Les Flagellants et les flagellés de Paris/En guise de préface

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Charles Carrington (p. i-xcii).


En guise de Préface




Nous laissons aux savants et aux médecins aliénistes et criminologistes le soin d’étudier les aberrations du sens génésique et nous attendons toujours quelque traité où l’on montrera à nous autres profanes, n’ayant que l’éducation superficielle de la plupart des gens ordinaires, pourquoi et comment il existe un nombre très considérable de gens, doués d’une intelligence souvent au-dessus de la moyenne, qui éprouvent un plaisir singulier aboutissant à la suprême jouissance en étant fouettés ou en fouettant. Et même il y en a beaucoup qui négligent absolument toutes caresses, se contentant de la douleur ; la soumission à des fustigations plus ou moins fortes les satisfaisant complètement et remplaçant tout le reste.

On nous répondra que c’est une importation de l’Angleterre. Nous déclarons alors que nous avons trouvé cette fantaisie incrustée dans de jolies petites cervelles françaises qui ne connaissaient rien de rien de la pudique Albion, et dans de vieux livres français tels que « Les Dames galantes », de Brantôme, on en parle tout au long. De même on nous objectera que ces plaisirs — puisque plaisir il y a — ne sont pas français mais russes : « C’est du Nord que nous vient la lanière » — ou qu’on se pervertit à l’aide de lectures malsaines. Sans prendre la peine de nier aucune de ces influences, nous osons émettre l’opinion que cette dépravation peut très bien surgir à l’insu de l’individu atteint, et être même innée. Est-ce le résultat de quelque hérédité morbide ? Cela se peut, mais combien il est difficile de remonter à la source ! On ne peut pourtant pas demander à la grand’mère de sa femme ou de sa maîtresse si elle a jamais entendu parler de quelque cas de flagellation dans sa respectable famille.

Si nous parlons de flagellants et de flagellés on tâchera aussi de nous faire taire en exprimant l’opinion que les personnes qui reçoivent les coups de verges et autres instruments de supplice se font payer, et alors il ne saurait être question d’un goût quelconque. Cela peut être vrai pour quelques cas très rares, mais le fait de tirer argent d’une chose qui ne vous déplaît pas se voit tous les jours et explique en somme la prostitution elle-même. En général, personne au monde ne fait ce qu’il ne veut pas faire, et tout homme ayant un peu l’expérience des femmes vénales, dira qu’il a souvent trouvé des prostituées qui mourraient de faim plutôt que de se prêter à certaines complaisances hors nature que d’autres femmes non publiques, dans des sphères très élevées, pratiquent journellement sans dégoût et même en les recherchant. Plus nous avançons dans les mystères de l’amour raffiné et compliqué, moins nous pourrons trouver la raison de ces déviations. Cela existe, c’est ce que l’on peut dire. Il semble pourtant étrange qu’une jeune femme ayant tout pour plaire, choyée, idolâtrée, et très courue, puisse trouver ces hommages fades, et méprisant ce qu’elle appelle dédaigneusement « l’amour banal », demander avec joie à être humiliée, abaissée et fouettée ?

Allons, messieurs les médecins, expliquez nous cela, s’il vous plaît !

En attendant que les princes de la science veulent bien nous faire le don de quelque ouvrage sérieux, pondéré et concluant, nous prendrons la liberté d’offrir ici quelques documents qui aideront les savants psychologues et guérisseurs de corps et d’âme — puisque l’un ne va pas sans l’autre — à faire la lumière. Nous sommes ravis d’ajouter que tout ce qui va suivre est absolument vrai et pris sur le vif, mais nous savons d’avance que l’on va nous traiter de menteur. Cela ne nous fait pas reculer, au contraire. Lorsque l’on parle des tares de l’humanité, l’auditoire se divise en deux camps : les simples qui ignorent ces divagations,et ceux qui connaissent ou qui pratiquent ces bizarreries de la volupté. Les premiers sont étonnés et crient à l’impossible. Les autres font chorus,se disant que s’ils osent se montrer au courant, les premiers les accuseront in petto, « d’en être ». Et ils n’ont pas tort, car le monde est ainsi fait. D’où il ressort qu’il n’existe ni flagellants ni flagellés, et pourtant il y en a. Ce qu’il fallait démontrer, et nous allons tâcher de le faire en pénétrant de suite dans l’antre ténébreux de la flagellation.

Nous ne nous attarderons pas à causer des hommes qui se font fouetter pour un peu d’argent, ou qui prient leur amie ou leur femme de le faire. Le cas est banal, et nous en dirons deux mots avant de terminer, mais ce qui est surtout nouveau pour le public en général, c’est la preuve qu’il y a de par le monde et à Paris principalement des femmes désintéressées qui aiment à être torturées et suppliciées — par gourmandise d’amour.

Le premier cas que nous donnons ici a été relevé par nous dans un livre qui a paru à Londres, dans les premiers mois de 1901. Cet ouvrage remarquable, en trois gros volumes, n’a été publié qu’à une centaine d’exemplaires pour l’auteur qui a fait les frais de l’édition, non mise dans le commerce. et pour cause. Ce livre, rare et recherché, même épuisé, croyons-nous, est une sorte de biographie, où l’auteur a donné quelques fragments de la vie secrète d’un débauché. Ce récit, imprimé en anglais, est intitulé : « Suburban Souls », ce qui veut dire : « Âmes Suburbaines ».

Nous en extrayons le petit récit suivant, à l’appui de ce que nous avons énoncé plus haut.


L’HISTOIRE D’UNE ESCLAVE

« Je dînais chez un ami ; il est marié et il est Français. On me présenta à une dame que je n’avais pas encore vue dans cette maison. Elle était assez gentille de figure, mais peut être avait-elle un peu trop d’embonpoint. Elle avait le type oriental, et elle ressemblait à une belle juive. Elle touchait à la trentaine et était mère de deux ou trois enfants. Son mari était un gros fabricant du Midi, et elle se trouvait seule à Paris pour quelques jours, je ne me rappelle plus maintenant pour quelle raison. Louise, ainsi que je vais l’appeler, semblait goûter ma conversation ; elle rit de toutes mes calembredaines, et prenant place au piano, elle joua pour moi tout spécialement. Elle était bonne pianiste et, avec cela, elle avait de l’instruction. Notre petite soirée s’est terminée de bonne heure, et comme Madame Louise prétexta qu’elle avait peur étant seule à Paris la nuit, je m’offris pour la conduire à son hôtel. Elle accepta et nous partîmes ensemble. Nous étions bientôt amis, et je la persuadai de rentrer à pied avec moi au lieu de prendre une voiture, et à force de prier, je la décidai à venir au café.

» Elle parla de son intérieur en province et de la difficulté qu’elle avait de garder des domestiques. En plaisantant,je lui conseillai de les fouetter pour les rendre obéissantes, en ajoutant que beaucoup de femmes, domestiques ou grandes dames, ne détestaient pas être passées par les verges. Cette boutade me porta la veine, car aussitôt elle emboîta le pas à ma pensée, et continua elle-même à s’étendre longuement sur le sujet de la flagellation. Après quelques assauts de paroles courtoises,je pus tirer d’elle qu’elle rêvait nuit et jour de la joie d’être l’esclave de l’homme qu’elle aimerait. Louise n’aurait jamais été aussi loin, si elle n’avait pas eu la ferme résolution de se faire faire la cour par moi, et finalement elle me promit de me rencontrer dans Paris l’après midi du jour suivant.

» Alors elle est vraiment devenue ma chose, un jouet docile, et elle vint à Paris à peu près tous les mois, et manqua rarement de me donner un rendez-vous. J’ai encore maintenant de ses nouvelles de temps en temps, et nos aventures ensemble feraient un volume très intéressant et très amusant. Mais si je la présente en ces pages, c’est simplement pour donner le texte de quelques-unes de ses lettres, afin de permettre au lecteur de deviner ce que désirait Louise, et ce que je savais bien lui octroyer. Je dois seulement ajouter qu’elle était parfaitement désintéressée, et on peut facilement comprendre que cette singulière passion ne peut guère fleurir dans les rangs des professionnelles ».

« Maître,

» Le lendemain du jour où je suis devenue votre esclave, je vous ai écrit une lettre de douze pages vous racontant mes rêves de folles tortures, rêves éclos pendant lesquels je vous souhaitais mille fois plus cruel que vous ne l’êtes.

» Et alors, je réfléchissais et je tâchais de vous oublier, et ne plus jamais revenir à cette volupté. J’ai brûlé la lettre, et j’espérais que vous ne m’écririez plus, que je pourrais être forte.

» Mais je ne le puis. Je reviens à vous. Faites de mon corps ce que bon vous semblera, mais mon rêve est que vous ne voyiez en moi qu’une esclave et rien d’autre : c’est-à-dire une créature que toujours vous ferez souffrir cruellement.

» Je vous vois maintenant comme dans une vision ; vos yeux ont la même expression que dans le fiacre, me forçant à vous fixer, me le disant brutalement.

» Et alors, quand je viens à Paris, il ne faut pas me recevoir dans un appartement si luxueux — pour une esclave l’endroit le plus ignoble est trop bon – mais dans un hôtel ordinaire. Alors, vous déjeunerez – je peux arriver à onze heures – et vous regarderai, sans manger moi-même, heureuse d’accepter à genoux ce qu’il vous plaira de me jeter.

» Vous pourriez exiger n’importe quoi de moi, me forçant à vous répondre à chaque ordre : «Oui, maître ! »

» Jamais vous ne me permettrez de vous répondre d’une autre manière et si je m’oublie vous me giflerez fortement. Vous me forcerez à des caresses innommables, les bras liés derrière le dos, et si je suis maladroite vous me fouetterez sur n’importe quelle partie de mon corps et jamais vous ne me permettrez de montrer d’autre expression de physionomie que celle de la tendresse et de la soumission la plus absolue.

» Après, vous me forcerez à vous approcher pour voir… si je vous désire. Dans ce cas, vous me punirez… et me cravacherez. Vous me ferez me laver encore à l’eau glacée, et vous en mouillerez un essuie-mains que vous me mettrez sur mes reins pour anéantir mon désir.

» … Vous aurez alors le plaisir de me pincer, de me mordre ou de me cingler, pendant que moi je vous…

» Et si je suis épuisée par la luxure non assouvie, vous ne me céderez que quand je vous aurai supplié et imploré, et vous me posséderez ligotée, torturée par une ceinture cruelle qui me comprimera la taille.

» Je dois sentir vos doigts cruels pénétrer dans ma chair, brûlant d’être à vous, et vous me commanderez de vous regarder les yeux dans les yeux, tandis que de votre autre main vous me pincerez, me piquerez et m’égratignerez avec une aiguille, pour le plaisir de me voir souffrir. Je voudrais que vous fussiez cruel, très cruel. Peut-être serai-je libre un jour de la semaine prochaine. Je serai à Paris le matin et ne retournerai qu’à six heures du soir.

» J’attends vos ordres, maître, et je vous baise les pieds à genoux.

« Votre esclave soumise et dévouée,

» Louise. »


« Aujourd’hui,je vous désire follement et vos yeux cruels. Oh ! les contempler à genoux, les voir plongés dans les miens, sentir vos mains sans pitié pénétrer dans ma chair, me meurtrissant et me faisant mal : prenant ma jambe brutalement, baissant mes bas et regarder votre joie augmenter quand la pointe de l’aiguille s’enfonce dans mon corps qui tressaille. À chaque douloureuse piqûre, je dirai : « Merci, maître. »

» Oh ! pour être bousculée, humiliée et avilie ; vous voir sourire cruellement et vous couvrir le corps tout entier de baisers, pendant que je souffrirai à mourir, gênée et mal à l’aise dans les appareils de torture que vous m’avez montrée — le collier de maintien ; la ceinture secrète avec sa triple garniture de crin-brosse ; etc. — souffrir pour vous, maître ! — Oh ! comme je vous désire.

» Je ne puis plus supporter votre pensée ! Si vous étiez ici, je me prosternerais à vos pieds et vous prierais de m’accorder l’honneur et la jouissance de vos divines faveurs.

» Oh ! je serai chaste, je vous promets. Je ne ferai rien seule. J’attendrai. Je n’ai pas d’autre volonté que la vôtre. Vous avez défendu la m........, j’obéirai. Cela me fait du bien de vous écrire mes désirs insensés.

» Faites-moi souffrir, même de loin. Envoyez moi quelque chose que je puisse porter sur la peau qui me fera du mal.

» Oh ! ma bouche sur votre corps nu, embrasser vos pieds, ma langue vous caressant à la façon d’une bête aimante ! Je suis folle de luxure. Ma gorge est sèche, mon cœur bat et je défaille. Comme je vous désire ! Pardonnez-moi, je vous prie, mon maître ; je serai si soumise, si tendre avec vous, si obéissante pour vous faire oublier tous mes défauts. Écrivez-moi bientôt, je vous supplie.

» Avec humilité, je me couche à vos pieds, vous pouvez marcher sur moi. Et je dirai toujours : « Merci ! » J’embrasse les pieds chéris qui me piétinent et aussi vos chères mains qui me font mal.

» J’enveloppe votre corps d’un seul baiser, mon maître respecté. Oh ! que ne donnerais-je pour avoir toujours peur de vous, comme l’autre jour, sous le regard de vos yeux cruels.

» Je veux toujours avoir peur de vous ;il faut que vous soyez méchant et cruel ; votre seule joie doit être de me faire souffrir sans cesse.

» Vous me ferez venir moi-même à genoux quand vous le commanderez pour recevoir la correction des verges, si vous le désirez ainsi.

» Je suis votre chose, votre chienne fidèle, votre esclave soumise,

» Louise. »


» Il faut me faire ce que vous m’avez promis lors de ma prochaine visite à Paris : me mettre à genoux devant vous, mes yeux vous contemplant. Puis. mon visage, mes lèvres, mes joues. Oh ! l’horrible baptême. et pendant ce temps-là vous vous amuserez en me faisant du mal et toujours vous exigerez que mes yeux vous regardent avec tendresse et soumission.

» Il est si difficile pour moi de supporter votre regard, quand il est dur et cruel, comme hier au soir sous la lumière de la lampe électrique.

» Je veux voir votre petite main fine piquer ma chair doucement avec votre épingle de cravate et savourer votre joie féroce quand vous verrez mon sang, et vous me forcerez moi-même à verser du vinaigre sur ma blessure.

» N’est-ce pas que vous voulez bien, maître, que je souffre par vous et pour vous ?

» Pardonnez-moi d’avoir essayé d’échapper à votre influence,je reviens à vous, plus tendre, plus humble, plus soumise qu’avant. Faites-moi tout ce que vous voudrez.

» Vous verrez, maître, tous mes efforts pour vous satisfaire, pour que votre joie soit complète, et alors vous me permettrez de vous baiser la main. Les traces de vos mains sont encore sur ma chair ; mes bras sont encore pleins de bleus.

» Pardonnez-moi ma mauvaise écriture. La prochaine fois, je ferai mon possible pour la rendre plus lisible, mais aujourd’hui je suis trop nerveuse, j’ai trop soif de vous.

» Si vous le désirez, s’il vous plaît que je lise les livres dont vous m’avez parlé, je le ferai avec joie. Mais je voudrais que vous ne fassiez que ce qui peut satisfaire vos désirs et vos caprices et que vous ne fassiez rien pour m’être agréable.

» La seule récompense d’une esclave est que son maître aimé et respecté la trouve digne de souffrir pour lui et pour son plaisir.

» J’essayerai aussi de ne pas penser à moi quand je vous parle. Je m’efforcerai seulement de rendre votre plaisir lent et parfait.

» Je ferai mon possible pour supporter la douleur avec un regard tendre et soumis, et ma figure aura une expression de contentement quoi que je puisse ressentir afin de vous plaire, sans avoir l’air dur et boudeur, pour lequel vous m’avez sévèrement — et justement — fessée l’autre jour.

» Vous devriez être encore plus exigeant ; très sévère, très cruel pour me former à vos goûts, et me rendre docile et obéissante, me punissant chaque fois que je m’abandonnerai à la volupté, et l’anéantissant en moi à force de souffrance.

» Faites-moi seulement penser à vous ; rêver de vous et vous regarder uniquement et pas d’autres ; mes yeux, comme ceux d’un bon chien fidèle, ne doivent jamais quitter les vôtres, ni regarder nulle part ailleurs ; rien ne doit les détourner de vous, quand je suis en votre chère présence.

» J’ai les cheveux très sensibles. Vous me forcerez à les laisser tomber et vous me les peignerez les tirant rudement, brusquement, jusqu’à ce que je pleure, et si je sanglote vous me punirez de ma sensibilité ridicule. Vous ferez cela, n’est-ce pas ? Je veux souffrir pour vous, mon maître désiré.

» N’aurez-vous pas rêvé de pires souffrances pour moi ?

» Si oui, veuillez être assez bon pour me les dire, afin que je puisse penser aux supplices qui me sont réservés et accoutumer mon esprit à l’idée de nouvelles tortures célestes.

» N’oubliez pas votre petite cravache. Faut-il que j’en apporte une moi-même ?

» S’il ne dépendait que de moi, cette lettre ne serait jamais terminée, mais je finirais par vous ennuyer.Vous écrire est une grande joie pour moi.

» Je mets ma tête sous vos pieds, que je sens sur ma figure, piétinant mes joues avec vos talons. Je sens votre main étreindre et déchirer ma chair, puis vous me pincez. Votre main cingle vivement mes deux joues, cependant que je suis à genoux, mes bras atrocement liés derrière mon dos par des courroies qui me blessent. Je sens la mèche mordante de votre fouet me couper la peau à de longs intervalles pour que votre plaisir dure plus longtemps, et les larmes coulent sur mes joues, malgré tous mes efforts, car pour me punir de vous aimer trop, vous arrachez la toison qui cache mon sexe. Chaque fois, je dois vous dire : « Merci, maître ! » Si j’oublie,votre main chérie me giflera, aussi durement que possible et toujours mes yeux, doux, tendres, obéissants, sont rivés aux vôtres.

» Je suis votre esclave patiente et soumise,

» Louise. »




Notes pour servir à l’Histoire de la Flagellation à Paris




Lettre ouverte à Monsieur Jean de Villiot
Auteur de « Étude sur la Flagellation », « Curiosités et Anecdotes sur la Flagellation », etc., etc.




Vous, mieux que personne au monde, comprendrez tout l’intérêt qu’il y a de trouver et de soumettre à l’appréciation de gens à jugement sain et impartial tous les documents qui peuvent mettre en vue les cas passionnels où la douleur joue un si grand rôle. Personne, avant vous, n’a osé dévoiler, expliquer, et approfondir les mystères de la flagellation ; et moi, simple amateur, j’ai voulu marcher sur vos traces et même vous surpasser. Vous avez collectionné des récits, des particularités, et des faits historiques ; mais moi j’ai osé tailler dans le vif. Vous êtes le rédacteur en chef, et moi le reporter qui part à travers la ville pour chercher les faits divers curieux et intéressants, et interviewer fouettards et fessées. À vrai dire aussi, et jetant bas le masque, j’avoue hautement que mon amour de la science et de la vérité a été doublé d’une idée qui me chatouillait agréablement — j’allais tâter un peu moi-même de ce plaisir mystérieux.

Je n’étais pas tout à fait novice. Je savais que les verges et les coups jouaient parfois un rôle dans la sensualité, mais jusqu’alors je n’avais jamais pensé à essayer de ce ragoût pour mon usage personnel.

Une fois, j’avais vu un martinet chez une prêtresse de Vénus qui m’expliqua qu’elle s’en servait pour un de ses clients et m’assura qu’il y prenait un plaisir extrême. Elle me conseilla d’essayer, et par curiosité je me mis en position.

Au premier coup, je sautai de ses genoux, où elle m’avait étendu comme un gamin qu’on corrige, et me sauvai jusqu’au bout de la chambre. J’en avais assez.

Plus tard, il y a à peu près deux ans, mon attention fut attirée par les petites annonces d’un journal parisien, sous la rubrique : « Mariage ». En vieux Parisien, il ne me fut pas difficile de deviner que toutes ces personnes qui s’appelaient, et se faisaient de l’œil pour ainsi dire, dans ces longues colonnes serrées à 1.75 la ligne, n’avaient guère l’intention de déranger messieurs les maires de France et de Navarre, et que les mots en abréviation : « dés. mar. » ne voulaient pas dire : « désire mariage », mais tout simplement : « désire marcher ». Ce qui, dirait Calino, est la même chose tout en étant légèrement différent.

Et maintenant, je m’élance à l’aventure, bien que n’ayant aucune notion littéraire ni de style. J’ai consulté un ami qui est journaliste, et il m’a conseillé d’imiter Barbey d’Aurevilly ou Anatole France. Je vais tâcher de mélanger les deux.

J’avais remarqué que les mots : « sévère, autoritaire, volontaire », en termes d’annonces matrimoniales se rapportaient à l’infliction de fustigations et de mauvais traitements, et je me mis à répondre à plusieurs. Je ne parlerai pour le moment que de celles qui me donnèrent des résultats tangibles. Une courte annonce informait le public en général qu’une dame volontaire et hautaine « désirait mar. » avec un homme du monde doux et distingué.

J’écrivais quelques lignes à celle qui prenait le nom de guerre de « Tiresias », disant que je me mettais entièrement à sa disposition, voulant être l’esclave d’une dame d’esprit cultivé. On me répondait ainsi, une quinzaine de jours plus tard :

« Monsieur,

» Votre lettre s’était perdue parmiles trop nombreuses que j’ai reçues. C’est un peu tard de répondre, mais vous savez aussi bien que moi que ce n’est pas facile de trouver ce que nous cherchons tous les deux, car je pense que nous sommes dans le même ordre d’idées. Oui, je cherche un homme qui puisse supporter mon joug, en baisant la main qui le châtie. En même temps qu’un esclave, je voudrais trouver un ami, car malgré ma sévérité, je suis aimante et je ne trouve pas le moindre plaisir à châtier un homme qui me soit indifférent.

» Je suis absolument sincère et, cela va sans dire, plus que désintéressée.

» Ainsi donc, si vous n’avez rien trouvé, écrivez-moi.

» Tiresias ».


Je ripostai de suite :

« Madame,

» Je vous remercie infiniment pour votre bonne lettre que j’ai reçue ce matin, et je me hâte de vous répondre selon votre désir que j’ai de la joie à accepter comme votre ordre.

» Il m’est très difficile d’expliquer ce que je désire, car je vous assure que c’est la première fois de ma vie que je viens me mettre aux pieds d’une femme, avec l’espoir qu’elle sera capable de me dominer.

» Comme vous, j’ose aspirer à l’amitié, car cela me semblerait impossible d’être l’esclave de celle qui ne me plairait pas dans les entr’actes alors qu’on éprouve le besoin de causer avec une personne intelligente.

» Car on a beau dire, on ne peut pas toujours jouir, et il y a autre chose dans la vie que la jouissance physique.

» Mes idées sur la subjugation de l’homme sont encore vagues, mais je sens que je n’oserai pas désobéir à une femme qui me serait sympathique, si elle me donnait un ordre quelconque, et je crois que je supporterais douleurs et humiliations physiques et morales, si j’étais sûr que ce sacrifice ferait plaisir à celle dont je deviendrais le serf.

» Oui, il doit y avoir des joies dans la soumission envers une femme, et je viens vous prier humblement de bien vouloir me communiquer vos ordres.

» Si vous voulez pousser la bonté jusqu’à me permettre de vous voir, heure et lieu de rendez vous à votre choix, naturellement, je répondrai à toutes vos questions bien franchement et vous verrez alors à qui vous avez à faire et si je suis digne d’être votre ami et votre véritable esclave dans toute l’acception du mot.

» J’irai à la poste mardi matin et jours suivants. Si cela plaît à votre caprice de me répondre favorablement, ce que je n’ose espérer, car cela serait trop de bonheur pour moi, je vous prie de bien vouloir me tutoyer et de me baptiser de suite d’un nom de femme que vous choisirez.

» Dorénavant, je sais que je ne dois pas avoir d’idées autres que les vôtres, mais votre lettre me fait entrevoir comme un changement de sexe.

» Je vous rendrai toutes vos lettres si vous le désirez.

» J’attends votre réponse avec la plus grande anxiété et vous présente mes respectueux hommages.

» De Villiot, fils. »


« Monsieur,

» Je ne réponds qu’un mot à votre intéressante lettre, qui me fait rêver. Avant tout il faut nous rencontrer, pour pouvoir juger si nous pouvons nous sympathiser, autrement ce serait de la peine perdue.

» Je ne peux ni ne veux vous tutoyer avant l’entrevue, car pour cela il faut qu’il y ait une certaine intimité, et je ne sais encore si nous y arriverons jamais. De même pour vous donner un nom !

Un nom doit être conforme à des qualités, comme il est dit dans la Bible, et pour cela il faut voir aussi.

» Je vous prie donc de venir vendredi à six heures et quart, place du Trocadéro, au bureau de poste.

» Tenez à la main le journal l’Autorité, et je viendrai à vous.

» Écrivez oui ou non et donnez quelques détails : comment vous êtes et comment vous serez mis, pour pouvoir vous reconnaître.

» Adressez votre réponse : « Madame ..... », bureau restant place du Trocadéro. J’y passerai samedi.

« Tiresias. »

Je fus fidèle au rendez-vous, ayant déjà écrit en donnant mon signalement, et je fus bientôt abordé par une dame fort bien mise, en toilette foncée. Elle avait à peu près quarante ans, grande, brune, des yeux gris d’une fixité de regard étonnante, le teint mat, et douée d’un embonpoint satisfaisant, sans être excessif.

Elle me regarda un instant sans parler et je baissai les yeux, en saluant bien bas, puis elle me dit sèchement :

« Suivez-moi. »

J’obéis, commençant à jouer mon rôle d’homme très timide, ce qui me fut facile, quoique je sois plutôt assez effronté avec le sexe faible, et nous prîmes le chemin de l’Avenue Henri Martin, allant jusqu’au Bois, tout en causant.

Elle me demanda qui j’étais. Je lui débitai une petite histoire de circonstance et je crois que nous étions assez gênés tous les deux.

Mais je lui fis comprendre que depuis longtemps j’étais sous l’obsession de l’idée de vouloir être l’esclave d’une femme, et il me semblait que souffrir par la femme aimée devait conduire aux plus hauts sommets de la béatitude.

Elle me confia qu’elle était divorcée, d’origine danoise, et qu’elle vivait seule à Paris. Elle avait reçu beaucoup de réponses à son annonce et avait eu deux ou trois entrevues, mais elle n’avait rien trouvé à son gré, parce que les hommes étaient intéressés, et voulaient bien se laisser flageller, mais contre espèces sonnantes et trébuchantes ! Je lui affirmai que rien n’était plus loin de ma pensée, et cela sembla la rassurer.

Ainsi devisant, nous avions gagné le Bois de Boulogne, et je la suivis docilement. Il faisait presque nuit, et elle s’assit sur un banc, moi prenant place à ses côtés.

Là, je commençai à sentir un petit frisson de frayeur, seule avec une femme cruelle au Bois ! Du reste, elle avait une façon de jouer avec les boutons de ses gants qui me rendait inquiet. Va-t-elle se déganter pour me gifler ? me disais-je.

Heureusement, rien ne s’est passé ; nous avons échangé nos idées sur toutes sortes de choses, comme des gens paisibles et raisonnables qui font connaissance en voyage, par exemple, et elle avait l’air de goûter fort ma conversation que je tâchai toujours de ramener au masochisme. Je voulais changer de sexe, devenir femme, pendant qu’elle serait l’homme dans notre liaison future, que j’appelai de tous mes vœux, si elle voulait dans sa bonté, accueillir ma demande favorablement. Elle m’avoua que cela la réjouirait fort, qu’elle aimait battre un homme et l’humilier, sentant ainsi qu’elle vengeait son sexe opprimé en sa personne, et elle trouvait un plaisir indicible en courbant à ses pieds un des maîtres du monde. Elle ne tenait pas à me donner le nom d’une femme, mais celui d’un chien, puisque je devais lui obéir comme un de ces bons et fidèles compagnons de la race canine, et promit de m’appeler « Médor », ce qui me ravissait, lui jurai-je, et je n’eus pas la peine d’étouffer une forte envie de rire, parce que j’avais toujours les yeux fixés sur ses mains ;je craignais une gifle, une bourrade, ou un mordant pinçon.

Je fus très doux, très humble, et je parlai peu, la laissant s’emballer. Brusquement, elle mit fin à la conversation qui continua pendant notre retour à pied, toujours jusqu’à la place du Trocadéro, où elle me laissa avec un « Bonsoir ! » sec, en m’avertissant que j’aurais de ses nouvelles.

En effet, quelques jours plus tard, je reçus le petit mot suivant :

« Cher monsieur - non, cher Médor !

» Je dois vous avouer que vous avez produit sur moi la meilleure impression, et il me semble qu’à notre prochaine entrevue, je pourrai vous tutoyer.

» Pourtant avant d’arriver à quelque chose de décisif, je sens le besoin de vous connaître un peu mieux, de vous voir en ami.

» J’ai des billets pour les Folies-Bergères pour demain mardi. Voulez-vous y venir avec moi ? Nous y causerons ; vous pourrez même fumer, si le cœur vous en dit.

» Réponse s. v. p. pour demain matin, même bureau de poste que la dernière fois.

» Si oui, soyez à huit heures et demie à la Madeleine, au départ des omnibus Madeleine-Bastille. J’y viendrai en fiacre.

« Médor » fut exact, selon son habitude avec les dames, et le despote s’y trouvait.

Nous fûmes bientôt installés dans une loge, qui fut donnée au contrôle à Mme « Tiresias » en échange d’un billet de faveur, à ce qu’il me sembla.

Nous passâmes une soirée assez agréable, et sur la permission gracieusement accordée de pouvoir fumer, j’avais allumé un fort bon havane, mais je n’en avais savouré que le quart environ quand ma reine, d’une voix dure et fronçant ses sourcils, me donna l’ordre :

— Jetez votre cigare ! Il m’incommode ! Jetez-le !

Sans répliquer, je fis ainsi qu’elle me le dit ; mais je l’avais sur le cœur. Si vraiment j’avais été masochiste, ce petit sacrifice aurait dû me faire tressaillir de volupté, n’est-ce pas ? Hélas, non ! J’y pense encore à mon pauvre mégot. Il était si bon, et le souvenir m’en est resté comme d’une femme que j’aurais connue pour un instant seulement. Du reste, ce sont celles-là qui nous donnent les meilleurs souvenirs.

Notre conversation fut quelconque, sauf quand elle roulait sur sa petite manie. Elle fut plus expansive, et en réponse à ma question, elle me raconta qu’elle aimait avoir un homme doux et soumis à côté d’elle pour s’en servir en guise de femme de chambre. Il devait porter un pantalon de femme garni avec des flots de rubans sous son pantalon à lui, avec de longs bas noirs et des jarretières roses — tout cela tenant lieu de caleçon usuel — et elle aurait eu une grande jouissance à sortir, à aller au théâtre avec un amant affublé de la sorte. L’idée que cet homme portait ce ridicule accoutrement et qu’elle seule le savait la ravissait d’aise. Elle lui aurait rappelé de temps en temps qu’il portait un pantalon de femme, et seul avec elle il devait abandonner son pantalon d’homme et rester en sa compagnie femme depuis la ceinture.

Elle voulait entreprendre un petit voyage avec moi. Arrivés dans quelque trou paisible, elle aurait cherché un appartement meublé, afin d’être plus seuls qu’à l’hôtel. Une fois installés, je devrais lui remettre tout argent, papiers, etc., que j’aurais sur moi, et mes clefs, afin d’être complètement à sa merci.

Lorsque je tentai de l’interroger sur les châtiments que je devais endurer, elle eut un sourire énigmatique et refusa de satisfaire ma curiosité, mais elle confessa qu’elle aimait « gifler ». Cependant elle attachait les mains de ses victimes mâles avant de procéder à ses punitions, car, disait-elle, un homme pourrait se rebiffer sous une douleur subite – et alors que deviendrait-elle ?

Un de ses passe-temps était de courber l’homme à quatre pattes et le forcer à la porter sur son dos jusqu’à ce qu’il tombât de fatigue.

Vers le milieu de la soirée, je demandai la permission de sortir un instant ; elle refusa net, et je me tins coi, mais j’étais très mal à mon aise. Elle s’en aperçut, et je crois avoir vu un sourire malicieux et satanique, tordre ses lèvres rougies à la pommade raisin chaque fois que je me remuai sur ma chaise.

Enfin, le rideau tomba pour la dernière fois et nous partîmes. Elle refusa mes offres de rafraîchissements, souper, etc. et partit seule dans un fiacre, me promettant de ses nouvelles, comme la dernière fois.

Je l’avais quittée un jeudi soir, et le dimanche suivant je reçus sa carte de visite. Là, je vis pour la première fois son vrai nom et adresse et ces mots : « Lundi, deux heures et demie. »

Ici, il faut que j’ouvre une parenthèse pour raconter que pendant la période où je m’occupai de « Mme Tiresias » je suivais toujours les petites annonces, et j’en avais remarqué une surtout où « Nina » demandait un mari « sévère ». Je lui écrivis de suite et voici la réponse que je reçus :

« Dimanche soir.
» Monsieur,

» J’entends par mari (ou ami) sévère l’homme qui sait par des moyens rigoureux imposer sa volonté. En somme, j’aime à être forcée d’obéir à celui qui se dit mon maître, et je goûte supérieurement les procédés dont il fait usage pour arriver à ses fins.

» Je suis très passionnée, aimante, et j’ai un caractère assez difficile quoique pas méchante. Comme physique, je suis suffisamment gentille, je crois ; grande, élancée, sans être maigre, distinguée. Je suis libre.

» Par lettre, je ne vous donnerai pas d’autres détails, et il est donc préférable de nous voir, si vous le voulez, pour que nous puissions juger l’un de l’autre.

» Comme je n’aime pas les rendez-vous dans les lieux publics, voulez-vous venir me rendre visite dans mon petit pied-à-terre de la rue… n°… Mme Nina ? Je vous donne mon adresse, comptant sur votre entière discrétion.

» Je vous attendrai samedi prochain vers 5 heures.

» Je vous prie de bien vouloir me confirmer le rendez-vous.

» Je suis libre presque chaque soir.

» Dans l’espoir d’une réponse, recevez, Monsieur, mes bien sincères salutations.

» Nina. »

Par suite d’un malentendu,je n’ai vu Nina réellement que le lundi suivant, et en attendant, toujours mordu par la tarentule de la flagellation active ou passive, peu m’importait, bien que je préférasse le premier rôle, j’avais fait mettre une annonce moi-même dans la colonne matrimoniale du quotidien qui publiait ces sortes d’avis :

« Homme du monde, seul, libre, indépendant, esprit vif et sévère, très autoritaire, goût de la domination, dés. mar. avec dame partageant ses idées.

Désint. récip. absol. de Villiot, fils, bur. rest. 118. »

J’eus beaucoup de réponses. Quelques-unes émanaient d’hommes ; en voici deux échantillons :

« Monsieur,

» Je doute que vous trouviez une dame ayant les goûts que vous recherchez, mais moi, garçon, je les ai.

» Si vous vouliez avoir un sujet que vous puissiez corriger, fouetter, que vous pourrez contraindre à exécuter vos volontés même lorsque la chose lui déplairait, cela le martinet à la main, vous le pourriez faire et je suis absolument désintéressé.

» J’ajoute que j’ai déjà eu un maître qui savait me faire obéir et auquel je serais encore soumis s’il n’avait quitté Paris.

» Je suis absolument discret et ne demande qu’une discrétion égale, et je serais encore reconnaissant.

» Si vous voulez me connaître, écrivez à l’adresse :

» Monsieur Caro,
« Poste restante, bureau n°…, Paris. »


« Monsieur,

» Vous serait-il agréable de faire la connaissance d’un jeune homme distingué, bien élevé, passable de sa personne, qui se mettrait à votre disposition… pour en faire ce que bon vous semblerait.

» Suis très dépravé, connais tout à Paris.

» Si oui, vite deux mots. Et un rendez-vous.

X. X. Y. Bureau restant, n°…, Paris. »

N.-B. — Agis par passion. Suis entièrement désintéressé.

Je n’ai pas répondu aux hommes, et j’avais vite fait d’éliminer et de faire le tri de mes autres correspondantes. Quelques-unes des femmes qui écrivaient de la province ne comprenaient guère. Elles prenaient le mot « sévère » pour qualification d’un homme à mœurs austères, et cherchaient vraisemblablement un époux pour de vrai.

J’ai eu quelques entrevues à travers la ville et j’ai vu quelques incomprises, des femmes ayant tout raté de leur vie, qui ne me plurent guère pour une raison ou pour une autre.

Ainsi que je l’ai déjà dit,je ne veux parler que des résultats qui me donnèrent quelque satisfaction, et voici un specimen que je choisis :

« Monsieur et cher inconnu,

» Rien que deux mots pour vous dire que je partage vos goûts et que je désire vivement faire votre connaissance.

» On me trouve généralement très jolie, femme du monde, je suis très distinguée.

» Je suis très désintéressée et absolument libre de ma personne.

» Je suis très douce, très soumise, par moments, mais parfois je suis aussi très méchante, enfin je puis être une véritable esclave, mais il faut pour cela que j’aime. Avez-vous le besoin d’aimer ? Moi, oui : je veux aimer, aimer de toutes mes forces, de toute mon âme. Je me donnerai tout entière, mais je veux que mon maître, et aussi parfois mon esclave, m’aime.

» Voulez-vous, Monsieur et cher inconnu, vous trouver mercredi, à quatre heures, devant le bureau d’omnibus, place du Théâtre-Français. J’aurai une robe en drap noir et un chapeau noir et blanc.

» Ayez la bonté de m’écrire un mot afin que je sache si vous acceptez mon entrevue.

» En attendant le plaisir de vous connaître, recevez, Monsieur et cher inconnu, l’expression de mes sentiments distingués.

» M. de B.,
» Bureau restant, n°…, Paris. »

Je l’ai vue : une femme bien élevée, maîtresse de piano, trente ans environ, pas très belle et vivant aux environs de Paris avec une partie de sa famille. Elle avait eu un seul (!) amant, m’a-t-elle dit, qui avait la manie de la fouetter. Il était mort et elle se trouvait seule et n’avait pas aimé depuis. Je donne ces détails sans garantie, et, à vrai dire, je n’écoutai guère son babil. Mais, par désœuvrement, la trouvant douce, bien élevée et agréable causeuse, je l’invitai à dîner pour le samedi suivant.

« Monsieur. et futur maître, » Je viens ainsi que c’était convenu causer un moment avec vous. Je voulais vous écrire une longue lettre, mais la crainte de manquer le courrier m’oblige à ne vous envoyer que quelques lignes pour vous dire toute la sympathie que j’ai pour vous. Je crois que je pourrai vous aimer. Je suis très sentimentale ; mon rêve est d’être aimée, d’être tout pour mon ami, mon maître, comme il sera tout pour moi.

» Vous aurez en moi une esclave très tendre, très loyale et absolument à vous, rien qu’à vous. J’espère que de votre côté vous aimerez sincèrement votre esclave.

» J’aurai un véritable plaisir à vous voir samedi. J’aime toutes les caresses, surtout le baiser long, mystérieux et enveloppant qui pénètre jusqu’au plus profond de l’être.

» Mais ce que j’aime surtout, c’est de me donner complètement et prouver par mon entière obéissance, tout mon amour à celui qui sera mon maître adoré.

» Donc, à samedi.

» Toutes mes pensées les meilleures à vous, mon maître, si vous voulez.

» M. de B.
» Bureau restant, n°…, Paris.

» J’espère ne pas avoir manqué le courrier. »

Je dînai avec elle — Marthe de Bassire — de bonne naissance et possédant assez de rentes pour pouvoir être désintéressée.

Elle ne me plaisait pas, lorsqu’il s’agissait de la bagatelle, et je découvris qu’elle ne tenait pas du tout à être fouettée. Et moi qui cherchais la femme qui, d’après les petits romans publiés à Bruxelles, ne demandait que des coups afin de connaître la volupté que donne la douleur ! Je fus très désappointé, mais je ne laissai rien paraître. Notre dîner en tête-à-tête fut gai, et après, je trouvai que cette dame, si comme il faut dans la conversation et de si bonne compagnie, avait en effet une petite manie qu’il est très difficile d’expliquer ici. Elle aimait beaucoup qu’on eût l’air de la forcer à exécuter certaines caresses bien connues des demi-vierges, où l’homme joue un rôle passif, en la bousculant, en la giflant et en la pinçant. Échauffé par le repas succulent et agacé par les mièvreries de la créature qui avait le diable au corps,je me prêtai à sa fantaisie, ne voulant pas rentrer bredouille. Mais cela me dégoûta d’elle, et je ne la revis plus. J’avais honte d’elle et de moi.

Pour en finir avec Marthe, neuf mois après elle enfanta d’une annonce à elle, où se disant « absol. désint. » elle « dés. mar. » avec un monsieur très doux. Tudieu ! l’agneau devenait loup ! Reconnaissant ses initiales, je fis copier une lettre afin qu’elle ne reconnût pas mon écriture, et voici ce qu’elle répondit :

« Monsieur,

» Je désire vivement faire votre connaissance.

» Voici ce que je cherche.Je veux un ami, un esclave à moi, et à moi d’une façon absolue que je puisse corriger, humilier à mon gré.Je veux une obéissance absolue.

» Après l’avoir fait souffrir cruellement, je saurai l’entourer de mes caresses les plus douces, les plus tendres, car je veux l’aimer de toute mon âme.

» Voulez-vous vous trouver, etc. (même rendez-vous !). J’aurai une robe en dentelle noire, etc.

» Recevez, Monsieur et cher inconnu, l’expression de mes sentiments distingués,

» M. de B., etc. »

» Je n’ai pas besoin de vous dire que je ne suis pas une femme légère. Je suis absolument libre de ma personne. »

Elle avait changé de manie. Elle voulait battre un homme, mais elle tenait à son baiser de goule comme apothéose. Ainsi finit mon aventure avec Marthe.

Je rendis visite à Nina ainsi qu’il fut convenu et je vis de suite qu’elle était une professionnelle. Mais elle était bonne et franche, assez bien de sa personne, celle qu’on appelle fausse maigre, avec de grands yeux bruns et la peau douce, âgée de vingt-cinq ans environ. Elle me reçut dans un appartement exigu, cabinet de toilette et chambre à coucher et elle-même était en chemise et en peignoir. Elle m’avertissait carrément qu’elle entendait être payée, mais pour un léger cadeau elle ne demandait pas mieux que d’être fouettée de toutes les manières, car il n’y avait que cela qui lui produisît de l’effet pour l’amener graduellement à l’étreinte suprême. Ma foi, la curiosité et sa peau tendre me tentèrent et nous fûmes bientôt amis. Enfin, je pus frapper une femme, et pas avec une fleur, puisque ouvrant une armoire à glace, elle sortit une collection composée d’un martinet, d’un paquet de verges très usé et qui avait déjà beaucoup servi, et quelques autres fouets sans importance. Je les essayai tous, sans compter mes mains, et je fus étonné de sa force de résistance, puisque je ne la ménageai guère, voulant voir jusqu’où elle irait. Il faut dire qu’elle était libre de ses mouvements. Je ne l’avais pas attachée. Je pus me rendre compte qu’elle n’avait pas menti et qu’en effet mes coups sur sa croupe rebondie avaient produit la douce excitation naturelle et préliminaire que les tendres caresses et baisers prolongés font surgir chez les femmes normales. Je pris goût à la chose et fus enchanté de la gentillesse de Nina, qui était caressante et amoureuse au possible, car elle s’abandonnait sans réserve avec moi ; elle se conduisit comme si elle m’aimait. Aussi je me retirai content et satisfait, en lui faisant son petit cadeau de bon cœur et promettant de la revoir. Je tins parole en des circonstances très curieuses, ainsi que l’on verra plus loin.

Et maintenant, je vais tâcher de donner un récit aussi complet que possible d’une amoureuse intrigue ayant un cachet de tendresse et de passion bien singulières et qui m’a laissé un doux souvenir.

Mon annonce avait paru au commencement de février et, vers le 9, je reçus parmi les autres lettres, une qui me semblait banale par sa teneur, demandant simplement un rendez-vous et disant que la signataire avait trente ans, grande, brune et ne cherchait que l’affection sincère. Elle signait « Marcelle » et me donna une adresse poste restante comme d’habitude. Le papier et l’enveloppe étaient communs, et tout absorbé par de Barisse, Nina et ma Danoise, je ne pus arriver à voir Marcelle que le 27, quand je la rencontrai passage des Princes à six heures et demie du soir. Je la trouvai fort belle, bien faite et d’humeur douce et gaie. Elle n’avait pas grande instruction et les quelques lettres que j’ai reçues d’elle pendant notre liaison ne valent pas la peine d’être citées. Je ne m’en plaignais pas, car cela m’évitait aussi de lui écrire, et m’a confirmé dans une idée que j’ai acquise par expérience, c’est que les femmes qui écrivent beaucoup et bien ne sont pas toujours celles qui conviennent le mieux à un homme passionné. Méfions-nous des femmes qui pensent et réfléchissent trop. De même, ô mes lectrices, mettez-vous en garde contre l’amant pensif. Vous pourriez vous heurter au mâle bardé d’acier, et vous vous jetterez nues contre une cuirasse glacée et dont le choc pourrait meurtrir vos jolies poitrines et vous blesser jusqu’au cœur.

À notre première entrevue, j’avais bien fait comprendre à Marcelle que je voulais uniquement l’amour d’une femme désintéressée qui saurait m’obéir complètement. Sa réponse fut qu’elle n’avait fait qu’obéir toute sa vie, qu’elle me trouvait à son gré et que mes manières lui plaisaient. Elle ajouta qu’elle avait des rentes et se livrerait par amour, mais ne se vendrait pas. Elle semblait simplette et ignorante, mais elle m’a avoué plus tard que c’était un air qu’elle se donnait à volonté : « elle faisait sa naïve », comme elle disait. Elle était mariée à un médecin depuis cinq ans, mais son mari volage la rendait si malheureuse qu’elle voulait divorcer. Elle était même en instance, mais comme elle voulait que ce divorce fût prononcé contre son mari, elle était tenue à certaines précautions. Je lui fis comprendre que je n’étais pas un aventurier, et plus tard, nous échangeâmes nos vrais noms et nos adresses. Je dois dire que j’ai changé beaucoup de petits détails dans cette histoire, et il serait impossible à qui que ce soit d’arriver à connaître les personnages, ce qui est mon devoir strict, car ce que je fais ici est déjà assez indiscret.

Notre prochain rendez-vous fut arrangé par Marcelle pour le lundi 4 mars, et elle me le signala par un petit bleu. Si mes lecteurs veulent bien se reporter en arrière, ils verront que justement je devais me rendre chez Mme « Tiresias » un lundi dans l’après-midi, pour commencer probablement mon apprentissage de victime. J’avais un plan passionnel des plus piquants. Je me voyais le maître sadique de Marcelle et en même temps la victime docilement masochiste de ma Danoise, l’une ignorant l’existence de l’autre. Jamais, je crois, un débauché curieux de tout connaître des dessous de la passion, n’aurait entrepris la conquête de deux maîtresses si différentes. Mais, hélas ! le rêve était trop beau. Par malchance, les deux premiers rendez-vous décisifs tombaient le même jour.

Je ne pouvais pas hésiter entre les deux. Marcelle, plus jeune, plus belle, plus douce, plus femme et sûrement plus voluptueuse, puis qu’elle me laissait entendre qu’elle me donnait tous droits sur elle, l’emportait, et je croyais, dans ma fatuité de mâle, que je les tenais toutes deux. Je pris donc ma plume et écrivis une plate lettre de respectueuse excuse à Mme «Tiresias », la priant de m’excuser pour ce jour-là et me mettant à son entière disposition pour tel autre moment à sa convenance. Froissée sans doute dans ses instincts d’impératrice cruelle et froide, elle ne m’a plus jamais répondu. Elle était dans son rôle, et je n’en ai pas trop souffert, puisque Marcelle est arrivée à m’occuper entièrement pendant quelque temps. J’ai revu Mme « Tiresias » un an après dans les rues de Paris. Elle n’était pas seule.

Le lendemain, je lui envoyais ma carte en me rappelant « respectueusement à son bon souvenir », mais elle m’en voulait trop, je crois, car elle ne donna pas signe de vie.

Marcelle fut exacte ce jour-là et elle tint toutes ses promesses et au delà. Elle vint à mon pied-à-terre et se donna franchement et librement, comme une femme connaissant la vie, et sans honte ou comédie de fausse pudeur. C’était une femme sincère, et sans aucun doute, elle avait quelque sentiment pour votre serviteur, car elle ne demandait qu’une seule chose : être aimée et de la façon qui lui plaisait le mieux. Elle voulait le fouet, les verges et la fessée des mains de l’amant.

Ce qui la ravissait, c’était qu’on lui disait : « Tu vas être corrigée », et il fallait tenir parole, car elle méprisait l’homme qui menaçait pour rire. Elle souffrait énormément pendant l’infliction de la punition que pourtant elle réclamait elle-même, mais son bonheur venait après, quand son corps meurtri et cuisant se laissait fondre entre les bras de son maître cruel qu’elle adorait d’autant plus qu’il avait été dur et méchant. Voir son amant en colère était son bonheur et bien souvent elle se révoltait pour augmenter sa jouissance, portée au plus haut point lorsqu’elle me voyait hors de moi par sa feinte mutinerie.

Au premier rendez-vous, je pris mon rôle au sérieux et lui commandai de se dévêtir, en lui faisant prendre mille positions différentes et me repaissant de la vue de son beau corps. Elle était bâtie sculpturalement et possédait un grain de peau d’une finesse extrême. Elle était câline et caressante, une maîtresse idéale en un mot, bien qu’elle m’assurât qu’elle était d’humeur despotique, et qu’elle faisait marcher tout le monde chez elle au doigt et à l’œil.

J’avais beau lui imposer des pénitences, comme à une petite fille méchante, la gifler et la fesser durement, j’étais forcé de comprendre que plus je la traitais durement plus elle prenait plaisir à ces jeux brutaux, ce qui satisfaisait ma conscience, car je n’aurais eu aucune joie à torturer une pauvre victime. Du reste,je ne sais pas comment on s’y prendrait pour fouetter une femme malgré elle, à moins de l’attirer dans un piège ou de profiter de sa misère pour acheter ses souffrances à prix d’or. Ici, il ne régnait que la plus grande franchise. Nous étions deux détraqués, si vous voulez, mais voilà tout.

Je lui attachais les mains, après qu’elle m’avait aidé à me déshabiller et qu’elle avait, sur mes ordres, ôté mes bottines qu’elle embrassait, et après je lui faisais embrasser mes pieds nus. Ligotée, je lui faisais subir une vraie et sévère correction par les verges qu’elle supportait en gémissant, mais sans pleurer ; et tout en feu par ce sport néronique, tout nouveau pour moi, je la possédai furieusement sans la délier.

Elle m’avoua après que très émotionné je l’avais mal attachée et qu’elle aurait pu très bien se délivrer, mais qu’elle trouva bon d’être à moi comme captive, et quoiqu’elle eût voulu m’étreindre dans le moment de plaisir suprême, elle n’osait pas détruire l’illusion de son maître.

Nous fûmes nous coucher et passâmes encore des moments délicieux. Elle fut à moi complètement, autant qu’une femme peut l’être, et verrouillée dans notre chambre à trois heures de l’après-midi, il était sept heures avant que nous pûmes nous décider de nous quitter.

« Paris, 7 mars.
« Mon cher ami,

» Je ne sais ce que j’éprouve, mais depuis que j’ai eu le bonheur de passer quelques instants avec vous, je ne suis plus du tout la même. Je suis comme dans un rêve. Je ne pense plus qu’à vous. Qu’avez-vous bien pu me faire ? Aussi je ne désire plus qu’une chose, c’est de voir arriver le moment où je pourrais vous revoir pour vous obéir et vous être encore plus soumise. C’est si bon d’être l’esclave de celui qui vous plaît.

» Pourvu que samedi vous n’ayez aucun empêchement pour nous voir, car j’attends le moment avec impatience. Tâchez de n’être plus enrhumé ; soignez-vous bien. Ne prenez pas froid.

» En attendant le bonheur, recevez mes bien sincères salutations.

» Votre petite esclave,
» MARCELLE.

» Je n’ose vous le dire, n’oubliez pas la cravache et le petit appareil en caoutchouc dont vous m’avez parlé. Puis, surtout déchirez cette lettre, je vous en prie à genoux.

» À samedi, à trois heures. »

J’ai revu mon souffre-plaisir et mon souffre-douleur le 9 mars, et selon son désir, j’avais fait emplette d’une cravache. Pour l’essayer, j’avais courbé Marcelle sur mes genoux, et je lui donnai quelques coups espacés. Puis, j’augmentai successivement la dose. Je ne sais comment elle faisait pour supporter la morsure de la petite baleine sifflante, car chaque cinglon traçait une ligne rouge sur sa belle peau blanche, où se voyaient quelques traces de ma correction du 4. Elle gémissait et m’implorait, mélangeant des mots d’amour à des exclamations confuses arrachées par la douleur. Comme la première fois, j’acquis bientôt la certitude que la souffrance n’empêchait pas la volupté de jaillir en elle… au contraire. Ce voyant, je fus curieux d’expérimenter jusqu’où irait sa résignation, et, soudain, la maintenant avec la main gauche, je fis pleuvoir cruellement et sans mesure, de toute ma force, une pluie de coups de cravache sur ses charmes postérieurs. La douleur fut trop vive, comme je le supposai, et ne pouvant maîtriser un mouvement de révolte, elle étendit sa main derrière son dos et m’arracha la terrible cravache, la jetant violemment au milieu de la chambre. En proie à une colère, moitié vraie et moitié feinte, agité par un frisson fébrile de luxure, et sentant que si je mollissais, je perdrais tout empire sur elle, je la pris par le cou et l’envoyai d’une brusque poussée tomber sur le parquet, non loin de la cravache.

« Relève-toi et ramasse la cravache ! » lui criai-je, ne tenant aucun compte de son air boudeur et de deux grosses larmes qui tremblaient sur les longs cils de ses beaux yeux noirs.

Sans un mot, elle fit comme je désirai.

« Apporte-la-moi ; demande-moi pardon et courbe-toi pour en recevoir encore ! »

« Non, non, je vous en prie ! » (Je lui avais défendu de me tutoyer.) « Tout excepté la cravache ! Votre main, les verges – mais pas ça ! Vous ne savez pas comme cela fait mal. Puis, vous allez trop vite, sans ménagements, sans habituer la peau à la douleur qui doit être graduelle. Cela me cuit tellement ! »

Implacable, j’insistai et je lui donnai encore deux ou trois coups – pas trop forts.

Elle me déclara depuis que mon mouvevement de colère avait produit un effet délicieux sur elle et qu’elle m’adorait depuis ce moment. Lorsque je la renvoyai de mes genoux rouler comme une masse sur le tapis après son mouvement de résistance, – bien naturel, du reste – elle se pâma.

La séance se termina, comme le lecteur peut deviner, et l’appareil en caoutchouc fut de la fête. Cela ne peut guère se décrire ici, mais c’était inouï de luxure barbare. Marcelle ne pouvait s’arracher de mes étreintes et elle jura que je la tenais pour toujours par ses sens subitement éveillés, et qu’elle ne pourrait plus se passer de moi. Elle avait, comme je l’ai déjà dit, la peau très fine et toute marque se montrait sur elle d’une façon excessivement distincte. La dernière fois, il paraît que je l’avais tellement giflée que j’avais abîmé sa figure par la manière dont j’avais pressé son visage contre moi. Sans compter que ses lèvres furent mordues et tirées, et frottées par mes mains, et les lobes de ses oreilles arrachés. Elle avait eu la figure en feu pendant trois jours, et ce ne fut que grâce à des ablutions suivies d’eau de son et d’applications de cold-cream qu’elle avait pu recouvrer son beau teint. Elle fut aussi contrainte de cacher ses poignets, car les liens avaient pénétré profondément dans ses chairs. Mais elle m’avoua qu’elle trouvait un plaisir extrême à contempler ces traces de passion lorsqu’elle était seule, et son bonheur était de revivre ces instants de jouissance bizarre lorsqu’elle se trouvait seule au lit le matin. À ce moment-là elle me désirait follement, et ne manqua jamais de ressentir des douleurs lancinantes dans le cervelet. Je crois qu’elle m’a dit qu’elle se pâmait en ces instants de rêverie démente, mais je n’ose l’affirmer.

Encore une fois, nous fûmes surpris par l’heure, et nous nous séparâmes à la hâte vers sept heures et demie du soir.


15 mars.

Marcelle fixait toujours les rendez-vous, et cette fois-ci, je m’étais muni d’une ceinture de femme, assez large, dont je me servis plus tard pour lui attacher les mains. Je fis deux solides tours, et il était impossible pour elle de se rendre libre. Mais, je vais trop vite. Elle arriva tout amoureuse et elle fut d’une amabilité sans bornes, se plaignant de la rigueur de la fustigation de la cravache. Je lui promis de ne plus l’employer et de me contenter de mes mains et des verges. Mais la cravache était là comme épouvantail et je n’avais qu’à la menacer de son application pour la voir prodiguer toutes les caresses et toutes les bizarreries que je me plaisais à lui faire exécuter sur un mot de commande. Je peux dire, une fois pour toutes, que jamais aucune femme ne fut plus courbée aux caprices d’un amant dépravé et perverti, et il n’y a pas une jouissance connue que je n’aie savourée avec elle, la traitant tour à tour, selon le gré de mes caprices, comme une épouse qu’on adore respectueusement, ou comme la dernière des filles, la pliant aux besognes les plus répugnantes et aux pires caresses.

En un mot, il est impossible dans ces quelques lignes, froides à dessein, de donner la moindre idée de la furie de notre amour inouï.

Elle m’obéissait si bien que je l’appelai « mon mouton ». Marcelle, et je livre ce fait aux hommes de science, avait été régulièrement fouettée par son père avec un martinet jusqu’à l’âge de seize ans pour la plus légère faute.

Il disait : «Tu seras corrigée ! » Et quelques heures après, il fallait qu’elle se mît en posture en ôtant son pantalon. Jamais il ne manqua de parole. Était-ce la manière dont elle fut élevée qui doua Marcelle de ses goûts étranges ? La première révélation de sa manie dépravée lui arriva, me disait-elle, de la façon suivante :

Je n’étais pas son premier amant, mais son deuxième. Il est fort curieux à noter que le troisième amant n’existe jamais. On peut être le premier amant d’une femme mariée, ou son deuxième, à la rigueur, mais jamais son troisième.

Donc, le premier amant de Marcelle avait été un homme très réservé qui aimait mieux se livrer aux jeux de la petite oie qu’à l’acte même. Un jour, elle arriva en retard à un rendez-vous et fut très insolente envers son ami. De colère il la jeta à ses pieds, et la retroussant, fit pleuvoir une grêle de claques sur ses charmes callipygiens. Dès ce moment elle sentit qu’elle ne pourrait jamais aimer qu’un homme qui se conduirait en maître tant soit peu brutal et qui saurait la dominer. On la courtisait assez dans le monde, mais les compliments des amants à sentiments élevés la laissaient froide : l’amour ordinaire était fade et sans saveur. Quant à son mari, c’était un homme et pas autre chose. Il faisait son devoir quand cela lui plaisait, sans douces paroles ni caresses. Elle ne l’aimait guère, bien qu’elle n’eût pas trop à se plaindre de lui, sauf sous ce rapport et elle avait la certitude aussi qu’il l’avait souvent trompée. Ce dernier grief, atteignant son amour-propre lui faisait demander le divorce.

Après quelques fantaisies de ma part, l’ayant forcée à se poser devant moi dans des attitudes indécentes et gênantes, je la forçai de mettre son corset noir sur son corps dépourvu de tout autre vêtement, et, attachant ses mains solidement, je la couchai sur une chaise longue.

Elle subit une vraie flagellation sévère avec un bouquet de verges, qui avaient trempé deux jours dans l’eau pour les rendre plus souples, ce qui ne les avait pas empêchées de s’user presque complètement sur son pauvre corps martyrisé. Je commençai lentement et, graduellement, j’augmentai de force et de vitesse. Les fesses furent d’un rouge violet, et ici et là quelques petits points saignaient. Je maltraitai aussi le haut des cuisses, et chose inconcevable, malgré ses gémissements et ses supplications — elle ne criait jamais — elle fut secouée de petites crises de volupté entre deux torsions de douleur. À ces moments ses cuisses s’entr’ouvaient et les petites pointes fines des verges pénétraient trop loin, la ramenaient vite à la sensation atroce et brûlante de la douloureuse fustigation.

Voulant en finir, je fus trop barbare, car après une pluie de cinglons,vivement et fortement appliqués, je retournai le faisceau de verges brisé et démantibulé, et lui assénai plusieurs coups avec le gros bout faisant office de bâton. C’en était trop !

Elle se retourna sur le dos, ne pouvant m’échapper autrement puisqu’elle avait les mains liées derrière son dos, et roula de la chaise-longue sur le tapis, évanouie de douleur. Je la laissai ainsi quelques instants, la contemplant, j’ose l’avouer à ma honte, sans pitié, mais avec un sentiment d’affreux désir. J’eus un instant la pensée de la violer ainsi et de la faire revenir à elle dans les délices de mon étreinte. Mais la meilleure partie de moi-même eut le dessus ; je la pris et la portai encore sans connaissance sur le lit, où je défis la ceinture-courroie de cuir qui assujettissait ses poignets et m’étendis à côté d’elle. Elle reprit ses sens sous mes caresses, ses beaux yeux remplis de larmes, et me jura que plus jamais elle ne me reviendrait. Sans faire attention à ses plaintes et à ses reproches, je la pris, malgré sa résistance et… nous fûmes bientôt plus amoureux l’un de l’autre que jamais, et nos plaisirs se prolongèrent jusqu’à la nuit. Elle me jura que je la tenais par les sens : « la seule manière de tenir une femme », d’après elle, et moi l’humiliant et l’avilissant davantage si c’est possible ; je m’en faisais un vrai jouet de luxure.

19 mars

Elle arriva quinze minutes en retard et reçut quinze gifles, une pour chaque minute.

Nous causâmes, et, échangeant nos impressions sur les plaisirs de sa dernière visite chez moi, elle me fit comprendre que j’avais eu tort de n’avoir pas abusé d’elle pendant son évanouissement.

« Quelle Messaline tu fais ! Quelle femme assoiffée de volupté ! Je veux que tu me dises à haute voix : «Je suis une sale g..... ! »

Mais elle me résista et jura qu’elle aimerait mieux être fouettée jusqu’au sang que de s’humilier à ce point. Froidement, je lui dis que je la giflerais jusqu’à ce qu’elle me cédât, dussé-je lui abîmer les joues complètement. Après quelques soufflets retentissants, elle essaya :

« Je suis… non ! je ne peux pas ! Grâce, mon amour chéri ! Je vous en prie ! Ne m’humiliez pas ainsi ! C’est trop. Je vous aime tant, si vous saviez ! »

Je fus sans pitié, et frappai chaque joue encore une fois. Elle avait la figure comme une tomate.

» Je suis… une… sale… gar…ce ! » murmura-t-elle avec une intonation défaillante, puissa voix s’éteignit dans un sanglot, et un torrent de larmes jaillit de ses grands yeux de chien implorant.

Je pris « mon petit mouton » dans mes bras et la caressai de mon mieux.

» Comme vous êtes entêté ! Je vous aime comme ça ! Ne faites pas attention à mes larmes ! C’était nerveux. Mais, pensez donc ! — comme vous m’avez abaissée ! »

Et au fond elle était très contente de mon obstination. Je l’avais attendue dans la rue et avant de rentrer nous avions été acheter un martinet dans un bazar. Il était tellement grand et fort — j’avais forcé Marcelle à le choisir et l’acheter elle-même – que je n’ai jamais pu m’en servir ; ses lanières de cuir auraient estropié une femme. Les marques de mes précédentes flagellations étaient encore apparentes, et les coups qu’elle avait reçus du bout du manche se trouvaient tracés en taches ovales d’une couleur rouge brique.

Je me contentai d’une petite correction avec les verges et nous nous aimâmes d’une façon relativement sage.

Le 25, je la revis encore, selon son désir, et nous nous livrâmes à nos amusements ordinaires.

Cette fois-ci, elle me supplia de la flageller sur le lit et de la laisser libre. Je consentis naturellement et, relevant sa chemise de fine batiste, je commençai, espaçant les coups et passant du chatouillement préparatoire qui est très agréable, puisque Marcelle me l’avait démontré sur moi-même, jusqu’aux plus forts coups et rapides cinglées sans ménagement.

Ils firent voler des brins de bouleaux en l’air et remplirent le lit où je les retrouvai plus tard me piquant les reins.

J’y allai de si bon cœur que Marcelle implora ma clémence, me caressa et m’embrassa même au milieu de sa douleur, tâchant d’obtenir de ma luxure ce que ma bonté absente lui refusait.

Le moment arriva où elle ne pouvait guère plus supporter la douleur poignante et elle fut reprise du même mouvement instinctif de rébellion qui l’avait agitée sous la cravache. J’étais à genoux, à califourchon sur ses reins, la figure tournée vers ses pieds. Elle étendit la main derrière son dos et attrapa les verges dans ses doigts convulsivement tordus. J’arrachai les branches de bouleau de ses griffes, et, d’un rapide mouvement je m’assis sur son dos, la tenant ainsi absolument immobile.

» Ah ! tu me résistes ! Tu te révoltes ! Tu oses essayer d’arracher les verges de la main de ton maître ! Tiens ! tiens ! tiens ! »

Elle avait beau gémir et se plaindre ; elle reçut ce jour-là la plus forte correction qu’une femme ait jamais pu supporter, et toujours sans un cri.

La pauvrette ne se douta pas elle-même combien elle avait souffert, car elle perdit connaissance comme l’autre fois.

Elle revint à elle dans un flot de larmes et me bouda consciencieusement pendant dix minutes, mais je la pris brutalement dans mes bras et l’amour lui fit oublier la douleur, bien que le bas de ses reins lui cuisît fort.

Naïvement, elle me confessa qu’elle avait été tellement saisie par la douleur de ma flagellation qu’elle ne pouvait pas bouger, et qu’elle avait été forcée de supporter l’horrible torture malgré elle. Je pris soin de ne pas lui dire qu’elle avait eu tout mon poids pesant sur ses reins, comptant me servir encore de cet artifice. Souvent je l’immobilisai en la couchant sur le ventre sur ma chaise-longue, passant une forte courroie autour de ses reins — courroie que j’avais fait faire pour elle. De cette façon elle pouvait remuer les jambes, pendant que ses bras restaient libres pour caresser son tortionnaire ou pour se tordre dans les souffrances ; mais il était impossible pour elle de changer de position ou de dérober aux coups la partie de son corps créée par la nature pour les recevoir. La première fois que je la mis dans cette posture si commode, quoique assez humiliante, elle se trouva trop à plat et je glissai un coussin sous son ventre :

« C’est bien cela, chéri ! » c’est ce que l’on faisait à Fanny Hayward, dans le livre de Jean de Villiot, que vous m’avez prêté ! »

Elle aimait beaucoup causer de ses rêves et me raconter ses impressions et ses souvenirs sensuels pendant que nous nous tenions étroitement enlacés, nous caressant même pendant que nous vidions les plus secrets casiers de nos cerveaux déséquilibrés. Je lui racontai mes aventures d’amour, et il nous est souvent arrivé d’atteindre l’ultime spasme par la seule narration d’incidents d’anciens souvenirs de volupté.

Le temps passait vite à nous exaspérer mutuellement, et nous restions toujours cinq ou six heures ensemble. Elle m’avoua qu’elle ne valait rien pendant les quatre jours qui suivaient un rendez-vous chez moi — étant brisée, vannée, flapie, mais adorant et goûtant cette fatigue alanguissante qui lui rappelait de si doux moments.

30 mars

Elle était indisposée – le martyre mensuel de la femme – mais elle n’avait pas voulu m’avertir, croyant que j’aurais annulé le rendez-vous déjà fixé de par sa volonté pour ce jour-là. J’avais déjà commencé maintenant à lui prêter quelques-uns de vos ouvrages, cher maître, et elle savait bien les apprécier, lisant entre les lignes, et elle les jugeait avec son intelligence et sa malice de Parisienne fine mouche. Je l’amenai faire un tour au Bois, et elle se contenta de quelques gifles, et de quelques frottements de ses lèvres et de ses oreilles dans la voiture au retour. Elle me fit le compliment que j’étais aussi adorable à la ville comme cavalier, homme du monde correct, prévenant et poli, que comme amant salace et sadique entre quatre murs.

Nous eûmes des rendez-vous les 3, 6, 13 et 17 avril. Marcelle fixait toujours les dates elle-même. Elle m’adorait, se pâmait toujours sous les fessées et les flagellations des verges, et se fatigua bientôt des accessoires en caoutchouc.

Elle voulait du nouveau. Ne fallait-il pas qu’elle conçut le dessein de voir fouetter une femme ? Je pensai à Nina et fus la voir. Elle ne demanda pas mieux que de se laisser fustiger en la présence d’une dame, naturellement contre espèces.

Ce fut entendu pour le 23 avril, mais Marcelle avait posé ses conditions. Elle détestait les femmes en général, et n’avait aucun goût lesbien. Bien souvent elle me tourmentait pour que je devienne son esclave pour un jour, mais je n’ai jamais voulu. J’avais peur de rompre le charme.

Elle exigea de rester habillée et de suivre attentivement les progrès de la flagellation sur la petite courtisane, mais rien de plus.

Je la présentai à Nina et les deux femmes s’accordèrent assez bien. Je fis mettre la jeune professionnelle en chemise et l’amenai à Marcelle pour qu’elle pût l’examiner. Elle refusa de toucher au corps de Nina, et ne fut contente que lorsque j’eus placé la douce hétaïre sur ses genoux contre le lit, tandis que ma maîtresse commodément assise, les narines palpitant de volupté à la vue des fesses de Nina, et moi brandissant les verges, m’exhortait à commencer et à frapper fort.

Ce que je fis, et Nina supporta gaillardement ce qui était une flagellation assez forte. Le sang perla, mais Nina ne bougea pas, et du doigt je montrai les rubis à Marcelle. Elle hocha la tête d’un air entendu et satisfait, mais ne dit mot.

Nina se releva, les joues cramoisies, haletant, sa jolie bouche tordue par un douloureux rictus, et frottant ses fesses endolories, se jeta sur moi pour se venger, disait-elle, et lutta joyeusement avec moi. Puis, les deux femmes arrachèrent tous mes vêtements. Marcelle exigea de moi que je me livrasse à tous les plaisirs de l’amour avec Nina, et ma foi ! je n’eus pas besoin d’être beaucoup contraint.

Marcelle posait pour la dame du monde, très curieuse, ne connaissant rien de la flagellation et elle était assez maligne pour faire causer Nina qui nous raconta quelques histoires de ses amants, dont plusieurs étaient très cruels, et nous fit le récit d’une partie qu’elle avait faite, où elle avait été invitée à partager le lit d’un couple, mari et femme, cette dernière ayant des goûts saphiques et les satisfaisant au vu et au su du mari.

Quand Nina et moi, tous deux nus, eûmes terminé nos exercices, Marcelle se départit un peu de sa réserve, et elle me permit de livrer les richesses de son corsage à la curiosité des mains et des yeux de Nina ; puis ce fut le tour des fesses, et elle reçut une petite fessée de la main de la courtisane, les jupes retroussées dans une envolée de dentelles qui sentaient l’iris musqué.

Je promis à Nina de lui renouveler sa provision de paquets de branches de bouleau, et nous nous en allâmes. Tout le monde était très content : Nina, de l’argent que je lui avais donné, Marcelle du spectacle de la flagellation d’une autre femme, et m’affirmant qu’elle avait ressenti une commotion voluptueuse en contemplant ce tableau vivant et que l’effet ordinaire de l’amour s’était produit avec une si terrible secousse que cela l’avait absolument mise à bas. Une migraine terrible poussait sa vrille dans ses tempes et elle ne demandait qu’une seule chose : rentrer se coucher. Elle était brisée.


30 avril

Elle était encore une fois sous l’influence de la période menstruelle, et nous fûmes nous promener seulement. Son mari montrait des velléités de repentir. Fallait-il pardonner ? J’étouffai mes désirs bien naturels et malgré moi je fus forcé comme honnête libertin de lui donner de bons conseils, et je la conseillai de vivre sous son toit et de faire son possible pour rester avec lui. Je lui fis comprendre la différence qu’il y a entre la femme mariée, dite honnête, et la divorcée. Elle m’écouta religieusement, mais, sans doute, sa résolution était prise avant de me consulter. Enfin, je ne lui ai jamais menti et lui ai toujours donné de sages avis.

Elle me pressa de tenir ma promesse vis-à-vis de Nina et de lui porter les paquets de verges comme venant de sa part. J’allai voir la fouettée le lendemain et lui portai six bonnes verges de bouleau fraîchement cueilli. Nous eûmes un instant de causerie, et ce fut tout, car la petite diablesse attendait un de ses abonnés, amateur du fouet, actif ou passif, je ne me rappelle plus.

Marcelle et moi fûmes encore heureux le 4 mai, mais Marcelle me pria de ne pas frapper trop fort. Elle ne voulait pas être marquée. C’était un avertissement. Était-elle réconciliée avec son mari ? Nous nous aimâmes de notre façon habituelle et insensée, et elle promit de recommencer le 11.

Ce jour-là, elle ne vint pas, et je n’eus aucune nouvelle jusqu’au 21, quand je reçus la carte-lettre dont voici la copie, datée d’une ville de la province où habitaient des parents à elle, à ce qu’elle m’avait déjà dit.


« Mon cher ami,

» Que devez-vous penser de moi, de ne pas vous avoir donné de mes nouvelles, mais je suis partie à la campagne, et ne sais quand je reviendrai. Aussitôt rentrée, je vous enverrai un mot et les livres que j’ai à vous.

» Je vous prie de m’excuser, et veuillez agréer mes sincères salutations.

» Marcelle. »

Elle avait trois volumes assez rares, ouvrages tant soit peu obscènes sur le sujet qui la passionnait tant — la flagellation — que je lui avais prêtés, mais elle ne me les rendit pas.

Le 29, je lui envoyais deux mots : « Prière de bien vouloir me rendre mes pauvres bouquins. »

C’était tout. Elle ne donna plus signe de vie et dans ma fierté de mâle blessé dans son amour-propre, et pensant à ses serments d’amour volontaires de sa part, je n’essayai pas de me rapprocher d’elle.

Le 11 juin,je lavis avec deux dames sur le boulevard, et le 17, je la rencontrai seule non loin de chez elle.

Je l’abordai. Elle avait l’air d’avoir peur de moi. Je la tranquillisai et lui dis que je ne lui en voulais pas trop, qu’elle était tout à fait libre vis-à-vis de moi, mais qu’elle aurait très bien pu m’envoyer un petit mot au moment de notre rendez-vous et me rendre mes volumes.

– Je vous ai envoyé un petit bleu le matin même !

– Je ne l’ai pas reçu, répondis-je.

Je savais qu’elle mentait, car la lettre perdue, égarée ou non avenue, est un vieux truc féminin. Je le connaissais, hélas ! de longue date.

– Quant à vos livres, je ferai le paquet aujourd’hui même. Il ne faut pas m’en vouloir.

– Je ne vous en veux pas trop, mais quand on a un bon plat devant soi, on n’aime pas beaucoup qu’on vienne vous le retirer.

– Oh ! vous êtes si gourmand ! Mais, je me suis remise avec mon mari, et ce serait mal de le tromper maintenant, n’est-ce pas ?

– Tu n’as plus envie d’être corrigée ? Tu ne penses plus jamais à moi ?

– Si, souvent. Le matin surtout et cela me fait mal. Mais je veux vous revoir en ami, en bon camarade. Je vous écrirai et vous viendrez me raconter vos bonnes histoires – vos douces horreurs.

Nous nous sommes quittés là-dessus et je n’ai plus jamais eu de ses histoires.

Je l’ai revue un soir au bras d’un bel homme d’une cinquantaine d’années, possédant une barbe rutilante. Elle était très bien mise, avec une chaîne de perles sautoir que je ne lui connaissais pas et un long manteau de soie de chez le bon faiseur. Quand elle m’a vu, elle s’est retournée brusquement et s’est tenue toute droite, immobile, me dévisageant avec ses grands yeux dilatés, dans lesquels il y avait cette même expression de peur. Son compagnon la prit par le bras – ce n’était pas son mari – et eut l’air de la questionner. Alors elle fit volte-face et partit avec lui. Je l’ai aperçue depuis une seule fois, toujours avec le même, et ainsi finit mon aventure de flagellation.

Il n’y a ni commencement ni fin à mon récit — cela j’en conviens — ni aucune moralité à en tirer, mais les silhouettes faiblement tracées de Mme « Tiresias », Marthe, Nina et Marcelle serviront peut-être un jour comme observations à quelques-uns des disciples du maître Jean de Villiot à qui j’offre ces quelques pages, en le priant de bien vouloir excuser les fautes et les faiblesses de l’auteur. Soyez indulgent pour lui, puisqu’il fut frappé dans sa luxure avide par l’abandon de Marcelle — la justice immanente punissant le débauché — châtiment plus cruel encore que la plus torturante flagellation, car la douleur physique passe, mais le regret d’amour et de passion est éternel.

De Fronsac.


Quelques Annonces et Lettres de Masochistes


« Suis jeune homme étranger,sérieux, élégant, demande professeur ou institutrice, distingué, désintéressé, autorit. leç. éduc. anglais, Écrivez B. U. N., etc. »

« Vos quelques mots m’ont beaucoup plu, car il m’a semblé reconnaître en leur simple concision, que vous admettez tout sans exception. Or, mon plus grand désir est de rencontrer la personne amie avec laquelle je puisse Matérialiser mes désirs les plus salaces.

» J’ai 36 ans, je suis bien, de bonne éducation, et comme vous absolument désintéressé, ne recherchant que la satisfaction de mes goûts en satisfaisant moi-même ceux de la personne amie qui les partage. C’est vous dire que vous aurez toute latitude, puisque si vous admettez tout, je subirai tout avec plaisir. Comme je préfère les actes aux écrits, je ne demande pas mieux que de vous voir et me livrer à vous si vous le désirez ; cela ne veut pas cependant dire que je ne vous lirai pas avec plaisir si vous m’apprenez quel sera mon sort en vos mains. Je le devine…

» Il y a peut-être égoïsme de ma part, mais, en retour, je sais si bien me livrer que vous me pardonnerez.

» Voulez-vous que nous nous voyions en un bureau de poste, mais à heure précise ? Vous me reconnaîtrez à un petit rouleau de papier de la couleur ci-jointe que j’aurai à la main. »



« On demande précepteur patient et sévère, ecclésiastique de préférence. Simplice, bureau central. »

« Vous m’avez compris !

» Je cherche un ami qui sache me corriger et me donner la fessée aussi souvent que je le mériterai.

» Je suis passionné et lascif au delà de ce que vous pouvez vous imaginer !

» Je voudrais être fouetté devant toute une société.

» Voulez-vous me connaître ? Je suis très bien de ma personne. Jeune, j’appartiens au meilleur monde et ai tout intérêt à être discret.

» Fixez-moi un rendez-vous quand vous voudrez et dans le lieu qu’il vous plaira. J’irai les yeux fermés et me livrerai à vous.

» Je souhaiterais que vous me convoquiez dans un lieu où vous pourrez de suite essayer sur moi votre sévérité.

» Je vous rendrai votre lettre. Répondez-moi vite, je vous prie. Je passerai à la poste deux fois par jour. »




« Monsieur demande précepteur expérimenté et sévère. Martyr, bureau restant 27. »

« J’ai bien reçu, Monsieur, la lettre par laquelle vous m’annoncez que votre adresse n’a pas changé, et je viens vous faire la communication dont vous parlait mon mot de dimanche dernier.

» Vers la fin d’août, j’ai fait publier l’annonce dont voici le texte. (Voir plus haut.)

» J’ai reçu cinquante lettres dès le lendemain, autant encore dans les deux ou trois jours suivants. Elles émanaient toutes de faméliques et convaincus professeurs à la recherche d’une situation ; pas un n’avait soupçonné le malentendu que cachait son avertissement. J’étais quasi-honteux de prendre au guichet livraison d’une telle avalanche de lettres et, dépité de mon insuccès, je ne pris même pas la peine de décacheter les derniers envois qui me parvinrent. J’eus tort.

» Voulant, il y a quelques jours me débarrasser de cet inutile amas de papier, je retrouvai dans le tiroir où dormaient les quelques enveloppes non ouvertes ; je les défis et – combien je fus vexé ! je lus la lettre que je vous retourne ici.

» J’ai eu toute ma vie la singulière fortune d’être victime des malentendus, des quiproquos, des contretemps les plus bizarres ; j’en faisais l’expérience une fois de plus.

» Je passe.

» Vous seul, Monsieur, aviez compris le désir que célait mon annonce : vous l’avez manifesté avec trop de netteté pour que je n’imite pas votre franchise.

» Toute mon existence, dès mon extrême enfance, j’ai eu la hantise de la servitude et de l’esclavage, j’adore le fouet, les corrections, les humiliations, et comme vous le dites, la jouissance qui naît de la douleur — pas trop légère, pas excessive non plus, — pas de brutalité, mais la sévérité la plus rigide.

» J’ai connu, je connais encore toutes les professionnelles de Paris- c’est un art qui se perd où bien peu d’entre elles savent jouer leur rôle.

» Blasé et devenu plus perspicace, j’ai voulu essayer de la sévérité des hommes, pensant à juste titre qu’ils sont plus convaincus quand c’est la seule passion qui les fait agir. J’en ai ainsi rencontré deux qui m’ont absolument compris et satisfait : les mercenaires que j’ai payés étaient plus nuls encore que les femmes.

» Mon bonheur le plus grand est donc d’être l’esclave d’un maître qui m’humilie, me punisse, me corrige, me donne le fouet, non pas comme à un petit garçon, mais comme à un véritable serf obligé d’obéir à tous ses caprices, à toutes ses fantaisies, même aux plus révoltantes.

» Ma confession, vous le voyez, vaut votre profession de foi. Vous plairait-il de me dire comment vous comprenez le rôle actif qui ne paraît pas vous déplaire. Nous tâcherons de concilier nos programmes réciproques, et si vous vous décidez à une sanction que je désire ardemment, je dispose de toutes les facilités désirables.

» Inutile je crois d’ajouter que je suis homme du monde absolument désintéressé et aussi soucieux que quiconque de la dignité extérieure et de la discrétion de la tombe.

» Tous mes compliments, Monsieur, en attendant une prompte réponse.

» Martyr. »

» Je n’aurai pas l’hypocrisie de vous dire que j’ignore certains contacts entre hommes, mais je ne les rechercherai jamais en dehors de la servitude. Si on me les impose, je les accepte comme une humiliation et une indignité de plus.

» Je vous prie d’être, dans votre réponse, absolument catégorique. »




Qu’il nous soit permis de dire deux mots d’une certaine classe d’hommes que nous pouvons dénommer des « cérébraux » ; c’est-à-dire qui se contentent d’écrire, sans jamais avoir la moindre idée de passer à l’action même. Pour ces gens-là, la correspondance suscitée par les « petites annonces » est une rare aubaine et ils s’en donnent à cœur joie à mystifier les annonciers lascifs et à se suggestionner eux-mêmes. C’est une sorte de masturbation par l’encrier, pour laquelle il y a mille et mille raisons : maladie, disgrâce de la nature, impuissance, manque de liberté, ou tout simplement la manie d’écrire des saletés, analogue à celle qui se manifeste sur les murs et dans les urinoirs, et nous n’aurions peut être pas tort en cataloguant le fameux marquis de Sade parmi ces inoffensifs manieurs de porte-plumes qui semblent façonnés comme des phallus.

Nous connaissons une dame, fort âgée et fort malade, douée d’un joli style et d’une bien vilaine écriture, qui passe son temps à écrire aux hommes. Elle s’ingénie toujours à remettre de jour en jour l’instant où elle doit rencontrer le malheureux qu’elle essaye de berner, et quand le pauvre dupe, hors de lui par les promesses de la belle dame, demande à contempler son visage, la sorcière succube par lettres, se hâte de disparaître. Il y a quelques années elle a maintenu une correspondance pendant plusieurs mois avec un homme qui devait être son esclave, et est allée jusqu’à lui envoyer un collier de chien, gravé à son nom et entouré de sachets odorants ! Ce collier devait servir pendant leurs ébats au jour trois fois heureux où les amants devaient se réunir. Le « chien » devenait trop exigeant. Figurez-vous qu’il voulait voir sa dominatrice ; cela ne lui suffisait plus d’être convié par la poste à des jours réguliers à se m........ (sic) et de décrire sa honteuse faiblesse pour la plus grande joie de la vieille. Quelque temps après, elle recommença cette stérile correspondance avec un autre, datant ces épîtres de Cannes, où elle passe ses hivers, et, par le plus grand des hasards, sa nouvelle victime montra une de ses lettres à celui qui avait reçu le collier de chien quelques années auparavant. Ce fut un coup de lumière pour le nouveau correspondant qui, naturellement, n’eut rien de plus pressé que d’informer la dame qu’il connaissait l’histoire du collier et avait vu toutes ses anciennes lettres, et qu’il n’avait pas l’intention de continuer à échanger des lettres sans un résultat quelconque. Surprise de la bonne personne, qui, cependant ne se démonta pas — par la poste ! — car elle essaya de sortir du mauvais pas, à la manière de son sexe, que ce soit bonne à tout faire ou grande dame : par des mensonges. Si cette gracieuse personne voulait publier toutes les lettres qu’elle a reçues, cela ferait un livre étonnant.

Nous donnons ci-après une lettre de masochiste par correspondance, qui, pour nous, ne demandait que des lettres libidineuses et — pas autre chose, et nous terminons par les efforts d’un « cérébral » qui écrivit à un monsieur en faisant semblant d’être une femme pour voir ce que ce dominateur de femmes, voulait faire de ces belles martyres. Mais, celui qui avait mis l’annonce avait reconnu l’écriture d’un de ses amis et l’a fait trotter un petit peu, ainsi que nous le voyons par la réponse du mystificateur mystifié.


« Monsieur,

» J’ai la petite présomption de croire que je suis aussi documenté que vous pouvez l’être sur la question qui nous intéresse mutuellement, et je me permets d’affirmer que vous ne trouverez pas l’idéal rêvé : les femmes qui fouettent les messieurs par amour de l’art, ou celles qui acceptent la fessée de leurs mains n’existent guère que dans les romans pornographiques anglais. Il en est pourtant de par le monde, mais celles-là ne lisent pas les annonces ou du moins elles n’y répondent pas.

» On est toujours réduit à payer et jamais on n’en a pour son argent.

» J’ai pu pourtant satisfaire cette passion, mais il a fallu un concours de circonstances qui se retrouve bien difficilement.

» Vous me demandez, Monsieur de vous préciser mon cas : il résulte de cette névrose assez bénigne mais bien définie que les médecins dénomment « Masochismus » ; c’est ce besoin de servitude qui vous fait désirer un maître vous imposant un servage non pas moral, mais effectif, où la sévérité, la cruauté même jouent leur rôle : c’est en somme du sadisme passif.

» Il est telles horreurs qu’un vrai sujet, moi, par exemple, n’acceptera jamais proprio motu ; il les subira au contraire avec bonheur si elles lui sont imposées et plus elles seront abominables, plus la singulière volupté qu’elles lui procurent ira en s’accentuant.

» Et cela est dans le sang, comme disent les bonnes gens : on n’est pas blasé à 12 ans, et à 12 ans, je songeais avec délices à une dame très imposante, très sévère, qui me mettrait au cachot où elle viendrait me fouetter plusieurs fois par jour… Depuis — mais à une autre fois.

» J’accepte, en principe, l’entrevue proposée : je connais toutes les flagellatrices de profession à Paris et peux vous en proposer deux : l’une, jeune, bien installée et possédant de nombreux instruments de corrections ; l’autre, vieille femme, pauvrement mais discrètement logée ; nombreux accessoires, sévérité excessive, imposant toutes les infamies ; là c’est le sadisme dans toute sa plénitude — vous choisirez.

» Mais auparavant, je veux vous connaître — au point de vue passionnel s’entend.

» Savez-vous fouetter ! Qu’exigez-vous de votre esclave ? Parlez sans réticence, j’endure et subis tout. Rien de trop fort, rien de trop répugnant. Mais je hais la brutalité, je veux une sévérité froide et graduée.

» Voulez-vous me faire un scénario ? Je vous répondrai avec une franchise égale à celle que vous emploierez et nous conviendrons d’un rendez-vous. Dites-moi tout ce que vous désirez.

» Inutile d’ajouter que mon désintéressement égale le vôtre.

» W.H.I.P. »
(bur. rest. etc.)



« Monsieur,

» Le programme indiqué par votre insertion tente une femme de 30 ans, grande, un peu forte, brune, très passionnée, mais tenue à une très grande réserve.

» Voulez-vous développer vos idées, me dire ce que vous attendez, ce que vous demandez, peut être pourrons-nous tomber d’accord.

» Veuillez, en me répondant aux seules initiales ci-dessous, me renvoyer cette lettre.

» Salutations distinguées.

» P. I. P., bur. rest., etc.

» Prière de me renseigner sur votre âge, vos moyens physiques, sans employer trop de circonlocutions : la brutalité est autorisée. »

Du même au même
« Monsieur,

» Lorsque j’ai lu votre annonce, ma curiosité a eté piquée très vivement. Douée moi-même d’un caractère dominateur, aimant les sensations violentes, j’ai pensé que du choc de deux natures comme les nôtres pouvaient naître, soit des scènes, soit des transports inouïs. Et voilà pourquoi je vous ai écrit. N’aurais-je donc eu affaire, comment dirai-je ? qu’à un mufle.

» Eh quoi, Monsieur, je me mets à votre disposition pour vous renseigner en ce qui peut vous intéresser sur toute ma personne, je vous fais une esquisse qui vous permet déjà de me voir avec toutes mes rondeurs, et en retour de cela des injures et pas un mot de vous. Ah ! à qui croyez vous donc avoir à faire ? Vous imaginez-vous qu’une femme de ma condition, obligée, je vous l’ai dit, à de grandes précautions, va se livrer comme ça, tout de suite, à un homme qu’elle désire trouver comme il faut, qu’elle ne connaît pas et qui peut n’être qu’un marlou, un maître chanteur. Si vous recevez des lettres de femmes disposées à répondre comme vous le demandez, soyez convaincu, cher Monsieur, que vous n’avez à faire qu’à des filles en quête de je ne sais quoi.

» Ah ! il faut, avant même d’avoir vu Monsieur, de savoir comment est le maître futur, se déclarer son esclave, venir au coup de sifflet, se coucher à sa botte ou se montrer avec lui dans un rendez-vous qui peut n’être qu’un guet-apens ou une occasion de se compromettre. Non, Monsieur, pas de ça avec moi. Je veux d’abord, j’obéis ensuite, si mon maître a su me plaire ; je lui obéirai alors en esclave, non plus pour satisfaire sa volonté, mais pour me rendre à tous ses désirs et apporter dans la jouissance la force de toutes mes énergies.

» Si donc vous comprenez que vous avez débuté par une gaffe, faites-moi des excuses, et réparez votre faute en m’écrivant comme je vous conviais à le faire. Il me semble que je vous donnais la part belle, ne faisant pas montre de bégueulerie inutile. À cela, vous avez trouvé spirituel de répondre que vous n’aimez pas à vous m........ dans un encrier. Vous êtes vraiment poli : moi, non plus, je ne connais pas ce genre d’exercice, mais je trouve que la correspondance est le meilleur moyen d’entrer en pourparlers, qu’elle fait connaître promptement, de part et d’autre, à quel monde on a affaire, et qu’elle est, au moins pour une femme qui n’a pas pour soutenir l’exaltation de ses sens les mêmes moyens que l’homme, une des manières les plus efficaces pour atteindre ou pour attendre le but suprême.

» Donc, Monsieur mon maître, vous m’obéirez jusqu’au jour où vous m’aurez terrassée. Alors ! oh ! alors…

» P. I. P. »




PETITES ANNONCES

Nous donnons ici des échantillons de petites annonces ayant rapport à la flagellation, choisies dans la collection du Gil Blas entre juin 1891 et janvier 1892, époque à laquelle elles ont été supprimées dans ce journal. On a commencé par payer trois francs la ligne, prix qui fut bientôt porté jusqu’à cinq francs !

Jol. toq. désint. dés. ami dist. tr. sévè. q. corr. de t. en t. Boîte 46, boulevard des Italiens, 15.
D. d. monde j. éleg. b. pos. ex. sévère abs. désint. d. ami dist. C A L 46, bur. 35.
Dame jolie très sévère dés. exercices sévèr. avec ami. Ecr. A A 20, post. Terreaux-Lyon.
J. f. tr. sévère app. conf. dés. ami sé. b. 90, K W 17.
Dam. ext. sév. méth. ang. russe A H, p. r, Ste-Cécile.
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Etr. j. f. tr. j. hon. sév. instr. très dist. artiste peint. gr. svelt. b. yeux, bouche dél. dem. imm. 3000 f à pers. aimant d. nouv. Écrire M. Irma, Gil Blas.
Dame d. m. jolie situat. indép. dés. conn. ami discr. très sévère. C A P, bur. 14.
G. f. d. m. dés. ami p.p. tem. ag. abs. désin. E. 9, b. 88.
M. hon. off excur. le dim. env. Paris à j. d. bien sév. En camar. si elle désire A L 2, b. 83.
Dme br. dist. ext. sévère dem. ami sé. D, S4, b. 30
M. 40 a. d. con. mère d. f. s’int. à éduc. ang. L. 9, b 45.
M. aimerait dame ex. sévèr. désint. E J M. b. 70.
B R 2, b. 5. 30 a. aim. fme mûre sév.
H. d. m. tr. sév. dem. D. bienf. tr. pot. ACB2, b. 35.
M. sévère d. c. j. j. f. b. f. Rép. de préf. à let. av. phot. BAT 17, b. 45.
J. h. d. con. dme sévère, m. âgée désint. CP, b. 14
M. sévère éduc. aiderait dame très sévère et dist. syst. anglais. Écr. adr. détails Duc. 10, post. rest. rue des Capucines.
Jne couple dist. dés. conn. pers. riche même âgée ou sévère. Boîte 38, 15, bd des Italiens.
Dme t. très sévère dés. ami génér. SOL, b. 51.
Riche, t. sévère, j. dés. con.jne couple. W8, b. 3.
J. j. f. dist. d. conn. M. rich. sévère. B S, b. 62.
Méthode anglaise et russe, Mme Rody, b. 83.
M. j. dist. sévère, dés. r.-vs av.j. f ay. g. angl. Ecr. OD5, bur,81.
J. h. d. j. f. ou d. âgée t. b. f. aim. sév. et agr. SB, b.5.
D. vve d. aide h. et dés. p. élev. chrét. et sévère, j. f. pure mais parr. et diff. Ec. Me B. d. D., b. 15.
Fille d’Eve j. b. f dés. M. sévère mais pas trop p. première exp. Ec. Madelon, b. 49.
J. h. dés. con. gouvernante syst.angl. F R O, b. 25.
M. 44a. ho. aim. dame mûre lib. sév. dés. G O, b. 21.
Dame très sévère dés. ami. J. B. 17, bur. 88.
J. h. d. c. fb. f. désir, correct. agréable. F O E, b. 88.
J. h. d. j. j. f. angl. p. donner leç. chez lui. AB18, b. 4.
Leçons d’anglais gratis à jeune fme. 3 Y, b. 34.
J. h. dist. dés. con. dme t. rich. t. sévère. G K, b. 57.
Education méthode anglaise, russe, énergiq. et sévère. A H, p. r. Ste-Cécile.
M. j. b. dist. tr. sévère offre 20 l. p. 1 rend.-vs av. j.j. f. disc. Ec. av. dét. M. P. D., bur. 83.
Institutrice anglaise désintéressée très sévère indiquerait moyen aux parents guérir enfants indisciplinés, méthode anglaise. Ecrire avec détails, post. rest. O. H. 8, Lyon.
Dame exc. sévère des. co. sér. VFF p. r. r. Milton.
Hme du mde dem. d.jne élég. très sévère pour court voy. Ec. Landquart, Suisse, p. r. Loy.
M. aim. dam. désint. ex. sév. même âgée. E G, b. 34.
M. dés. conn. dame seule aimant causerie platonique sur l’éducat. anglaise. R O D, b. 75.
Monsieur sérieux demande dame jeune excessivement sévère. - Ecrire B B 7, poste restante, rue de Cléry.
Dame distinguée, jolie, très sévère dés. ami sé. Ecr. U O 20, poste rest. Terreaux-Lyon.
M. sér. dem. f. d. m. ext. sévère. PA 13, bur. 24.