Les Forces éternelles/Libération

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Comtesse de Noailles ()
Arthème Fayard & Cie, éditeurs (p. 331-332).

LIBÉRATION


La nuit par sa tiédeur vient prolonger la chambre,
La fenêtre est ouverte, et l’on se sent uni
À ce scintillement chuchotant, infini,
Des étoiles d’argent et de la lune d’ambre.

J’ai détourné de vous, tumultueux ami,
Après cet esclavage où tout l’être a frémi,
Mon esprit attiré par la beauté des choses.
— Tandis que votre front contre mon bras repose,
Mon cœur, libre de vous, de soi-même dispose.
Je renoue avec l’air ma noble parenté :
Le silence savant, les cieux, l’éternité
Me conquièrent avec un verbe énigmatique.
La nuit me parle ainsi qu’à son enfant unique.

Comme la blanche étoile au bord des cieux d’ébène,
Je me sens rayonner dans l’ombre ; nulle gêne
N’embarrasse ma pure et calme vanité ;
Et je me sens puissante, indolente, tranquille
Comme un profond jardin de palmiers dans une île…
— Mon douloureux Destin s’est en vous arrêté,
Ô nuit secrète et courte entre deux jours d’été !