Les Fleurs du mal/1857/Le Tonneau de la haine
Apparence
Pour les autres éditions de ce texte, voir Le Tonneau de la haine.
SPLEEN ET IDÉAL
Les Fleurs du mal (1857), Poulet-Malassis et de Broise, (p. 164-165).
LXXI
LE TONNEAU DE LA HAINE
La Haine est le tonneau des pâles Danaïdes ;
La Vengeance éperdue aux bras rouges et forts
A beau précipiter dans ses ténèbres vides
De grands seaux pleins du sang et des larmes des morts,
Le Démon fait des trous secrets à ces abîmes,
Par où fuiraient mille ans de sueurs et d’efforts,
Quand même elle saurait allonger ses victimes,
Et pour les resaigner galvanier leurs corps.
La Haine est un ivrogne au fond d’une taverne,
Qui sent toujours la soif naître de la liqueur
Et se multiplier comme l’hydre de Lerne.
— Mais les buveurs heureux connaissent leur vainqueur,
Et la Haine est vouée à ce sort lamentable
De ne pouvoir jamais s’endormir sous la table.