Les Femmes arabes en Algérie/Noces arabes

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Société d’éditions littéraires (p. 52-57).


Noces Arabes




En présence du Cadi (juge) et de deux témoins le futur dit au père de la fiancée : « Je te compte la somme ou le reliquat de la somme (souvent des avances ont été faites), convenue pour acheter ta fille ».

Le père répond : Voici ma fille, fais-en ta femme !… Et le mariage est conclu. La vente d’une jeune fille s’accomplit sans plus de cérémonies que la vente d’une génisse.

Aussitôt après, les fêtes commencent ; un festin a lieu — dans le désert le morceau le plus renommé des repas est la bosse de chamelle — quand on a suffisamment mangé on examine les présents. Les cadeaux reçus par la fiancée sont étalés sur les tapis au lieu d’être exposés comme en Europe sur les meubles du salon. On met partout le même soin à les faire valoir.

Enfin, l’époux entouré de cavaliers fait le simulacre d’enlever son épouse, il l’assied sur une jument brebis harnachée d’étoffes éclatantes, ou dans un palanquin porté par un méhari.

Les curieux s’écartent pour laisser passer le cortège : Ce sont d’abord de beaux cavaliers habitués à faire parler la poudre ; ensuite, viennent les enfants en gandoura (chemise) d’une blancheur éclatante et en chéchia rouge montés sur de minuscules petits ânes africains.

Des nègres, castagnettes à la main, dansent la bamboula au milieu de la route, ils se trémoussent, tournent sur eux-mêmes, s’accroupissent, se relèvent, mettent dans leurs sauts une sorte de fureur diabolique qui fait croire qu’ils sont touchés par la baguette d’un prestidigitateur. Suivent les tambours, les musiciens, puis des femmes à pied en longue file qui entr’ouvrent leur blanc haïck pour faire retentir l’air de ce cri strident : « You ! you you ! »

Quand on arrive au domicile conjugal où doivent se prolonger les fêtes des noces, le mari reçoit son épouse comme une reine.

La jeune fille qui a exprimé son consentement au mariage par le silence, semble toujours n’avoir pas de langue. Durant toutes les cérémonies du mariage la bienséance lui interdit de parler.

Dans certaines régions, à Ghadamès par exemple, pendant les sept premiers jours de l’union la femme doit rester absolument muette. Sa mère parle pour elle. Elle l’accable publiquement de conseils : « Soyez, dit-elle, pour votre mari une esclave, si vous voulez qu’il soit pour vous un serviteur. » « Soignez ses repas, entourez de silence son sommeil, car la faim rend emporté et l’insomnie donne mauvais caractère. »

La foule des assistants s’accroupit et fait ripaille. Tout individu qui se présente, si pauvre, si inconnu soit-il, est le bienvenu, l’invité de Dieu et a sa part du festin nuptial.

Quand on a fini de manger, on rit, on s’interpelle joyeusement. Des nègres racontent des drôleries qui font éclater de rire la société.

Une noce arabe est à la fois, un tournoi, un concert, une comédie et un bal.

Le soir, pendant que dans la fête à ciel ouvert, les fusées font merveille, que les rires et les bravos éclatent joyeux comme des feux d’artifice, le marié et la mariée retirés à l’écart, se parlent souvent pour la première fois.

La porte de la chambre ou de la tente des nouveaux époux est bientôt ouverte, les curieux s’y précipitent, ils s’étouffent pour être premiers à voir la mariée sortant des bras de son époux les cheveux dénoués, les vêtements froissés, l’air confus et… désenchanté… Elle est assise sur un tapis, on l’admire, on la félicite. Personne n’omet de faire à haute voix ses réflexions sur son attitude. Heureusement, le plaisir l’emporte sur la curiosité ; toute cette foule vive, joyeuse, se rue vers les musiciens. On recommence la danse des almées, finalement personne ne tenant plus en place, on fait des vis-à-vis, on esquisse des pas et des sauts qu’on chercherait vainement à retrouver dans les bals de nos villes de France.

Le mariage musulman est — bien que l’époux se soit réservé le droit d’empêcher ses femmes de manger de l’ail et de se livrer à des occupations débilitantes — plus avantageux que le mariage français, puisque loin de perdre des droits, la femme en acquiert et qu’au lieu de donner une dot elle en reçoit une. Seulement, ce mariage n’est pas consenti, il a presque toujours lieu malgré l’opposition de la jeune fille et il offre ce revers de la médaille, la polygamie.