Les Frères Zemganno/32

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G. Charpentier, éditeur (p. 164-165).

XXXII

La pantomime gymnastique des deux frères ne ressemblait nullement à celle des clowns anglais de la dernière heure. Il y avait dans cette pantomime une réminiscence du rire de la comédie italienne mêlée à un peu de la rêverie que les fils de Stépanida mettaient dans le son de leurs deux violons. C’étaient en ce qu’ils exécutaient, des choses ingénues qui amenaient l’attendrissement, et des choses doucement comiques qui faisaient sourire, et des choses légèrement lunatiques qui donnaient à songer : toutes choses parmi lesquelles la grâce gamine de Nello jetait un enchantement particulier et qu’on ne peut exprimer. Puis ils avaient introduit dans leurs exercices un certain fantastique, qui n’avait rien de cimetiéreux, de triste, de sombre, un fantastique joli, coquet, spirituel à la façon d’un conte noir qui se moque, par-ci par-là, de la crédulité de son lecteur. Et encore tout le temps de l’imprévu, de l’inattendu, de la fantaisie, du caprice, et, à mesure que le temps passait, comme l’éveil, en les membres sveltes de Nello, d’une vie fantasque.

Enfin on ne savait, à propos de quoi et comment, le spectacle plastique des deux frères évoquait dans l’esprit des spectateurs, l’idée et le souvenir d’une création ironique baignant dans du clair-obscur, d’une espèce de rêve shakespearien, d’une sorte de Nuit d’été, dont ils semblaient les poétiques acrobates.