Les Forces éternelles/Ce ne sont pas les mots…

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Comtesse de Noailles ()
Arthème Fayard & Cie, éditeurs (p. 311-312).

CE NE SONT PAS LES MOTS…


Ce ne sont pas les mots les plus étincelants
Qui pourraient définir la force qui nous lie :
Les vocables : bonheur, enchantement, folie,
Ne sont pas si profonds, si vastes, ni si lents
Que cet illimité et conscient bien-être
Qui me fait respirer avec les cieux ! Peut-être
Pourrions-nous baptiser nos suaves moments
Du beau nom de plaisir et de contentement.
— Être content : splendeur, possession du monde !
Royauté d’un tranquille et bleuâtre Océan ;
Plénitude sans hâte, indolence féconde,
Qui font se ressembler l’excès et le néant.
Contentement ! Ce dont aucun humain n’est digne,
Ce dont nul ne jouit qu’avec la crainte insigne
Qu’il lui faudra bientôt, sûrement, expier

Cette fortune intruse, innocente et suprême…
Contentement : par quoi tout corps cherche à prier !

— Et je connais cela par ton amour ! Je t’aime,
Étranger qui prends tout et qui m’as tout donné,
Commencement de moi du jour où tu es né,
Toi mon sang véritable, et ma vie hors moi-même…