient pas eu le caractère de férocité qu’ils présentent, s’il n’avait pas vu les excès du régime de la Terreur ; en inventant les Mariages républicains et les bateaux à soupapes, Carrier n’offrait-il pas la réalité de quelques-unes des inventions du marquis ?

« Sade n’a point, de nos jours, manqué d’imitateurs parmi nos écrivains. Sans aller aussi loin que lui, des romanciers ont montré des héros et des héroïnes de la perversité la plus raffinée. Quant aux principes de la philosophie sadesque, quant à sa négation de toute morale, quant à son athéisme, on retrouve tout cela partout aujourd’hui.

« Proudhon, entre autres, a beaucoup emprunté à Sade ; il s’en est inspiré en maint endroit ; il serait facile d’enregistrer, à cet égard, les rapprochements les plus frappants.

« La Biographie Michaud avance que le marquis fit hommage à chacun des cinq directeurs de la République française, d’un exemplaire de ses monstrueuses productions ; ce fait a été révoqué en doute comme tout à fait invraisemblable ; il est cependant exact, et des recherches persévérantes ont fait découvrir quel avait été le sort de quelques-uns de ces exemplaires, notamment de celui de Barras ; le journal l’Intermédiaire, habituellement si riche en faits curieux, a donné à cet égard des détails piquants.

« Un mot et je finis, Madame Tallien, dont parle une de vos notes, ne jouissait pas, fort peu de temps après la publication de Zoloé, d’une excellente réputation, puisque c’est à elle que fut adressée, selon le Catalogue imprimé de la Bibliothèque nationale (Histoire de France, tom. X. p. 273 nº 19331), une Lettre du diable à la plus grande putain de Paris. La reconnaissez-vous ?  »

Ce libellé est signé BEELZBUD. L’administration de l’immense dépôt de la rue Richelieu a placé cet opuscule dans la réserve où elle range ce qu’elle possède de plus précieux.

Nous ne nous dissimulons pas d’ailleurs combien notre étude reste incomplète ; une biographie complète du marquis de Sade, ayant pour point d’appui des documents authentiques est encore à faire ; ces documents existent, ils sont dans des mains qui en connaissent le prix ; un jour viendra, nous l’espérons du moins, où ils seront livrés au public.

Au moment de mettre sous presse on nous signale un article de la Revue des deux Mondes où il est question des diplomates étrangers résidant à Madrid vers 1840 ; le ministre des États-Unis est signalé comme un négociateur fort habile, mais se livrant parfois à des excentricités d’un goût douteux : ne s’avisa-t-il pas un jour, imitateur trop fidèle du marquis, d’inviter à souper une vingtaine de manolas, auxquelles il distribua des substances par trop irritantes ?


  1. Sotades, auteur fort licentieux, grec contemporain de Ptolémée Philadelphe. On dit qu’ayant imprudemment attaqué de puissants personnages, il fut enfermé dans un coffre et jeté à la mer. Il en est fait mention dans Athénée ; Deipnos. XIV, dans Suidas ; dans Plutarque. Il ne reste de ses écrits que quelques faibles débris. Voir Hermana : Élement. doct. met. (Leipzig.) 1816, p. 144, et Fabricius, Bibl. groec. II. 495.
  2. Parmi les autres publications de Bertrandet, nous trouvons la traduction des Nouvelles galantes de B…, (Batachi) par un académicien des Arcades de Rome (Louet de Chaumont) Paris, an XII. Ce recueil est devenu peu commun ; un bel ex. payé 44 frs., vente J. D. L. M. janvier 1866. À l’égard des diverses éditions italiennes de ces contes, voir G. Passano : I Novellieri italiani in verso. Bologna. 1868 p. 137.
  3. Voir sur ce personnage trop célèbre une notice de M. Armand Guiraud. 1836, in-8º, et un article de M. Vallet de Viriville : 495. Nouvelle-Biographie générale. XLI, 496.
  4. On comprend sans peine que Justine ne figure guère sur les catalogues des livres publiés en France ; un exemplaire de l’édition de 1791, 2 vol. in-8º (gravures ajoutées), se montra cependant au catalogue Pixérécourt, numéro 1239, mais il ne passa pas aux enchères. Nous trouvons aussi les dix volumes sur le catalogue de la bibliothèque (non destinée à la vente) de M. Joachim Gomez de la Cortina, à Madrid (1855, nº 3908) ; ces dix volumes sont indiqués comme ayant coûté trois mille réaux, (750 francs). Ils se montrent aussi au catalogue d’une importante collection qu’un libraire fort connu à Paris, M. Techener, avait envoyée à Londres pour y être livrée aux enchères et qu’un incendie a détruite le 29 juin 1865. Le comte Tullio Dandolo, dans ses Reminisence fantasie, scherzi litterari (Turin, 1840), avance que l’empereur Napoléon défendit, sous peine de mort, la lecture de Justine aux militaires de ses armées. Nous n’avons trouvé nulle autre part l’indication de cette prohibition qui nous paraît dénuée de vérité historique.
  5. C’est, à ce qu’il paraît, l’exemplaire qui se trouvait dans la bibliothèque de M. Cigongne, acquise en bloc par le duc d’Aumale, qui rétrocéda ce volume.
  6. Le titre porte par le citoyen S***. La marque des frontispices est une lyre surmontée d’une couronne avec des rameaux de laurier de chaque côté et les mots VERITAS IMPAVIDA. Une autre édition, très-probablement la même avec un frontispice renouvelé, porte l’adresse de la veuve Girouard, 1795. Le nom de Sade et la marque ont disparu ; l’ouvrage est précédé d’une épigraphe de sept vers latins empruntés à Lucrèce et énonçant la pensée qu’il faut faire avaler aux enfants des breuvages amers, mais salutaires : « Nam veluti pueris absinthia tetra medentes… »
  7. Signalons encore ici une lettre autographe fort curieuse écrite par Napoléon 1er, lorsqu’il n’était sans doute que premier consul, et adressée à Joséphine ; elle a été insérée dans un catalogue d’autographes publié au mois d’octobre 1865, par le libraire Charavay et reproduite dans la Petite Revue, numéro du 4 novembre 1865, pages 170 et 171, lettre signée N. avec paraphe, lundi à midi. Dans cette lettre fort curieuse, Napoléon défend à sa femme de voir madame Tallien sous aucun prétexte. « Si tu tiens à mon estime, et si tu veux me plaire, ne transgresse jamais le présent ordre… Un misérable l’a épousée avec huit bâtards. Je la méprise elle-même plus qu’avant. Elle était une fille aimable ; elle est devenue une femme d’horreur et infâme. Je serai à Malmaison bientôt. Je t’en préviens pour qu’il n’y ait point d’amoureux la nuit ; je serais fâché de les déranger….. » Née à Saragosse vers 1775, Mme  Tallien divorça et épousa en 1805, M. de Caraman, qui devint peu après Prince de Chimay ; elle mourut le 15 janvier 1835 ; M. Arsène Houssaye, lui a consacré sous le titre de Notre-Dame de Termidor, un volume où la fantaisie tient plus de place que la vérité historique.
  8. Le comte François de Cabarus, né à Bayonne, mort en 1810, célèbre par ses opérations financières en Espagne.
  9. Joséphine, née en 1763, avait près de trente-huit ans lorsque Zoloé fut livrée à l’impression.
  10. Il existe divers manuscrits du procès fait à ce monstre exécrable, qui subit, le 25 octobre 1440, le dernier supplice, peine bien douce de tant de forfaits. Voir, Desessarts, Procès fameux, la Bibliographie universelle, etc.
  11. Voir les Fous littéraires. Bruxelles, Gay et Doucé, 1680, p. 171.