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Les Enfantines du bon pays de France/Chansons historiques

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Chansons historiques.


LE ROI DE SAVOIE.
Ronde du Puy.


C’était le roi de Savoie,
C’est le roi des bons enfants,
Il s’était mis dans la tête
De détrôner le sultan.
Et rantanplan, gare, gare, gare,
Et rantanplan, gare de devant.

Il s’était mis dans la tête
De détrôner le sultan ;
Il composa une armée
De quatre-vingts paysans.
Et rantanplan, etc.


Il composa une armée
De quatre-vingts paysans ;
Il prit pour artillerie
Quatre canons de fer-blanc,
Et rantanplan, etc.

Il prit pour artillerie
Quatre canons de fer-blanc,
Et pour toute cavalerie,
Les ânes du couvent.
Et rantanplan, etc.

Et pour toute cavalerie,
Les ânes du couvent ;
Ils étaient chargés de vivres
Pour nourrir le régiment.
Et rantanplan, etc.

Ils étaient chargés de vivres
Pour nourrir le régiment ;
Ils montèrent sur une montagne :
Mon Dieu, que le monde est grand !
Et rantanplan, etc.


Ils montèrent sur une montagne :
Mon Dieu, que le monde est grand !
Ils virent une petite rivière
Qu’ils prirent pour l’Océan.
Et rantanplan, etc.

Ils virent une petite rivière
Qu’ils prirent pour l’Océan ;
En voyant venir l’ennemi :
Sauve qui peut, allons-nous-en !
Et rantanplan, etc.

(L’Art en Province, 1857-1858, p. 39.)
Reproduit par la revue « Mèlusine », numéro du 5 janvier 1877.


LE ROI DAGOBERT.


Le bon Roi Dagobert
Avait sa culotte à l’envers ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Votre majesté
Est mal culotté.
C’est vrai, lui dit le Roi,
Je vais la remettre à l’endroit.

Le bon Roi Dagobert
Fut mettre son bel habit vert ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Votre habit paré
Au coude est percé.
C’est vrai, lui dit le Roi,
Le tien est bon, prête-le-moi.


Du bon Roi Dagobert
Les bas étaient rongés des vers :
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Vos deux bas cadets
Font voir vos mollets.
C’est vrai, lui dit le Roi,
Les tiens sont neufs, donne-les-moi.

Le bon Roi Dagobert
Faisait peu sa barbe en hiver ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Il faut du savon
Pour votre menton.
C’est vrai, lui dit le Roi,
As-tu deux sous ? prête-les-moi.

Du bon Roi Dagobert
La perruque était de travers ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Que le perruquier
Vous a mal coiffé !

C’est vrai, lui dit le Roi,
Je prends ta tignasse pour moi.

Le bon Roi Dagobert
Portait manteau court en hiver ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Votre Majesté
Est bien écourté.
C’est vrai, lui dit le Roi,
Fais-le rallonger de deux doigts.

Le Roi faisait des vers,
Mais il les faisait de travers ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Laissez aux oisons
Faire des chansons.
Eh bien, lui dit le Roi,
C’est toi qui les fera pour moi.

Le bon Roi Dagobert
Chassait dans la plaine d’Anvers ;

Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Votre Majesté
Est bien essoufflé.
C’est vrai, lui dit le Roi,
Un lapin courait après moi.

Le bon Roi Dagobert
Allait à la chasse au pivert ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
La chasse aux coucous
Vaudrait mieux pour vous.
Eh bien, lui dit le Roi,
Je vais tirer, prends garde à toi.

Le bon Roi Dagobert
Avait un grand sabre de fer ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Votre Majesté
Pourrait se blesser.
C’est vrai, lui dit le Roi,
Qu’on me donne un sabre de bois.


Le bon Roi Dagobert
Se battait à tort, à travers ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Votre Majesté
Se fera tuer.
C’est vrai, lui dit le Roi,
Mets-toi bien vite devant moi.

Le bon Roi Dagobert
Voulait conquérir l’univers ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Voyager si loin
Donne du tintoin.
C’est vrai, lui dit le Roi,
Il vaudrait mieux rester chez soi.

Le Roi faisait la guerre,
Mais il la faisait en hiver ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Votre Majesté
Se fera geler.

C’est vrai, lui dit le Roi,
Je m’en vais retourner chez moi.

Le bon Roi Dagobert
Voulait s’embarquer sur mer ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Votre Majesté
Se fera noyer.
C’est vrai, lui dit le Roi,
On pourrait crier : Le Roi boit.

Le bon Roi Dagobert
Avait un vieux fauteuil de fer ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Votre vieux fauteuil
M’a donné dans l’œil.
Eh bien, lui dit le Roi,
Fais-le vite emporter chez toi.

Le bon Roi Dagobert
Mangeait en glouton du dessert ;

Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Vous êtes gourmand,
Ne mangez pas tant ;
Bah ! bah ! lui dit le Roi,
Je ne le suis pas tant que toi.

Le bon Roi Dagobert
Ayant bu, allait de travers ;
Le grand saint Éloi
Lui dit : O mon Roi !
Votre Majesté
Va tout de côté.
Eh bien, lui dit le Roi,
Quand t’es gris marches-tu plus droit ?


MONSIEUR DE LA PALISSE.


Messieurs, vous plaît-il d’ouïr
L’air du fameux La Palisse ?
Il pourra vous réjouir,
Pourvu qu’il vous divertisse.

La Palisse eut peu de bien
Pour soutenir sa naissance ;
Mais il ne manqua de rien,
Dès qu’il fut dans l’abondance.

Bien instruit dès le berceau,
Jamais, tant il fut honnête,
Il ne mettait son chapeau,
Qu’il ne se couvrit la tête.

Il était affable et doux,
De l’humeur de feu son père,
Et n’entrait guère en courroux
Si ce n’est dans la colère.


Il buvait tous les matins
Un doigt tiré de la tonne ;
Et mangeant chez ses voisins,
Il s’y trouvait en personne.

Il voulait dans ses repas
Des mets exquis et fort tendres,
Et faisait son mardi gras,
Toujours la veille des Cendres.

Ses valets étaient soigneux
De le servir d’andouillettes,
Et n’oubliaient pas les œufs,
Surtout dans les omelettes.

De l’inventeur du raisin,
Il révérait la mémoire ;
Et pour bien goûter le vin
Jugeait qu’il fallait en boire.

Il disait que le nouveau
Avait pour lui plus d’amorce ;
Et moins il y mettait d’eau
Plus il y trouvait de force.


Il consultait rarement
Hippocrate et sa doctrine,
Et se purgeait seulement
Lorsqu’il prenait médecine.

Il aimait à prendre l’air,
Quand la saison était bonne ;
Et n’attendait pas l’hiver
Pour vendanger en automne.

Il épousa, ce dit-on,
Une vertueuse dame ;
S’il avait vécu garçon,
Il n’aurait pas eu de femme.

Il en fut toujours chéri ;
Elle n’était point jalouse ;
Sitôt qu’il fut son mari,
Elle devint son épouse.

D’un air galant et badin,
Il courtisait sa Caliste,
Sans jamais être chagrin,
Qu’au moment qu’il était triste.


Il passa près de huit ans
Avec elle fort à l’aise ;
Il eut jusqu’à huit enfants,
C’était la moitié de seize.

On dit que dans ses amours
Il fut caressé des belles,
Qui le suivirent toujours,
Tant qu’il marcha devant elles.

Il brillait comme un soleil ;
Sa chevelure était blonde :
Il n’eût pas eu son pareil,
S’il eût été seul au monde.

Il eut des talents divers,
Même on assure une chose :
Quand il écrivait en vers,
Qu’il n’écrivait pas en prose.

En matière de rébus,
Il n’avait pas son semblable :
S’il eût fait des impromptus,
Il en eût été capable.


Il savait un triolet
Bien mieux que sa patenôtre ;
Quand il chantait un couplet,
Il n’en chantait pas un autre.

Il expliqua doctement
La physique et la morale :
Il soutint qu’une jument
Est toujours une cavale.

Par un discours sérieux,
Il prouva que la berlue
Et les autres maux des yeux
Sont contraires à la vue.

Chacun alors applaudit
A sa science inouïe :
Tout homme qui l’entendit
N’avait pas perdu l’ouïe.

Il prétendit, en un mois,
Lire toute l’Écriture,
Et l’aurait lue une fois,
S’il en eût fait la lecture.


Par son esprit et son air,
Il s’acquit le don de plaire ;
Le Roi l’eût fait Duc et Pair,
S’il avait voulu le faire.

Mieux que tout autre il savait
A la cour jouer son rôle :
Et jamais lorsqu’il buvait,
Ne disait une parole.

Lorsqu’en sa maison des champs
Il vivait libre et tranquille,
On aurait perdu son temps
De le chercher à la ville.

Un jour il fut assigné
Devant son juge ordinaire ;
S’il eût été condamné,
Il eût perdu son affaire.

Il voyageait volontiers,
Courant par tout le royaume. :
Quand il était à Poitiers,
Il n’était pas à Vendôme.


Il se plaisait en bateau,
Et, soit en paix, soit en guerre,
Il allait toujours par eau,
A moins qu’il n’allât par terre.

Un beau jour, s’étant fourré
Dans un profond marécage,
Il y serait demeuré,
S’il n’eût pas trouvé passage.

Il fuyait assez l’excès ;
Mais dans les cas d’importance,
Quand il se mettait en frais,
Il se mettait en dépense.

Dans un superbe tournoi,
Prêt à fournir sa carrière,
Il parut devant le Roi :
Il n’était donc pas derrière.

Monté sur un cheval noir,
Les dames le reconnurent ;
Et c’est là qu’il se fit voir
A tous ceux qui l’aperçurent.


Mais, bien qu’il fût vigoureux,
Bien qu’il fît le diable à quatre,
Il ne renversa que ceux
Qu’il eut l’adresse d’abattre.

Il fut, par un triste sort,
Blessé d’une main cruelle ;
On croit, puisqu’il en est mort,
Que la plaie était mortelle.

Regretté de ses soldats,
Il mourut digne d’envie,
Et le jour de son trépas
Fut le dernier de sa vie.

Il mourut le vendredi,
Le dernier jour de son âge :
S’il fût mort le samedi,
Il eût vécu davantage.


MORT ET CONVOI DE l’INVINCIBLE MALBROUGH.


Malbrough s’en va-t-en guerre,
Mironton, mironton, mirontaine ;
Malbrough s’en va-t-en guerre,
Ne sait quand reviendra.

Il reviendra z-à Pâques,
Mironton, mironton, mirontaine ;
Il reviendra z-à Pâques
Ou à la Trinité.

La Trinité se passe,
Mironton, mironton, mirontaine ;
La Trinité se passe,
Malbrough ne revient pas.

Madame à sa tour monte,
Mironton, mironton, mirontaine ;
Madame à sa tour monte,
Si haut qu’elle peut monter.


Elle aperçoit son page,
Mironton, mironton, mirontaine ;
Elle aperçoit son page,
Tout de noir habillé.

Beau page, ah ! mon beau page,
Mironton, mix-onton, mirontaine ;
Beau page, ah ! mon beau page,
Quell’ nouvelle apportez ?

Aux nouvell’s que j’apporte,
Mironton, mironton, mirontaine ;
Aux nouvell’s que j’apporte,
Vos beaux yeux vont pleurer.

Quittez vos habits roses,
Mironton, mironton, mirontaine ;
Quittez vos habits roses
Et vos satins brochés.

Monsieur d’Malbrough est mort,
Mironton, mironton, mirontaine ;
Monsieur d’Malbrough est mort,
Est mort et enterré.


J’ l’ai vu porter en terre,
Mironton, mironton, mirontaine ;
J’ l’ai vu porter en terre,
Par quatre z-officiers.

L’un portait sa cuirasse,
Mironton, mironton, mirontaine ;
L’un portait sa cuirasse,
L’autre son bouclier.

L’un portait son grand sabre,
Mironton, mironton, mirontaine ;
L’un portait son grand sabre,
L’autre ne portait rien.

A l’entour de sa tombe,
Mironton, mironton, mirontaine ;
A l’entour de sa tombe,
Romarins l’on planta.

Sur la plus haute branche,
Mironton, mironton, mirontaine ;
Sur la plus haute branche,
Le rossignol chanta.


On vit voler son âme,
Mironton, mironton, mirontaine,
On vit voler son âme,
Au travers des lauriers.

Chacun mit ventre à terre,
Mironton, mironton, mirontaine ;
Chacun mit ventre à terre,
Et puis se releva,

Pour chanter les victoires,
Mironton, mironton, mirontaine ;
Pour chanter les victoires,
Que Malbrough remporta.

La cérémonie faite,
Mironton, mironton, mirontaine ;
La cérémonie faite,
Chacun s’en fut coucher.


CADET ROUSSELLE.


Cadet Rousselle a trois maisons
Qui n’ont ni poutres ni chevrons ;
C’est pour loger les hirondelles ;
Que direz-vous d’ Cadet Rousselle ?
Ah ! ah ! ah ! mais vraiment,
Cadet Rousselle est bon enfant !

Cadet Rousselle a trois habits ;
Deux jaunes, l’autre en papier gris ;
Il met celui-là quand il gèle,
Ou quand il pleut et quand il grêle.
Ah ! ah ! etc.

Cadet Rousselle a trois beaux yeux,
L’un r’garde à Caen, l’autre à Bayeux ;
Comme il n’a pas la vue bien nette,
Le troisième, c’est la lorgnette :
Ah ! ah ! etc.


Cadet Rousselle a une épée
Très-longue mais toute rouillée ;
On dit qu’elle est encor pucelle,
C’est pour fair’ peur aux hirondelles.
Ah ! ah ! etc.

Cadet Rousselle a trois souliers ;
Il en met deux dans ses deux pieds ;
Le troisième n’a pas de semelle,
Il s’en sert pour chausser sa belle.
Ah ! ah ! etc.

Cadet Rousselle a trois cheveux,
Deux pour les fac’s, un pour la queue ;
Et quand il va voir sa maîtresse,
Il les met tous les trois en tresse.
Ah ! ah !etc.

Cadet Rousselle a trois beaux chats,
Qui n’attrapent jamais les rats,
Le troisièm’ n’a pas de prunelle,
Et monte au grenier sans chandelle.
Ah ! ah ! etc.


Cadet Rousselle a marié
Ses trois filles dans trois quartiers ;
Les deux premier’ ne sont pas belles,
La troisiem’ n’a pas de cervelle.
Ah ! ah ! etc.

Cadet Rousselle a trois deniers,
C est pour payer ses
créanciers ;
Quand il a montré Ses ressources,
Il les remet dedans sa bourse.
Ah ! ah ! etc.

Cadet Roussell’ s’est fait acteur,
Comme Chénier s’est fait auteur ;
Au café, quand il jou’ son rôle,
Les aveugles le trouvent drôle.
Ah ! ah ! etc.

Cadet Roussell’ ne mourra pas,
Car avant de sauter le pas,
On dit qu’il apprend l’orthographe
Pour fair’ lui-mêm’ son épitaphe.
Ah ! ah ! ah ! mais vraiment,
Cadet Rousselle est bon enfant !