Les Doïnas/XXVI

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Adieux à la Moldavie (première édition 1853)
Traduction par J.-E. Voïnesco.
Les DoïnasJoël CherbuliezLittérature roumaine (p. 86-87).




XXVI

ADIEUX À LA MOLDAVIE


Douce contrée, pays charmant, ô bien-aimée Moldavie ! celui qui part et s’éloigne de toi éprouve un regret amer ; car, au sein des beaux rêves où elle se berce comme dans un paradis, la vie est belle sous ton ciel d’azur, belle comme un beau jour de mai.

Hélas ! je te quitte, ô ma patrie adorée ! je m’éloigne de ton ciel radieux, mais je sens mon cœur se briser ; je soupire amèrement et amèrement je pleure. Au moment de me séparer de toi, j’éprouve de cruels regrets, et je vois mes plus chères illusions m’abandonner à ma douleur.

Qui peut savoir, qui peut me dire, si, poussé par ma destinée, je reviendrai jamais pour embrasser avec bonheur la terre de tes rivages ; si jamais je pourrai revoir tes montagnes retentissantes dont le front se perd au sein des nuages.

Et tes forêts aux riches feuillages, où l’on entend couler et murmurer tendrement de frais ruisseaux qui raniment le cœur, et des doïnas mélodieuses qui parlent d’amour ; et ton beau ciel qui sourit si doucement à l’âme des Roumains, et tout ce qui m’aime et tout ce que j’aime en ce monde.

Voici l’heure du départ, voici l’heure pleine d’amertume ! joie et bonheur, je laisse tout sur ta frontière, ô Moldavie bien-aimée ! et mon cœur te dit avec amour : « Adieu ! mon doux pays, sois heureux ; puissé-je, à mon retour, te retrouver plus heureux encore ! »