Les Dieux antiques/Deucalion

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J. Rothschild, éditeur (p. 153-155).




DEUCALION, DIEU GREC ET LATIN.
(Grec : Deucalion.)





A l’époque de Deucalion, chef de Phthia, et fils de Prométhée et de Clymène, Zeus résolut de punir la méchanceté des hommes, l’iniquité de Lycaon et de ses fils y ayant mis le comble. Il envoya donc un déluge à la terre, et, comme les eaux s’élevaient, Deucalion ordonna à sa femme Pyrrha d’apprêter l’arche qu’il avait construite sur l’avertissement de son père Prométhée. Or y entrant, lui et sa femme, ils furent portés sur les eaux pendant huit jours, et le neuvième, l’arche demeura sur les hauteurs du Parnasse. Ils laissèrent cette nef sur la cime, et offrirent un sacrifice à Zeus, lequel envoya Hermès pour exaucer toute prière faite par Deucalion. Le juste demanda la restauration de la race humaine ; Hermès dit que lui et sa femme avaient à se couvrir la face de leurs manteaux, et à jeter derrière eux les os de leur mère sur le chemin. La sagesse qui venait à ce géant de son père Prométhée lui enseigna que sa mère, c’était la terre ; il fallait donc jeter simplement des pierres derrière soi pendant la descente du Parnasse. Les cailloux ainsi semés devinrent des hommes et des femmes, et commencèrent aussitôt cette dure vie de labeurs, qui est depuis le lot de l’humanité.

Quand eut lieu ce déluge ? Quelques-uns le fixent au règne d’Ogygas, roi mythique d’Athènes, mais il y a maintes variantes à ce conte : telle disant que tous les hommes périrent ; une autre, que ceux de Delphes échappèrent. Ainsi, dans l’histoire babylonienne de Xisuthros, le déluge épargne les mortels qui sont pieux. Dans quelques leçons du conte indien, Manu entre en l’arche ainsi que les sept sages ou Rishis, qui restent avec lui jusqu’à l’atterrissement sur un pic appelé Naubandhana (des liens du vaisseau). Les noms de cette légende se peuvent expliquer : donc, lecteurs, à l’œuvre ! Le nom de Deucalion d’abord n’est pas sans se rattacher à celui de Polydéikès ou le Pollux latin, le fils « brillant » de Léda (autre forme de Léto). Sa femme Pyrrha, la rouge (en tant que désignant peut-être la terre rouge), appartient à cette même classe, ainsi qu’Iole, Iocaste, Iam « de couleur violette », et Phœnix « pourpre ». Reliez enfin ce conte à beaucoup d’autres. La légende de Prométhée se rattache à celle d’Io et d’Héraclès, d’Épiméthée, de Pandore, d’Athéné et à plus d’une encore. Deucalion est aussi le père de Minos, le Manu indien « le penseur, ou l’homme » ; et Minos, père d’Ariane, que Thésée conduit à Naxos après avoir tué le Minotaure, est de plus apparenté avec Nisos et Skulla, en latin Nisus et Scylla.

D’autres enfants passent pour issus de Deucalion : on appelle ce géant le père d’Hellène (de qui l’on dit que descendirent les Hellènes), et de Protogénéia « le grand matin », enfant premier-né du soleil. Légendes qui procèdent du même esprit. Protogénéia, l’aube, devient mère d’Aéthlios, le soleil peinant et s’efforçant, qui, comme Héraclès et Achille, travaille pour d’autres, non pour soi : et Aéthlios est le père d’Endymion le beau, qui s’enfonce, pour y dormir, dans la caverne de Latmos comme le soleil plonge dans la mer occidentale. Toujours l’acte solaire.

Ajoutons que l’histoire de Deucalion a été conservée par la tradition d’un autre peuple. Les Indiens Macusi de l’Amérique du Sud racontent, dit-on, que le dernier homme qui survécut au déluge repeupla la terre en changeant des pierres en hommes. Selon les Tamanaks d’Orinoko, ce fut un couple d’êtres humains qui jeta derrière lui le fruit de certain palmier, et du noyau naquirent des hommes et des femmes.