Les Femmes arabes en Algérie/L’arabe mérite-t-il d’être francisé ?

La bibliothèque libre.
Société d’éditions littéraires (p. 17-19).


L’arabe mérite-t-il d’être francisé ?




En les convulsions algériennes, les Arabes seuls ont gardé leur sang-froid. Ils ont très dignement refusé de se solidariser avec les sémites ou les antisémites. La France a donc en eux de loyaux auxiliaires, des instruments de pacification auxquels il est urgent de donner le droit de la servir.

Le tact, la haute raison se rencontrent communément chez les indigènes.

On est parfois surpris, saisi d’admiration, en entendant la sagesse parler par la bouche du majestueux peuple arabe. Si on le juge d’après sa miniature, l’enfant, on ne peut, en voyant les jeunes indigènes si intelligents, si espiègles, qui font comme la mer, les fleurs, la verdure éternelle, partie du décor algérien, dire qu’il est de race inférieure.

Quels enfants européens, sauraient comme les jeunes arabes se tirer tout petits eux-mêmes d’affaire ? Dès qu’ils peuvent marcher et bégayer, ces beaux enfants aux grands yeux veloutés vous suivent pieds nus, ils courent sur vos talons en vous demandant à porter… même le journal que vous avez à la main. Ils sont parfois si petits et si mignons, que l’on a la tentation de les soulever de terre et de les porter, ces obstinés porteurs, un bout de chemin.

Dans les rues d’Alger, souvent il faut bousculer et pour pouvoir passer, marcher presque sur une nuée de petits commissionnaires, petits ciris de trois à dix ans, qui jouent comme des enfants, quand ils ne cirent, ni ne portent, comme des hommes.

Ces oisillons arabes s’abattent en bande autour de l’Européen dont ils se disputent le sourire et les sous. Quand l’Européen marche ils lui cornent aux oreilles : « Porter m’siou ! » Dès qu’il est assis, ils s’emparent de chacun de ses pieds et font reluire ses souliers. L’opération terminée, le ciri demande son salaire, deux sous, en frappant ses brosses l’une contre l’autre ; puis, il court à la recherche de nouveaux clients.