Les Forces éternelles/Matin frémissant

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Comtesse de Noailles ()
Arthème Fayard & Cie, éditeurs (p. 174-175).

MATIN FREMISSANT



Les pétales du vent, balayeur de rosée.
Flottent en clapotant sur le naïf jardin.
Ah ! que je sois aussi la plante reposée
Que réjouit le rire onduleux du matin !

L’oiseau, fleur sans lien dont le pétale est aile,
S’élance avec un cri provocant et hardi,
Et revient, tout baigné de luisant paradis,
Répandre sur les bois de célestes nouvelles.

Des ruisseaux de soleil sont dans l’herbe épanchés,
Leur aveuglant éclat se déplace et vacille,
Et ces blancs diamants dont la lueur fourmille
Sont sveltes et tremblants comme un jet d’eau couché.


— Ô beauté du matin, ô naissance des choses,
Fibre, pulpe, liqueur du citron vert encor !
Délicat univers qui toujours recompose
Son antique, son neuf, son éternel essor !

C’est à cette bonté précise et continue
Que je confie un cœur à qui tout fut amer,
Recueillez-moi, vapeurs et rayons de la nue,
Secondez-moi, murmure inlassable des mers !…