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Les Enfantines du bon pays de France/Couplets et dictons

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Couplets et Dictons[1].


LA CLOCHE DE PROVINS.


Je m’appelle Guillemette,
De mette
Je suis faicte
Pour la guette,
Et sonner la retraite,
De Gentico.


Dans l’église de Saint-Pierre de Provins était une cloche portant ces vers. On a cru voir dans le mot Gentico un souvenir d’Agendicum et on en a conclu que Provins était l’Agendicum de César, à la grande confusion des gens de Sens : opinion que nous ne partageons pas.

La Guillemette fut brisée en 1279, parce qu’elle avait sonné le tocsin dans une émeute dont la chronique de saint Magloire raconte ainsi le dénouement :

Un an après, ce m’est avis,
Fut la grand’douleur à Provins.
Que de pendus ! que d’affolés !
Que d’occis ! que de décolés !

(Note de M. Tarbé.)


LE COMTE FERRANT[2].


Deux ferrants
Bien ferrés,
Portent Ferrant
Bien enferré.


DU GUESCLIN, PRISONNIER,
Et les Femmes de la Bretagne[3].


Filez, femmes de la Bretagne,
Filez la quenouille de lin,
Pour rendre à la France, à l’Espagne,
Messire Bertrand Du Guesclin.


LE PONT DE MONTEREAU[4].


L’an mil quatre cent dix-neuf,
Sur un pont agencé de neuf,
Fut meurtri Jean de Bourgogne
A Montereau où faut l’Yonne.


DOMFRONT, VILLE DE MALE-HEURE[5].


Domfront, ville de male-heure !
Venu a midi, pendu à une heure.
On n’a pas seulement le temps de dainer [dîner] !

  1. Dans le volume qui fait suite à celui-ci, et qui s’intitule : Leçons et Lectures en vers pour enfants de 8 à 12 ans, nous réunissons dans un chapitre les Dictons des villes et provinces de France. Nous en avons détaché quelques numéros pour les insérer dans ce livre des Enfantines. Nous serions heureux d’attirer l’attention des maîtres et amis de l’enfance sur cette partie de notre poésie populaire qui nous rappelle par fragments quelques grands faits de notre passé historique et de notre vie nationale.
  2. Ferrand, comte de Flandre, avait fait préparer des cordes et des fers pour lier les prisonniers qu’il comptait faire à Bouvines (1214). Il fut ramené en triomphe à Paris, dans une litière grillée, en fer, traînée par des chevaux gris de fer (les ferrants). De là le jeu de mots de ce couplet.
    (Note de M. Tarbé.)
  3. Sous le règne du roi Charles V, en 1368, les femmes bretonnes se disposaient à filer la rançon de Dn Guesclin, prisonnier en Espagne. On chante encore dans les montagnes des Pyrénées une chanson faite à cette occasion et dont ces quatre vers forment le refrain.  (La France de Malterbrun.)
  4. On a pu lire longtemps ce quatrain à Montereau (Seine-et-Marne), où l’Yonne se jette dans la Seine, sur le pont où le duc de Bourgogne, Jean-sans-Peur, fut assassiné par Tanneguy Duchatel et le sire de Barbazan (1419), dans son entrevue avec le dauphin qui devint le roi Charles VII.
  5. Ce dicton remonte à l’époque de la Réformation et des guerres religieuses, où catholiques ot protestants s’égorgeaient au nom du Dieu de charité. « On attribue l’exclamation de la fin à un chef calviniste qui fut conduit à la potence au moment même où il venait d’être pris sous les murs de la ville. »
    (France pittoresque, par A. Hugo.)