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Les Femmes poètes bretonnes/Loïc Trémor (Mme Vaugeois) (1841)

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Les Femmes poètes bretonnes Voir et modifier les données sur WikidataSociété des bibliophiles bretons et de l’histoire de Bretagne Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 153-158).


LOÏC TREMOR (Mme VAUGEOIS)

1841



LOÏC TRÉMOR (Mme VAUGEOIS)



Madame Marie-Edmée Vaugeois, née le 1er avril 1841, à Nantes, s’est mariée en 1863. Elle manifesta de bonne heure son goût pour la poésie, mais ne se mit sérieusement à l’œuvre qu’après avoir eu le malheur de perdre un enfant (1880). Sans doute, la pauvre mère éprouvait le besoin d’écrire, pour échapper à la concentration de pensée qu’amène la douleur.

Elle a pris le pseudonyme de Loïc Trémor. En août 1889, la Société de la Pomme a couronné sa charmante légende normande : Les Fées de Pirou.

Espérons que ses loisirs lui permettront d’accomplir le projet qu’elle forme en ce moment ; il s’agirait, je crois, de rassembler les traditions populaires et les chansons de la Loire-Inférieure.

Il nous semble que, sous cette plume poétique, ce recueil aurait un grand succès.

LE TOMBEAU DES CARMES

Dans le manteau ducal, aux plis pleins d’opulence,
Sur le marbre pompeux, dernier lit conjugal,
Entourés des Vertus, cortège triomphal,
Les deux nobles époux reposent en silence.

La Sagesse au compas règle sa vigilance ;
La Tempérance tient le mors et le fanal ;
La Force au bras puissant brise l’effort du Mal ;
La Justice, en ses mains, porte glaive et balance.

Nul ne sait où placer ta tombe et ton berceau.
Dieu le sut, c’est assez… Mais de ton fier ciseau
Le chef-d’œuvre immortel a traversé les âges.

Quel monument superbe, orgueil du genre humain,
Ferait plus pour ton nom que l’œuvre de ta main,
Ô grand Michel Columb ! ô vieux tailleur d’images !

26 octobre 1891.

LES PIGEONS DE SAINT-MARC

À M. Jacques Wagrez.

Les deux sœurs aux yeux bleus, fleurs de l’Adriatique,
Se sont assises là, contemplant à loisir
Les pigeons de Saint-Marc, qui sur le blanc portique
Roucoulent tout le jour leur amoureux désir.

Non loin d’elles, pourtant, le bas-relief antique
Cache un beau jouvencel, haletant de plaisir,
S’enivrant de leur vue, et, d’un air extatique,
Disant : « Entre elles deux qui donc pourrait choisir ?

« À leurs pieds les oiseaux viennent à tire d’ailes…
« Laure aux cheveux dorés est belle entre les belles,
« Mais plus charmante encor (si l’on peut dire ainsi)

« La brune Béatrix à la bouche de rose !
« Ô bienheureux oiseau, qui sur sa main se pose !
« Que ne suis-je un pigeon, pour m’approcher aussi !


Nantes, 17 décembre 1886.

LA CHAPELLE DE LA MADELEINE
À MALESTROIT (MORBIHAN)

TABLEAU DE M. A. BLOCH
À M. Émile Grimaud.

« Un détachement du régiment de la Guadeloupe, envoyé par le général Canclaux, le 15 nivôse an III, a surpris dans la chapelle un petit groupe de chouans, qui se défendent désespérément, et se font tuer jusqu’au dernier. » (Archives du Morbihan).

Canclaux a parlé… Les bleus ont surpris
Les chouans armés, qui, dans la chapelle,
Avant le combat que leur zèle appelle,
Veillaient et priaient, sans peur du mépris.

Désespérément, sous les saints lambris,
Résiste et se bat le groupe fidèle…
Le nombre a vaincu… Le dernier rebelle
Tombe et meurt enfin, parmi les débris.

Le sanglant combat dure à peine une heure…
Les morts gardent seuls la sainte demeure ;
Tous ils sont tombés, martyrs de leur foi.

Héros ignorés, sans apothéose,
Gloire à vous, soldats d’une noble cause,
Mourant sans regret, pour Dieu, pour le Roi !