Les Excentricités du langage/Édition Dentu, 1865/N

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E. Dentu (p. 217-222).
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nageoir : Poisson (Vidocq).

Nageoire : Favori large s’écartant de la joue comme une nageoire de poisson. — « L’ampleur de ses favoris qu’il persiste à appeler des nageoires. » — M. Saint-Hilaire.

Naturalibus (In) : Dans l’état de nature, nu. — « Mon Joseph eut avec elle un tête-à-tête in naturalibus. » — Beaufort, Elle et Moi, Troyes, an VIII. — « L’autre regardant à l’horizon in naturalibus. » — Commerson.

navets (Des) : Non. — « Est-ce que j’en suis ? — Toi, mon bonhomme, beaucoup de navets ! » — Montépin. — « M’exposer à Saint-Lazare pour ça… Des navets ! » — Jaime.

naze, nazicot, nazaret : Nez. — Mot de langue romande. V. Dariole.

nèfles (Des) : Même signification. — « Souper avec vous, des nèfles ! Les panés, il n’en faut pas. » — Les Cocottes, 1864.

Négociant : « Allons nous promener, faisons les négociants. — Terme suprême du matelot pour exprimer un homme qui n’a rien à faire. » — Phys. du Matelot, 1843.

Négresse : Paquet couvert de toile cirée (Vidocq, 1837). — La toile est noire.

Négresse : Punaise. — « Je sentis bien, quand nous étions couchés, Qu’il ne manquait pas de négresses, Et même de grenadiers. » — Lecart, Ch., 1851. — Allusion à la couleur foncée de la punaise. Quant aux grenadiers, qui représentent les poux de la plus forte taille, il faut se rappeler qu’on appelle grenadiers des soldats d’élite et garnison la vermine qui couvre une tête. Les gros poux sont donc les grenadiers de la garnison.

Nénais, Nénet : Sein. — « Tenez, mon cœur, voilà le corset, ajustez-moi ça sur mes nenets. » — Ricard. — « Petite maman s’est fait des nénais avec du coton. » — Gavarni.

Néo-catholique, néo : « Je passai ensuite en revue les diverses sectes de néo-chrétiens dont Paris était inondé. Il y avait les néo-chrétiens du journal l’Avenir, les néo-chrétiens de M. Gustave Drouineau, les néo catholiques et une foule d’autres, tous possédant le dernier mot du problème social et religieux. » — L. Reybaud, 1843.

Nep : Voleur brocantant de fausses décorations (Vidocq).

Nettoyer : Ruiner, voler. V. Lavage.

Nez (Faire son) : Montrer son désappointement. — « Nous nous sommes payé le billard, j’en ai rendu vingt-cinq de trente à Lahure, qui faisait un nez aussi long que sa queue de billard. » — Voizo, Ch.

Se rougir, se piquer le nez : S’enivrer. — Un nez piqué rougit, et on sait qu’un nez rouge pronostique souvent l’ivresse. — « Elle prend sa volée Pour se rougir le nez. De la Californie elle revient pompette. » Chansons, Guéret, 1851. « Qui ne s’est pas piqué le nez une pauvre fois dans sa vie ? » — Grévin.
Nez qui a coûté cher à mettre en couleur : Nez dont la teinte rubiconde atteste que son porteur a payé plus d’une bouteille.
Avoir dans le nez : Détester quelqu’un. — Mot à mot : être infecté par ses actes, par ses manières. — C’est ainsi qu’on appelle puant un homme qu’on ne peut supporter. V. Macaron.
Saigner du nez : Rester sans combattre. — Mot à mot : saigner du nez au lieu de saigner du bras. — « Sa grande colère de voir que les sans-culottes saignent du nez quand il faut frapper. » — 1793, Hébert.
Se casser le nez : Trouver porte close.

nibergue, niente : Rien. — Ce dernier est un mot de langue romane. V. Roquefort. — La négation Bernique paraît avoir fourni un anagramme dans Nibergue. V. Litrer.

Nicodème, Nicdouille, Nigaudinos : Nigaud. Le dernier mot vient du nom d’un personnage du Pied de Mouton, féerie de Martinville, 1806. — « Vous vous êtes en allé fâché, désespéré, nigaudinos. » — Balzac. — « Tais-toi donc, nicdouille. » — Phys. du Matelot, 1843. — « Va t’en, grand nicodème, avec ton air dindon. » — Decourcelle, 1832.

Nini, c’est fini : Formule négative, dont on épelle pour ainsi dire le premier mot. — « Ne me parlez plus de rien…, n, i, ni, fini. » — Rousseliana, 1805. — « N, i, n, i, c’est fini, plus de Malvina. » — L. Reybaud.

Nini, Niniche : Mot d’amitié. Diminutif d’Eugénie. — « Quand maman aime bien petit papa, elle appelle petit papa ma niniche. » — Gavarni.

Niolle, Niolleur : « Un niolle est un chapeau d’homme retapé. Les niolleurs sont les marchands de vieux chapeaux. » — Mornand.

Niort (Aller à) : Nier. — Jeu de mots. — « Je vois bien qu’il n’y a pas moyen d’aller à Niort. » — Canler. — V. Flacul.

Nisco, Nix : Non. — Nisco est un diminutif du vieux mot nis : pas un. V. Roquefort. — Nix est un germanisme. — « Nisco, mon Jésus. » — Festeau. — « Fût-il un phénix, Nix. » — Désaugiers.

Noce : Débauche. — Allusion aux excès qui accompagnent les noces de campagne. — « V’là deux jours que je fais la noce. » — H. Monnier. — « Pour y refaire leur santé délabrée par la noce. » — De Lynol.

Nocer : Faire la noce. — « Est-ce que tu as nocé aujourd’hui ? — Nocé ! ah bien oui ! » — E. Sue.
Être de la noce : Avoir de l’argent, c’est-à-dire les moyens de faire la noce. — N’être pas à la noce : Être dans une position critique. — « Il y a eu un moment où je n’étais pas à la noce. » — E. Sue. — Noceur : Débauché. — « Ce grand noceur de Louis XV. » — La Bédollière. — « Chaque aimable danseur m’appelle la noceuse. La noce est mon bonheur. » — Aubry, 1842.

Nœud (Filer son) : Partir. Terme de marine. — « Viens-tu ! ou je file mon nœud. » — H. Monnier.

Noir : Café. — Allusion de couleur. — « Je paie le noir et je m’enfile de douze sous. » — Monselet.

Nom d’un ! Nom d’un nom ! Nom d’une pipe ! Nom d’un petit bonhomme ! nom d’un tonnerre ! — Jurons innocents chargés d’exprimer la colère, la surprise ou l’admiration. — « 86,000 fr. par an ! Nom d’un petit bonhomme ! c’est joli. » — L. Reybaud. — Nom d’un petit bonhomme est une allusion aux statuettes qui représentent le Christ. — « Nom d’une pipe ! si vous m’approchez… » — Mélesville, 1830.

Nonne (Faire) : Faire un attroupement simulé pour aider à un vol (Vidocq). — Mot à mot : faire le neuvième. — Du vieux mot nonne. V. Roquefort.
Nonneur : Compère de voleur à la tire.

Nourrir : Préparer de longue main. — « Ce garçon qui devait avoir nourri ce poupon (complotté ce crime) pendant un mois. » — Balzac.

Nourrisseur : « Les nourrisseurs préparent et nourrissent une affaire ; ils savent le moment où le rentier touche sa rente et les jours de rentrée du négociant ; ils étudient la maison et les habitudes des gens qu’ils veulent faire voler. » A. Monnier. — V. Cambriolleur.

Noyaux : les pièces de monnaie. — Du vieux mot noiau : bouton d’habit. V. Roquefort. — « Le sacré violon qu’avait joué faux, Voulut me demander les noyaux. » — Vadé, 1760. — « Tu jouis des noyaux du défunt banqu’rout’mard. » — Festeau.

Numéro un, Premier numéro : Premier par ordre de mérite. — « C’est de la folie à l’état de numéro un. » — Janin. — « Une lanterne premier numéro et d’un tel reflet qu’on dirait un phare. » — Deslys.

Bon numéro : « Deux papas très-bien, ce sont deux papas d’un bon numéro. Comprenez-vous ? — Pas trop. — Deux pères parfaitement ridicules en leur genre. » — Th. Gautier.
Aller au numéro cent : Se rendre aux lieux d’aisance. — Calembour. C’est le numéro qui sent le plus.
Connaître le numéro de quelqu’un : Être fixé sur sa valeur morale. — « Je sais d’où tu viens, je sais par où tu as passé, je connais tous tes numéros. » — Ces Dames, 1860.
Numéro sept : Crochet de chiffonnier. — Allusion de forme.