Les Fastes (Merrill)/La Mort du Bouffon

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Les FastesChez Léon Vanier (p. 13-14).
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LA MORT DU BOUFFON

à Edgar Saltus.

Tandis que folle, au vert de la molle pelouse,
La fête papillonne en rondes de décor,
Les nénufars, sur l’eau de la vasque jalouse,
S’endorment dans l’orgueil de leurs corolles d’or.


Viennent et vont les beaux seigneurs, les yeux en flammes.
Le long des boulingrins fleuris de mille lis,
Et quand leur foule afflue au passage des dames,
L’air fleure des parfums d’eau de myrte et d’iris.


Et c’est partout, dans ces jardins faits pour la joie,
Des chansons, des baisers et des musiciens,
Et très lente, aux frissons des simarres de soie,
La danse se balance au gré des airs anciens.



Madrigaux, éventails et cris aigus de rire !
Seul, en ce jour élu pour l’oubli des soucis,
Le Bouffon, las de dire aux dames vaux-de-vire,
Cherche à sa langueur d’âme un durable sursis.


Perclus et se crispant en tristes attitudes,
Il mire sa laideur au bord du bassin d’or,
Où les blancs nénufars, fleurs des béatitudes,
Le leurrent vers l’espoir du Trône et du Trésor.


Sa marotte, lancée en l’air, tintinnabule ;
Des ronds dans l’eau parmi la fuite des poissons,
Le spasme, une bulle aux lèvres du funambule…

Que lente est cette danse, et que sont ces chansons !