Les Excentricités du langage/Édition Dentu, 1865/L

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E. Dentu (p. 179-193).
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Là-bas : Maison du correction de Saint-Lazare. — « Julia à Amandine : Comme ça, cette pauvre Angèle est là-bas ? — Ne m’en parle pas. Elle était au café Coquet a prendre un grog avec Anatole. Voilà un monsieur qui passe, qui avait l’air d’un homme sérieux avec des cheveux blancs et une montre. Il lui offre une voiture, elle accepte, un cocher arrive, et… emballée ! Le monsieur était un inspecteur. " — Les Cocottes, 1864.

Lacet : Poucette. — V. Marchand.

Lâcheur : Homme sur lequel on ne peut compter. — Mot à mot : qui lâche ses amis. — « Le lâcheur est la lorette de l’amitié. » — A. Scholl, 1858. — Se lâcher de : Se payer. V. Rotin.

Laine : Mouton (Vidocq).

Lait à broder : Encre (id.) — Allusion ironique à la couleur de l’encre. V. Broder.

Laïus : Discours — « Dans le dialecte de l’École polytechnique, tout discours est un laïus, depuis ]a création du cours de composition française en 1804. L’époux de Jocaste, sujet du premier morceau oratoire traité par les élèves, a donné son nom au genre. Les députés à la Chambre, les avocats au barreau, les journalistes dans les premiers-Paris, piquent des laïus. » — La Bédollière. — « Pour les officiers sortant de Saint-Cyr, le laïus est un broutta, du nom d’un professeur de l’École, doué d’une certaine facilite d’élocution. Ce qui a fait le verbe broutasser et le substantif broutasseur. » — De Vauvineux.

Lampion : Chapeau à cornes. — « Je passe le pantalon du cipal et je coiffe le lampion. » — Bourget.

Lampion : Œil. — Allusion à la flamme. — « Si j’te vois faire l’œil en tirelire à ton perruquier du bon ton, Calypso, j’suis fâché d’te l’dire, Foi d’homme ! j’te crève un lampion. » — Chanson populaire.

lance : Eau (Vidocq). — Pour désigner l’eau, on a fait allusion à son extrême fluidité ; on a dit la chose qui se lance. Dans Roquefort, on trouve lancière : endroit par où s’écoule l’eau surabondante d’un moulin. V. Mourir, Trembler.

Lancé : Gris. — « Patara, au moins aussi lancé que le cheval, tapait sur la bête à tour de bras. » — Phys. du Matelot, 1843.

Lancé : Rapide projection de la jambe. — « Paul a un coup de pied si vainqueur et Rigolette un si voluptueux saut de carpe ! Les admirateurs s’intéressaient à cet assaut de lancés vigoureux. » — 1847, Vitu.

Lanciers (Danser les) : « Quant à cet inévitable quadrille des lanciers, je ne vous dissimule pas qu’il commence à m’agacer cruellement le système nerveux. » — Alb. Second, 1857. — V. Œil ! (Mon).

Langue (Avaler sa) : Mourir. V. Claquer.

Donner sa langue aux chiens, aux chats : Renoncer à deviner. — « Je donne ma langue aux chiens, dit Jérôme, je renonce. » — E. Sue.

Lansq : Partie de lansquenet. — « Cette espèce de cornichon qui l’a dansé de 1,500 fr. hier au lansq. » — Jaime.

Lansquiner : Pleurer. — De lance : eau. — « Bien des fois on rigolle qu’on devrait lansquiner. » — Vidocq.

Lanternes de cabriolet : Yeux fort saillants. — « Oh ! c’est vrai ! t’as les yeux comme les lanternes de ton cabriolet… » — Gavarni.

Lanturlu : Vient de l’ancien mot enturlé qui signifiait Fol, étourdi. V. Du Cange,. — On aura dit l’enturlé, puis lanturlu.

lapin : Bon compagnon. — « Ils ont appelé dans leurs rangs Cent lapins quasi de ma force. » — Festeau. — « C’est un fameux lapin, il a tué plus de Russes et de Prussiens qu’il n’a de dents dans la bouche. » — Ricard. — « L’homme qui me rendra rêveuse pourra se vanter d’être un rude lapin. » Gavarni.

Au collège, on appelle lapins des libertins en herbe, pour lesquels Tissot eût pu écrire un nouveau Traité.
Lapin a aussi sa signification dans le monde des messageries. — « Et puis le jeune homme était un lapin, c’est-à-dire qu’il avait place sur le devant, a côté du cocher. » — Couailhac.
Lapin : Apprenti compagnon. — « Pour être compagnon, tu seras lapin ou apprenti. » — Biéville.

Larbin, Larbine : Domestique (Vidocq).« Le faux larbin va se poster sous la porte cochère. » Paillet. — Larbinerie : Valetaille. V. Garçon, Pieu.

Larcottier : Paillard (Vidocq). — Mot à mot : larguotier : amateur de largues.

Lard (Faire du) : Engraisser. — « La femme ronfle et fait du lard. » — Festeau.

Larder : Percer d’un coup de pointe. — Lardoire : Épée. — « Vous verrez si je manie bien la lardoire. » — Ricard.

Large des épaules : Avare. — Équivoque sur le mot large. — V. Dauthel, 1808.

Largue : Femme. — « Si j’éprouve quelque malheur, je me console avec ma largue. » — Vidocq. — V. Coquer, Momir.

Lartie, Lartif, Larton : Pain. — On devrait dire l’artie, l’artif, l’arton. — Au moyen âge, artuit signifiait Repas. V. Roquefort. — Il est à remarquer qu’άρτος en grec veut dire Pain — Larton brutal : Pain noir. Larton savonné : Pain blanc. — Brutal est un diminutif de brut. Savonné s’explique de lui-même. V. Tremblant. — Lartonnier : boulanger.

Lascailler : Pisser (Vidocq). — De lance. On dit encore : Lâcher de l’eau. V. Lansquiner.

Lascar : Fantassin. — « Vient de l’arabe el-askir qui a la même signification. Date sans doute de l’expédition d’Égypte. » — De Vauvineux. — « A-t-il du toupet, le vieux Lascar ! dit l’invalide dans son langage pittoresque. » — Balzac.

Lavabes : « Les lavabes sont ceux que l’on fait entrer au parterre des théâtres, en ne payant que quinze sous par place. » — Cinquante mille voleurs de plus à Paris, Paris, 1830, in-8. — « Gustave achetait un lavabe pour les Variétés. » — Id.

Lavage, Lessive : Vente, à gros rabais, d’objets ayant déjà eu un premier propriétaire. — « Les quatre volumes in-12 étaient donnés pour cinquante sous… Barbet n’avait pas prévu ce lavage. » — Balzac. — À la Bourse, une Lessive est une opération désastreuse, qui vous nettoie. V. Nettoyer.

Laver, Lessiver : Vendre, ironiquement envoyer ses effets mobiliers à une lessive dont ils ne reviennent pas. Même allusion dans Passer au bleu et Nettoyer. — « Comme ce n’était pas la première fois que j’avais lavé mes effets sans savon. » — Vidal, 1833. — « Il a lavé sa montre, ses bijoux, pour dire qu’il les a vendus. » — 1808, Dhautel.

Lazagne : Lettre (Vidocq). — Allusion aux lazagnes, longues bandes de pâtes d’Italie, ressemblant assez à des morceaux de papier. V. Balancer.

Lègre : Foire (Vidocq). V. Servir.

Lève-pieds : Escaliers, échelle (Vidocq). — Effet pris pour la cause.

Lem (Parler en) : Soumettre chaque substantif à l’emploi d’une même syllabe finale et à la transposition de deux lettres. On peut ainsi parler un français inintelligible pour les profanes. Ce système consiste : 1° à ajouter la syllabe lem à chacun des mots qui viennent à la bouche ; 2° à troquer la lettre l de lem contre la première lettre du mot qu’on prononce. — « Et alors que tous les trucs seront lonbem (bons). » — Patrie du 2 mars 1852.

On parle en luch comme en lem. On combine quelquefois les deux.

Levage : Opération qui consiste de la part d’un homme à faire sa maîtresse d’une femme, ne fût-ce que pour un jour. De la part d’une femme, c’est amener un homme à lui faire des propositions. — Terme de chasse.

Y-a-t-il du levage ? Y-a-t-il moyen de faire un levage.
Lever : Faire un levage. — « Tiens, Xavier qui vient d’être levé par Henriette. » — Monselet. — « J’irai ce soir à Bullier, et si je ne lève rien… » — Lynol. — V. Flanelle.
Lever : Capter, empaumer. — « Il lève un petit jeune homme. Vous verrez qu’il en fera quelque chose. » — De Goncourt.
Être levé : Signifie dans l’argot des débiteurs et des créanciers qu’on a à ses trousses un recors, qui vous a vu dans la rue ou déterré quelque part. » — Montépin.
Lever : Voler. — « Robert dit : Je suis levé et il nous appelle filous. » — Monselet. — « Tiens, dit le voleur, voici un pantre bon à lever. » — Canler.

Lice : Bas de soie (Vidocq). — Les bas de soie sont plus lisses que les autres.

lichard, Licheur : Gourmand. — Mot de langue romane. V. Roquefort. — « Je vois que tu es toujours un fameux licheur. » — E. Sue.

Liche, Lichette : Régal. Être en liche : Faire bombance.
Licher : Aimer les bons plats, faire débauche. — Jadis, on disait licharder. — « Je liche chez le mannezingue, motus ! » — Paillet. — « Buvons plutôt bouteille. En lichant, nous ne penserons pas à toutes ces bagatelles. » — Chanson poissarde, 1772.
Licher : Boire. — « Puis il liche tout’la bouteille. Rien n’est sacré pour un sapeur. » — Houssot. — V. Béquiller.

Lignard : Officier ou soldat des troupes de ligne.

Ligne (Tirer à la) : Écrire des phrases inutiles dans le seul but d’allonger un article payé à tant la ligne.

Vive la ligne ! « Je rapporte un petit magot. Ah ! quelle chance ! Vive la ligne ! » — Léonard, parodie, 1863. — Ce vivat, poussé fréquemment aux jours d’émeute où l’on veut gagner le cœur des troupes de ligne, est devenu proverbial et s’applique ironiquement à tous les cas d’enthousiasme.

ligote : Lien, corde. — Mot de langue romane. V. Roquefort. — Ligoter : Lier.

Lillois : Fil (Vidocq). — On en fait beaucoup en Flandre. V. Lyonnaise.

Limace, Lime : Chemise. — Mot de langue romane. Du Cange donne le même sens au latin limas. — Limacier : Chemisier. V. Gouêpeur.

Limande : Homme nul et plat comme le poisson de ce nom (Vidocq).

Limer : Aller lentement en affaire.

Limonade : Assiette (Vidocq). — Comparaison de l’assiette à une rouelle de limon.

Limousineurs : « On donne le nom de voleurs au gras-double ou de limousineurs à des ouvriers couvreurs qui volent le plomb des couvertures, en coupent de longues bandes avec de bonnes serpettes, puis l’aplatissent et le serrent à l’aide d’un clou. Ils en forment ainsi une sorte de cuirasse qu’ils attachent à l’aide d’une courroie sous leurs vêtements. » — Petit Journal. — Allusion à leurs vêtements de plomb, non moins imperméables que les gros manteaux nommés limousines.

Linge (Avoir du) : Avoir une garde-robe bien montée. — « Et Bovarine ! Qu’est-ce que c’est ? Ça a-t-il du linge ? » — Lem. de Neuville.

Lingre : Couteau (Vidocq). — Lingrer : Frapper à coups de couteau. — Lingrerie : coutellerie. — Lingriot : Canif. — Quadruple allusion à Langres, ancienne capitale de la coutellerie.

lion : « Depuis que nous avons attrapé ce mot anglais, qui s’applique à Londres à toutes sortes de notabilités, nous en avons fait abus comme du calicot et du fil d’Écosse. Il ne se fait pas un vaudeville, un feuilleton, un roman de mœurs contemporains, qui ne parle des lions de Paris. Aujourd’hui, pour être lion, la moindre chose suffit : avec un paletot jaune, un chapeau neuf, des moustaches, vous êtes reçu lion d’emblée. » — Roqueplan, 1841. — Deriège a fait la Physiologie du Lion. — Un lionceau est un lion ridicule.

Lionne : « C’étaient de petits êtres féminins, richement mariés, coquets, jolis, qui maniaient parfaitement le pistolet et la cravache, montaient à cheval comme des lanciers, prisaient fort la cigarette, et ne dédaignaient pas le champagne frappé. » — F. Deriège.
Lionnerie : Monde des lions. — « Nous étions installés dans un restaurant cher à la lionnerie. » — Mornand.

Liquid : « Liquid est mis ici pour liquidation. Le coulissier, facétieux et aussi de belles manières, se plaît à abréger ses formules comme la jeunesse dédorée de l’époque, et elle dit liquid comme on dit d’autor, d’achar, soc ou démoc. » — Mornand. — « Les ventes et achats de chemins de fer se liquident tous les quinze jours et la rente à la fin de chaque mois. Si vous êtes acheteur de 3,000 fr. de rente fin du mois à 72 fr., que la rente baisse a 71 fr., votre perte s’élève à 1,050 fr., courtage compris. Vous pouvez continuer votre opération en vous faisant reporter. On ajoute alors au cours de 71 fr. le prix du report, plus un nouveau courtage. La cherté des reports tempère souvent les dispositions à la hausse. Il est en effet très-onéreux pour un acheteur de rente de passer 70 c. de report, ce qui, sur 3,000 fr. de rente, augmente de 700 fr. le prix d’achat. » — De Mériclet.

Lisette : Gilet long. V. Tirant. — Doit avoir la même racine que Lice.

Pas de ça, Lisette : Formule négative due sans doute à la vogue de cette chanson connue : Non ! non ! vous n’êtes plus Lisette, etc. — « Un jeune drôle fait la cour à ma nièce… pas de ça, Lisette ! » — Ricard.

litrer : Contenir, posséder. — Ce terme a une forme aussi régulière que cuber. — « J’avais balancé le bogue que j’avais fourliné et je ne litrais que nibergue en valades. » — Vidocq. — V. Fourgat.

Locandier : « Le locandier est une des nombreuses variétés des voleurs au bonjour. Sous prétexte d’examiner un logement à louer et en dépit de la présence du concierge, il vole avec dextérité. » — A. Monnier.

Loche : Oreille. — Locher : Écouter (Vidocq).

Lofat : Aspirant au grade de compagnon. — «C’était pour le baptême d’un lofat… On devait le baptiser à la Courtille ; j’étais le parrain. » — La Correctionnelle.

Loffiat : Maladroit, imbécile.

Londrès : Cigare de la Havane. — « Je me rejetai dans le fond de la voiture et j’allumai un londrès. » — Mornand.

Longchamp : « D’autres font une excursion au longchamp, cour oblongue, bordée d’une file de cabinets dont nous laissons deviner la destination. Comme c’est le seul endroit où pendant les heures d’étude, les élèves de l’École polytechnique puissent aller humer l’air, filer, causer, chercher des distractions, le lonchamp a acquis une grande importance. » — La Bédollière.

Longe : Année (Vidocq). — Forme de longue. Une année est souvent longue à passer.

Lophe : Faux. — V. Fafiot.

Loques : « Le gamin de Paris a sa monnaie à lui, qui se compose de tous les petits morceaux de cuivre façonné qu’on peut trouver sur la voie publique. Cette curieuse monnaie, qui prend le nom de loques, a un cours invariable et bien réglé dans cette petite bohème d’enfants. » — V. Hugo.

Lorette : « C’est peut-être le plus jeune mot de ]a langue française ; il a cinq ans à l’heure qu’il est, ni plus ni moins, l’âge des constructions qui s’étendent derrière Notre-Dame-de-Lorette, depuis la rue Saint-Lazare jusqu’à la place Bréda, naguère encore à l’état de terrain vague, maintenant entourée de belles façades en pierres de taille, ornées de sculptures.

« Ces maisons, à peine achevées, furent louées à bas prix, souvent à la seule condition de garnir les fenêtres de rideaux, pour simuler la population qui manquait encore à ce quartier naissant, à de jeunes filles peu soucieuses de l’humidité des murailles, et comptant, pour les sécher, sur les flammes et les soupirs de galants de tout âge et de toute fortune. Ces locataires d’un nouveau genre, calorifères économiques à l’usage des bâtisses, reçurent, dans l’origine, des propriétaires peu reconnaissants, le surnom disgracieux, mais énergique, d’essuyeuses de plâtres. L’appartement assaini, on donnait congé à la pauvre créature, qui peut-être y avait échangé sa fraîcheur contre des fraîcheurs.
« À force d’entendre répondre « rue Notre-Dame-de-Lorette » à la question « où demeurez-vous, où allons-nous ? » si naturelle à la fin d’un bal public, ou à la sortie d’un petit théâtre, l’idée est sans doute venue à quelque grand philosophe, sans prétention, de transporter, par un hypallage hardi, le nom du quartier à la personne, et le mot Lorette a été trouvé. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il a été lithographié pour la première fois par Gavarni, dans les légendes de ses charmants croquis, et imprimé par Nestor Roqueplan dans ses Nouvelles à la main.

« Ordinairement fille de portier, la Lorette a eu d’abord pour ambition d’être chanteuse, danseuse ou comédienne ; elle a dans son bas âge tapoté quelque peu de piano, épelé les premières pages de solfège, fait quelques pliés dans une classe de danse, et déclamé une scène de tragédie, avec sa mère, qui lui donnait la réplique, lunettes sur le nez. Quelques-unes ont été plus ou moins choristes, figurantes ou marcheuses à l’Opéra ; elles ont toutes manqué d’être premiers sujets. Cela a tenu, disent-elles, aux manœuvres d’un amant évincé ou rebuté ; mais elles s’en moquent. Pour chanter, il faudrait se priver de fumer des cigares Régalia et de boire du vin de Champagne dans des verres plus grands que nature, et l’on ne pourrait, le soir, faire vis-à-vis a la reine Pomaré au bal Mabile pour une polka, mazurka ou frotteska, si l’on avait fait dans la journée les deux mille battements nécessaires pour se tenir le cou-de-pied frais. La Lorette a souvent équipage, ou tout au moins voiture. — Parfois aussi elle n’a que des bottines suspectes, à semelles feuilletées qui sourient à l’asphalte avec une gaîté intempestive. Un jour elle nourrit son chien de blanc-manger ; l’autre, elle n’a pas de quoi avoir du pain, alors elle achète de la pâte d’amandes. Elle peut se passer du nécessaire, mais non du superflu. Plus capable de caprice que la femme entretenue, moins capable d’amour que la grisette, la Lorette a compris son temps, et l’amuse comme il veut l’être ; son esprit est un composé de l’argot du théâtre, du Jockey Club et de l’atelier. Gavarni lui a prêté beaucoup de mots, mais elle en a dit quelques-uns. Des moralistes, même peu sévères, la trouveraient corrompue, et pourtant, chose étrange ! elle a, si l’on peut s’exprimer ainsi, l’innocence du vice. Sa conduite lui semble la plus naturelle du monde ; elle trouve tout simple d’avoir une collection d’Arthurs et de tromper des protecteurs à crâne beurre frais, à gilet blanc. Elle les regarde comme une espèce faite pour solder les factures imaginaires et les lettres de change fantastiques : c’est ainsi qu’elle vit, insouciante, pleine de foi dans sa beauté, attendant une invasion de boyards, un débarquement de lords, bardés de roubles et de guinées. — Quelques-unes font porter, de temps à autre, par leur cuisinière, cent sous à la caisse d’épargne ; mais cela est traité généralement de petitesse et de précaution injurieuse à la Providence. » — Th. Gautier, 1845.

Lorgne : Borgne (Vidocq). — Abréviation de Calorgne. — Lorgne : As (id.).

Loubion : Bonnet. — Loubionnier : Bonnetier.

Loucher (Faire) : Faire changer de manière de voir, d’opinion. — « Avec qui tu veux que je soye ? Est-ce que ça te fait loucher ? » — Monselet.

Louche : Main. — Comparaison de la main à la grande cuiller appelée de temps immémorial louche. V. Roquefort.

Louloutte : Petite dent. — Allusion aux dents du loup dont on effraie toujours les petits enfants. — Loulou, louloutte : Mot d’amitié. — « La louloutte à son chéri. » — Montépin.

Loup : Dette criarde, créancier. V. Dhautel, 1808. — Au théâtre, c’est une scène manquée.

On dit faim de loup et froid de loup ! pour dire grande faim et grand froid. — Ces deux causes font en effet sortir les loups du bois.

Loupe : Fainéantise, flânerie. — « Ma salle devient un vrai camp de la loupe. » — Decourcelle, 1836. — Louper : Flâner, rôder comme un loup errant. — Mot de la même famille que chat-parder. — « Quand je vais en loupant, du côté du Palais de Justice. » — Le Gamin de Paris, ch., 1838. — Loupeur : Flâneur, rôdeur. — « Que faisaient-elles au temps chaud, ces loupeuses ? » — Lynol.

Lourde : Porte. — On ne les faisait pas légères jadis et pour cause. V. Bocson, Tremblant. — Lourdier : Portier. V. Lordant.

Louviers : Habit de drap de Louviers. — « La veste de petite tenue avait remplacé le fin louviers. » — Ricard.

Lucarne : Lorgnon monocle. — « Du malheureux monde comme ça, on n’y voit que d’un œil et encore pas sans lucarne. » — Gavarni.

Luch (Parler en). V. Lem.

Lune, pleine lune : Derrière. — Allusion de forme. — « J’ai pincé n’importe quoi, j’ai cru que c’était dans la figure. — En voilà une bonne ! il a pris la lune de Pétronille pour sa figure. » — P. de Kock. — V. Cadran.

luisant, reluit : Jour. — Allusion à la lumière. — « Pitanchons pivois chenâtre jusques au luisant. » — Grandval, 1723.

Luisante : Lune. — Luisard : Soleil.

Lustre (Admirateur du) : Claqueur posé au parterre sous le lustre. — « Les admirateurs du lustre donnèrent, mais le public resta froid. » — L. Reybaud.

Lyonnaise : Soierie (Vidocq). — Lyon est le grand centre de la fabrication des soieries.