Les Frères Karamazov (trad. Henri Mongault)/VII/03

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Traduction par Henri Mongault.
NRF (1p. 357-371).

III

L’oignon

Grouchegnka habitait le quartier le plus animé, près de la place de l’Église, chez la veuve du marchand Morozov, où elle occupait dans la cour un petit pavillon en bois. La maison Morozov, une bâtisse en pierre, à deux étages, était vieille et laide ; la propriétaire, une femme âgée, y vivait seule avec deux nièces, des vieilles filles. Elle n’avait pas besoin de louer son pavillon, mais on savait qu’elle avait admis Grouchegnka comme locataire (quatre ans auparavant) pour complaire à son parent, le marchand Samsonov, protecteur attitré de la jeune fille. On disait que le vieux jaloux, en installant chez elle sa « favorite », comptait sur la vigilance de la vieille femme pour surveiller la conduite de sa locataire. Mais cette vigilance devint bientôt inutile, de sorte que Mme Morozov ne voyait que rarement Grouchegnka et avait cessé de l’importuner en l’espionnant. À vrai dire, quatre ans s’étaient déjà écoulés depuis que le vieillard avait ramené du chef-lieu cette jeune fille de dix-huit ans, timide, gênée, fluette, maigre, pensive et triste, et beaucoup d’eau avait passé sous les ponts. On ne savait rien de précis sur elle dans notre ville, on n’en apprit pas davantage plus tard, même lorsque beaucoup de personnes commencèrent à s’intéresser à la beauté accomplie qu’était devenue Agraféna Alexandrovna. On racontait qu’à dix-sept ans elle avait été séduite par un officier qui l’avait aussitôt abandonnée pour se marier, laissant la malheureuse dans la honte et la misère. On disait d’ailleurs que, malgré tout, Grouchegnka sortait d’une famille honorable et d’un milieu ecclésiastique, étant la fille d’un diacre en disponibilité, ou quelque chose d’approchant. En quatre ans, l’orpheline sensible, malheureuse, chétive, était devenue florissante, vermeille, une beauté russe, au caractère énergique, fière, effrontée, habile à manier l’argent, avare et avisée, qui avait su, honnêtement ou non, amasser un certain capital. Une seule chose ne laissait aucun doute, c’est que Grouchegnka était inaccessible et qu’à part le vieillard, son protecteur, personne, durant ces quatre années, n’avait pu se vanter de ses faveurs. Le fait était certain, car bien des soupirants s’étaient présentés, surtout les deux dernières années. Mais toutes les tentatives échouèrent et quelques-uns durent même battre en retraite, couverts de ridicule, grâce à la résistance de cette jeune personne au caractère énergique. On savait encore qu’elle s’occupait d’affaires, surtout depuis un an, et qu’elle y manifestait des capacités remarquables, si bien que beaucoup avaient fini par la traiter de juive. Non qu’elle prêtât à usure ; mais on savait, par exemple, qu’en compagnie de Fiodor Pavlovitch Karamazov elle avait racheté, pendant quelque temps, des billets à vil prix, au dixième de leur valeur, recouvrant ensuite, dans certains cas, la totalité de la créance. Le vieux Samsonov, que ses pieds enflés ne portaient plus depuis un an, veuf qui tyrannisait ses fils majeurs, capitaliste d’une avarice impitoyable, était tombé pourtant sous l’influence de sa protégée, qu’il avait tenue de court au début, à la portion congrue, « à l’huile de chènevis », disaient les railleurs. Mais Grouchegnka avait su s’émanciper, tout en lui inspirant une confiance sans bornes quant à sa fidélité. Ce vieillard, grand homme d’affaires, avait aussi un caractère remarquable : avare et dur comme pierre, bien que Grouchegnka l’eût subjugué au point qu’il ne pouvait se passer d’elle, il ne lui reconnut pas de capital important et, même si elle l’avait menacé de le quitter, il fût demeuré inflexible. En revanche, il lui réserva une certaine somme, et, quand on l’apprit, cela surprit tout le monde. « Tu n’es pas sotte, dit-il en lui assignant huit mille roubles, opère toi-même, mais sache qu’à part ta pension annuelle, comme auparavant, tu ne recevras rien de plus jusqu’à ma mort et que je ne te laisserai rien par testament. » Il tint parole, et ses fils, qu’il avait toujours gardés chez lui comme des domestiques avec leurs femmes et leurs enfants, héritèrent de tout ; Grouchegnka ne fut même pas mentionnée dans le testament. Par ses conseils sur la manière de faire valoir son capital, il l’aida notablement et lui indiqua des « affaires ». Quand Fiodor Pavlovitch Karamazov, entré en relation avec Grouchegnka à propos d’une opération « fortuite », finit par tomber amoureux d’elle jusqu’à en perdre la raison, le vieux Samsonov, qui avait déjà un pied dans la tombe, s’amusa beaucoup. Mais lorsque Dmitri Fiodorovitch se mit sur les rangs, le vieux cessa de rire. « S’il faut choisir entre les deux, lui dit-il une fois sérieusement, prends le père, mais à condition que le vieux coquin t’épouse et te reconnaisse au préalable un certain capital. Ne te lie pas avec le capitaine, tu n’en tirerais aucun profit. » Ainsi parla le vieux libertin, pressentant sa fin prochaine ; il mourut en effet cinq mois plus tard. Soit dit en passant, bien qu’en ville la rivalité absurde et choquante des Karamazov père et fils fût connue de bien des gens, les véritables relations de Grouchegnka avec chacun d’eux demeuraient ignorées de la plupart. Même ses servantes (après le drame dont nous parlerons) témoignèrent en justice qu’Agraféna Alexandrovna recevait Dmitri Fiodorovitch uniquement par crainte, car « il avait menacé de la tuer ». Elle en avait deux, une cuisinière fort âgée, depuis longtemps au service de sa famille, maladive et presque sourde, et sa petite-fille, alerte femme de chambre de vingt ans.

Grouchegnka vivait fort chichement, dans un intérieur des plus modestes, trois pièces meublées en acajou par la propriétaire, dans le style de 1820. À l’arrivée de Rakitine et d’Aliocha, il faisait déjà nuit, mais on n’avait pas encore allumé. La jeune femme était étendue au salon, sur son canapé au dossier d’acajou, recouvert de cuir dur, déjà usé et troué, la tête appuyée sur deux oreillers. Elle reposait sur le dos, immobile, les mains derrière la tête, portant une robe de soie noire, avec une coiffure en dentelle qui lui seyait à merveille ; sur les épaules, un fichu agrafé par une broche en or massif. Elle attendait quelqu’un, inquiète et impatiente, le teint pâle, les lèvres et les yeux brûlants, son petit pied battant la mesure sur le bras du canapé. Au bruit que firent les visiteurs en entrant, elle sauta à terre, criant d’une voix effrayée :

« Qui va là ? »

La femme de chambre s’empressa de rassurer sa maîtresse.

« Ce n’est pas lui, n’ayez crainte. »

« Que peut-elle bien avoir ? » murmura Rakitine en menant par le bras Aliocha au salon.

Grouchegnka restait debout, encore mal remise de sa frayeur. Une grosse mèche de ses cheveux châtains, échappée de sa coiffure, lui tombait sur l’épaule droite, mais elle n’y prit pas garde et ne l’arrangea pas avant d’avoir reconnu ses hôtes.

« Ah ! c’est toi Rakitka ? Tu m’as fait peur ! Avec qui es-tu ? Seigneur, voilà qui tu m’amènes ! s’écria-t-elle en apercevant Aliocha.

— Fais donc donner de la lumière ! dit Rakitine, du ton d’un familier qui a le droit de commander dans la maison.

— Certainement… Fénia[1], apporte-lui une bougie… Tu as trouvé le bon moment pour l’amener ! »

Elle fit un signe de tête à Aliocha et arrangea ses cheveux devant la glace. Elle paraissait mécontente.

« Je tombe mal ? demanda Rakitine, l’air soudain vexé.

— Tu m’as effrayée, Rakitka, voilà tout. »

Grouchegnka se tourna en souriant vers Aliocha.

« N’aie pas peur de moi, mon cher Aliocha, reprit-elle, je suis charmée de ta visite inattendue. Je croyais que c’était Mitia qui voulait entrer de force. Vois-tu, je l’ai trompé tout à l’heure, il m’a juré qu’il me croyait et je lui ai menti. Je lui ai dit que j’allais chez mon vieux Kouzma[2] Kouzmitch faire les comptes toute la soirée. J’y vais, en effet, une fois par semaine. Nous nous enfermons à clef : il pioche ses comptes et j’écris dans les livres, il ne se fie qu’à moi. Comment Fénia vous a-t-elle laissés entrer ? Fénia, cours à la porte cochère, regarde si le capitaine ne rôde pas aux alentours. Il est peut-être caché et nous épie, j’ai une peur affreuse !

— Il n’y a personne, Agraféna Alexandrovna ; j’ai regardé partout, je vais voir à chaque instant par les fentes, j’ai peur moi aussi.

— Les volets sont-ils fermés ? Fénia, baisse les rideaux, autrement il verrait la lumière. Je crains aujourd’hui ton frère Mitia, Aliocha. »

Grouchegnka parlait très haut, l’air inquiet et surexcité.

« Pourquoi cela ? demanda Rakitine ; il ne t’effraie pas d’ordinaire, tu le fais marcher comme tu veux.

— Je te dis que j’attends une nouvelle, de sorte que je n’ai que faire de Mitia, maintenant. Il n’a pas cru que j’allais chez Kouzma Kouzmitch, je le sens. À présent, il doit monter la garde chez Fiodor Pavlovitch, dans le jardin. S’il est embusqué là-bas, il ne viendra pas ici, tant mieux ! J’y suis allée vraiment, chez le vieux. Mitia m’accompagnait ; je lui ai fait promettre de venir me chercher à minuit. Dix minutes après, je suis ressortie et j’ai couru jusqu’ici ; je tremblais qu’il me rencontrât.

— Pourquoi es-tu en toilette ? Tu as un bonnet fort curieux.

— Tu es toi-même fort curieux, Rakitka ! Je te répète que j’attends une nouvelle. Sitôt reçue, je m’envolerai, vous ne me verrez plus. Voilà pourquoi je me suis parée.

— Et où t’envoleras-tu ?

— Si on te le demande, tu diras que tu n’en sais rien.

— Comme elle est gaie !… Je ne t’ai jamais vue ainsi. Elle est attifée comme pour un bal ! s’exclama Rakitine en l’examinant avec surprise.

— Es-tu au courant des bals ?

— Et toi ?

— J’en ai vu un, moi. Il y a trois ans, lorsque Kouzma Kouzmitch a marié son fils ; je regardais de la tribune. Mais pourquoi causerais-je avec toi quand j’ai un prince pour hôte ? Mon cher Aliocha, je n’en crois pas mes yeux ; comment se peut-il que tu sois venu ? À vrai dire, je ne t’attendais pas, je n’ai jamais cru que tu puisses venir. Le moment est mal choisi, pourtant je suis bien contente. Assieds-toi sur le canapé, ici, mon bel astre ! Vraiment, je n’en reviens pas encore… Rakitka, si tu l’avais amené hier ou avant-hier !… Eh bien, je suis contente comme ça. Mieux vaut peut-être que ce soit maintenant, à une telle minute… »

Elle s’assit vivement à côté d’Aliocha et le regarda avec extase. Elle était vraiment contente et ne mentait pas. Ses yeux brillaient, elle souriait, mais avec bonté. Aliocha ne s’attendait pas à lui voir une expression aussi bienveillante… Il s’était fait d’elle une idée terrifiante ; sa sortie perfide contre Catherine Ivanovna l’avait bouleversé l’avant-veille, maintenant il s’étonnait de la voir toute changée. Si accablé qu’il fût par son propre chagrin, il l’examinait malgré lui avec attention. Ses manières s’étaient améliorées ; les intonations doucereuses, la mollesse des mouvements avaient presque disparu, faisant place à de la bonhomie, à des gestes prompts et sincères ; mais elle était surexcitée.

« Seigneur, quelles choses étranges se passent aujourd’ hui, ma parole ! Pourquoi suis-je si heureuse de te voir, Aliocha, je l’ignore.

— Est-ce bien vrai ? dit Rakitine en souriant. Auparavant, tu avais un but en insistant pour que je l’amène.

— Oui, un but qui n’existe plus maintenant, le moment est passé. Et maintenant, je vais vous bien traiter. Je suis devenue meilleure, à présent, Rakitka. Assieds-toi aussi. Mais c’est déjà fait, il ne s’oublie pas. Vois-tu, Aliocha, il est vexé que je ne l’aie pas invité le premier à s’asseoir. Il est susceptible, ce cher ami. Ne te fâche pas, Rakitka, je suis bonne en ce moment. Pourquoi es-tu si triste, Aliocha ? Aurais-tu peur de moi ? »

Grouchegnka sourit malicieusement en le regardant dans les yeux.

« Il a du chagrin. Un refus de grade.

— Quel grade ?

— Son starets sent mauvais.

— Comment cela ? Tu radotes ; encore quelque vilenie, sans doute. Aliocha, laisse-moi m’asseoir sur tes genoux, comme ça. »

Et aussitôt elle s’installa sur ses genoux, telle qu’une chatte caressante, le bras droit tendrement passé autour de son cou.

« Je saurai bien te faire rire, mon gentil dévot ! Vraiment, tu me laisses sur tes genoux, ça ne te fâche pas ? Tu n’as qu’à le dire, je me lève. »

Aliocha se taisait. Il n’osait bouger, ne répondait pas aux paroles entendues, mais il n’éprouvait pas ce que pouvait imaginer Rakitine, qui l’observait d’un air égrillard. Son grand chagrin absorbait les sensations possibles, et s’il avait pu en ce moment s’analyser, il aurait compris qu’il était cuirassé contre les tentations. Néanmoins, malgré l’inconscience de son état et la tristesse qui l’accablait, il s’étonna d’éprouver une sensation étrange : cette femme « terrible » ne lui inspirait plus l’effroi inséparable dans son cœur de l’idée de la femme. Au contraire, installée sur ses genoux et l’enlaçant, elle éveillait en lui un sentiment inattendu, une curiosité candide sans la moindre frayeur. Voilà ce qui le surprenait malgré lui.

« Assez causé pour ne rien dire ! s’écria Rakitine. Fais plutôt servir du champagne, tu sais que j’ai ta parole.

— C’est vrai, Aliocha, je lui ai promis du champagne s’il t’amenait. Fénia, apporte la bouteille que Mitia a laissée, dépêche-toi. Bien que je sois avare, je donnerai une bouteille, pas pour toi, Rakitine, tu n’es qu’un pauvre sire, mais pour lui. Je n’ai pas le cœur à ça ; mais n’importe, je veux boire avec vous.

— Quelle est donc cette « nouvelle » ? peut-on le savoir, est-ce un secret ? insista Rakitine, sans prendre garde en apparence aux brocards qu’on lui lançait.

— Un secret dont tu es au courant, dit Grouchegnka d’un air préoccupé : mon officier arrive.

— Je l’ai entendu dire, mais est-il si proche ?

— Il est maintenant à Mokroïé, d’où il enverra un exprès ; je viens de recevoir une lettre. J’attends.

— Tiens ! Pourquoi à Mokroïé ?

— Ce serait trop long à raconter ; en voilà assez.

— Mais alors, et Mitia, le sait-il ?

— Il n’en sait pas le premier mot. Sinon, il me tuerait. D’ailleurs, je n’ai plus peur de lui, maintenant. Tais-toi, Rakitka, que je n’entende plus parler de lui ; il m’a fait trop de mal. J’aime mieux songer à Aliocha, le regarder… Souris donc, mon chéri, déride-toi tu me feras plaisir… Mais il a souri ! Vois comme il me regarde d’un air caressant. Sais-tu, Aliocha, je croyais que tu m’en voulais à cause de la scène d’hier, chez cette demoiselle. J’ai été rosse… Pourtant, c’était réussi, en bien et en mal, dit Grouchegnka pensivement, avec un sourire mauvais, Mitia m’a dit qu’elle criait : « Il faut la fouetter ! » Je l’ai gravement offensée. Elle m’a attirée, elle a voulu me séduire avec son chocolat… Non, ça s’est bien passé comme ça. » Elle sourit de nouveau. « Seulement, je crains que tu ne sois fâché…

— En vérité, Aliocha, elle te craint, toi, le petit poussin, intervint Rakitine avec une réelle surprise.

— C’est pour toi, Rakitine, qu’il est un petit poussin, car tu n’as pas de conscience. Moi, je l’aime. Le crois-tu, Aliocha, je t’aime de toute mon âme.

— Ah ! l’effrontée ! Elle te fait une déclaration, Aliocha.

— Eh bien quoi, je l’aime.

— Et l’officier ? Et l’heureuse nouvelle de Mokroïé ?

— Ce n’est pas la même chose.

— Voilà la logique des femmes !

— Ne me fâche pas, Rakitine. Je te dis que ce n’est pas la même chose. J’aime Aliocha autrement. À vrai dire, Aliocha, j’ai eu de mauvais desseins à ton égard. Je suis vile, je suis violente ; mais à certains moments je te regardais comme ma conscience. Je me disais : « Comme il doit me mépriser, maintenant ! » J’y pensais avant-hier en me sauvant de chez cette demoiselle. Depuis longtemps je t’ai remarqué, Aliocha ; Mitia le sait, il me comprend. Le croiras-tu, parfois je suis saisie de honte en te regardant. Comment suis-je venue à penser à toi, et depuis quand ? je l’ignore. »

Fénia entra, posa sur la table un plateau avec une bouteille débouchée et trois verres pleins.

« Voilà le champagne ! s’écria Rakitine. Tu es excitée, Agraféna Alexandrovna. Après avoir bu, tu te mettras à danser. Quelle maladresse ! ajouta-t-il : il est déjà versé et tiède, et il n’y a pas de bouchon. »

Il n’en vida pas moins son verre d’un trait et le remplit à nouveau.

« On a rarement l’occasion, déclara-t-il en s’essuyant les lèvres ; allons, Aliocha, prends ton verre, et sois brave. Mais, à quoi boirons-nous ? Prends le tien, Groucha, et buvons aux portes du paradis.

— Qu’entends-tu par là ? »

Elle prit un verre, Aliocha but une gorgée du sien et le reposa.

« Non, j’aime mieux m’abstenir, dit-il avec un doux sourire.

— Ah ! tu te vantais ! cria Rakitine.

— Moi aussi, alors, fit Grouchegnka. Achève la bouteille, Rakitka. Si Aliocha boit, je boirai.

— Voilà les effusions qui commencent ! goguenarda Rakitine. Et elle est assise sur ses genoux ! Lui a du chagrin, j’en conviens, mais toi, qu’as-tu ? Il est en révolte contre son Dieu, il allait manger du saucisson !

— Comment cela ?

— Son starets est mort aujourd’hui, le vieux Zosime, le saint.

— Ah ! il est mort. Je n’en savais rien, dit-elle en se signant. Seigneur, et moi qui suis sur ses genoux ! »

Elle se leva vivement et s’assit sur le canapé. Aliocha la considéra avec surprise et son visage s’éclaira.

« Rakitine, proféra-t-il d’un ton ferme, ne m’irrite pas en disant que je me suis révolté contre mon Dieu. Je n’ai pas d’animosité contre toi ; sois donc meilleur, toi aussi. J’ai fait une perte inestimable, et tu ne peux me juger en ce moment. Regarde-la, elle ; tu as vu sa mansuétude à mon égard ? J’étais venu ici trouver une âme méchante, poussé par mes mauvais sentiments : j’ai rencontré une véritable sœur, une âme aimante, un trésor… Agraféna Alexandrovna, c’est de toi que je parle. Tu as régénéré mon âme. »


Aliocha oppressé se tut, les lèvres tremblantes.

« On dirait qu’elle t’a sauvé ! railla Rakitine. Mais sais-tu qu’elle voulait te manger ?

— Assez, Rakitine ! Taisez-vous tous les deux. Toi, Aliocha, parce que tes paroles me font honte : tu me crois bonne, je suis mauvaise. Toi, Rakitka, parce que tu mens. Je m’étais proposé de le manger, mais c’est du passé, cela. Que je ne t’entende plus parler ainsi, Rakitka ! »

Grouchegnka s’était exprimée avec une vive émotion.

« Ils sont enragés ! murmura Rakitine en les considérant avec surprise, on se croirait dans une maison de santé. Tout à l’heure ils vont pleurer, pour sûr !

— Oui, je pleurerai, oui, je pleurerai ! affirma Grouchegnka ; il m’a appelée sa sœur, je ne l’oublierai jamais ! Si mauvaise que je sois, Rakitka, j’ai pourtant donné un oignon.

— Quel oignon ? Diable, ils sont toqués pour de bon ! »

Leur exaltation étonnait Rakitine, qui aurait dû comprendre que tout concourait à les bouleverser d’une façon exceptionnelle. Mais Rakitine, subtil quand il s’agissait de lui, démêlait mal les sentiments et les sensations de ses proches, autant par égoïsme que par inexpérience juvénile.

« Vois-tu, Aliocha, reprit Grouchegnka avec un rire nerveux, je me suis vantée à Rakitine d’avoir donné un oignon. Je vais t’expliquer la chose en toute humilité. Ce n’est qu’une légende : Matrone, la cuisinière, me la racontait quand j’étais enfant : « Il y avait une mégère qui mourut sans laisser derrière elle une seule vertu. Les diables s’en saisirent et la jetèrent dans le lac de feu. Son ange gardien se creusait la tête pour lui découvrir une vertu et en parler à Dieu. Il se rappela et dit au Seigneur : « Elle a arraché un oignon au potager pour le donner à une mendiante. » Dieu lui répondit : « Prends cet oignon, tends-le à cette femme dans le lac, qu’elle s’y cramponne. Si tu parviens à la retirer, elle ira en paradis : si l’oignon se rompt, elle restera où elle est. » L’ange courut à la femme, lui tendit l’oignon. « Prends, dit-il, tiens bon. » Il se mit à la tirer avec précaution, elle était déjà dehors. Les autres pécheurs, voyant qu’on la retirait du lac, s’agrippèrent à elle, voulant profiter de l’aubaine. Mais la femme, qui était fort méchante, leur donnait des coups de pied : « C’est moi qu’on tire et non pas vous ; c’est mon oignon, non le vôtre. » À ces mots, l’oignon se rompit. La femme retomba dans le lac où elle brûle encore. L’ange partit en pleurant. « Voilà cette légende, Aliocha ; ne me crois pas bonne, c’est tout le contraire ; tes éloges me feraient honte. Je désirais tellement ta venue, que j’ai promis vingt-cinq roubles à Rakitka s’il t’amenait. Un instant. »

Elle alla ouvrir un tiroir, prit son porte-monnaie et en sortit un billet de vingt-cinq roubles.

« C’est absurde ! s’écria Rakitine embarrassé.

— Tiens, Rakitka, je m’acquitte envers toi ; tu ne refuseras pas, tu l’as demandé toi-même. »

Elle lui jeta le billet.

« Comment donc, répliqua-t-il, s’efforçant de cacher sa confusion, c’est tout profit, les sots existent dans l’intérêt des gens d’esprit.

— Et maintenant, tais-toi, Rakitka. Ce que je vais dire ne s’adresse pas à toi. Tu ne nous aimes pas.

— Et pourquoi vous aimerais-je ? » dit-il brutalement.

Il avait compté être payé à l’insu d’Aliocha, dont la présence lui faisait honte et l’irritait. Jusqu’alors, par politique, il avait ménagé Grouchegnka, malgré ses mots piquants, car elle paraissait le dominer. Mais la colère le gagnait. « On aime pour quelque chose. Qu’avez-vous fait pour moi tous les deux ?

— Aime pour rien, comme Aliocha.

— Comment t’aime-t-il et que t’a-t-il témoigné ? En voilà des embarras ! »

Grouchegnka, debout au milieu du salon, parlait avec chaleur, d’une voix exaltée.

« Tais-toi, Rakitka, tu ne comprends rien à nos sentiments. Et cesse de me tutoyer, je te le défends ; d’où te vient cette audace ? Assieds-toi dans un coin et plus un mot !… Maintenant, Aliocha, je vais me confesser à toi seul, pour que tu saches qui je suis. Je voulais te perdre, j’y étais décidée, au point d’acheter Rakitine pour qu’il t’amenât. Et pourquoi cela ? Tu n’en savais rien, tu te détournais de moi, tu passais les yeux baissés. Moi, j’interrogeais les gens sur ton compte. Ta figure me poursuivait. « Il me méprise, pensais-je, et ne veut même pas me regarder. » À la fin, je me demandai avec surprise : « Pourquoi craindre ce gamin ? je le mangerai, ça m’amusera. » J’étais exaspérée. Crois-moi, personne ici n’oserait manquer de respect à Agraféna Alexandrovna ; je n’ai que ce vieillard auquel je me suis vendue, c’est Satan qui nous a unis, mais personne d’autre. J’avais donc décidé que tu serais ma proie, c’était un peu pour moi. Voilà la détestable créature que tu as traitée de sœur. Maintenant mon séducteur est arrivé, j’attends des nouvelles. Sais-tu ce qu’il était pour moi ? Il y a cinq ans, lorsque Kouzma m’amena ici, je me cachais parfois pour n’être ni vue, ni entendue ; comme une sotte, je sanglotais, je ne dormais plus, me disant : « Où est-il, le monstre ? Il doit rire de moi avec une autre. Oh ! comme je me vengerai si jamais je le rencontre ! » Dans l’obscurité, je sanglotais sur mon oreiller, je me torturais le cœur à dessein. « Il me le paiera ! » criais-je. En pensant que j’étais impuissante, que lui se moquait de moi, qu’il m’avait peut-être complètement oubliée, je glissais de mon lit sur le plancher, inondée de larmes, en proie à une crise de nerfs. Tout le monde me devint odieux. Ensuite, j’amassai un capital, je m’endurcis, je pris de l’embonpoint. Tu penses que je suis devenue plus raisonnable ? Pas du tout. Personne ne s’en doute, mais quand vient la nuit, il m’arrive, comme il y a cinq ans, de grincer des dents et de m’écrier en pleurant : « Je me vengerai, je me vengerai ! » Tu m’as suivie ? Alors, que penses-tu de ceci ? Il y a un mois, je reçois une lettre m’annonçant son arrivée. Devenu veuf, il veut me voir. Je suffoquai. Seigneur, il va venir et m’appeler, je ramperai vers lui comme un chien battu, comme une coupable ! Je ne puis y croire moi-même : « Aurai-je ou non la bassesse de courir à lui ? » Et une colère contre moi-même m’a prise, ces dernières semaines, plus violente qu’il y a cinq ans. Tu vois mon exaspération, Aliocha ; je me suis confessée à toi. Mitia n’était qu’une diversion. Tais-toi, Rakitka, ce n’est pas à toi de me juger. Avant votre arrivée, j’attendais, je songeais à mon avenir, et vous ne connaîtrez jamais mon état d’âme. Aliocha, dis à cette demoiselle de ne pas m’en vouloir pour la scène d’avant-hier !… Personne au monde ne peut comprendre ce que j’éprouve maintenant… Peut-être emporterai-je un couteau, je ne suis pas encore fixée. »

Incapable de se contenir, Grouchegnka s’interrompit, se couvrit le visage de ses mains, s’abattit sur le canapé, sanglota comme une enfant. Aliocha se leva et s’approcha de Rakitine.

« Micha, dit-il, elle t’a offensé, mais ne sois pas fâché. Tu l’as entendue ? On ne peut pas trop demander à une âme, il faut être miséricordieux. »

Aliocha prononça ces paroles dans un élan irrésistible. Il avait besoin de s’épancher et les aurait dites même seul. Mais Rakitine le regarda ironiquement et Aliocha s’arrêta.

« Tu as la tête pleine de ton starets et tu me bombardes à sa manière, Alexéi, homme de Dieu, dit-il avec un sourire haineux.

— Ne te moque pas, Rakitine, ne parle pas du mort, il était supérieur à tous sur la terre, s’écria Aliocha avec des larmes dans la voix. Ce n’est pas en juge que je te parle, mais comme le dernier des accusés. Que suis-je devant elle ? J’étais venu ici pour me perdre, par lâcheté. Mais elle, après cinq ans de souffrances, pour une parole sincère qu’elle entend, pardonne, oublie tout et pleure ! Son séducteur est revenu, il l’appelle, elle lui pardonne et court joyeusement à lui. Car elle ne prendra pas de couteau, non. Je ne suis pas comme ça, Micha ; j’ignore si tu l’es, toi. C’est une leçon pour moi… Elle nous est supérieure… Avais-tu entendu auparavant ce qu’elle vient de raconter ? Non, sans doute, car tu aurais tout compris depuis longtemps… Elle pardonnera aussi, celle qui a été offensée avant-hier, quand elle saura tout… Cette âme n’est pas encore réconciliée ; il faut la ménager… elle recèle peut-être un trésor… »

Aliocha se tut, car la respiration lui manquait. Malgré son irritation, Rakitine le regardait, avec surprise. Il ne s’attendait pas à une pareille tirade du paisible Aliocha.

« Quel avocat ! Serais-tu amoureux d’elle ? Agraféna Alexandrovna, tu as tourné la tête à notre ascète ! » s’écria-t-il dans un rire impudent.

Grouchegnka releva la tête, sourit doucement à Aliocha, le visage encore gonflé des larmes qu’elle venait de répandre.

« Laisse-le, Aliocha, mon chérubin, tu vois comme il est, à quoi bon lui parler. Mikhaïl Ossipovitch, je voulais te demander pardon, maintenant j’y renonce. Aliocha, viens t’asseoir ici (elle lui prit la main et le regardait, radieuse), dis-moi, est-ce que je l’aime, oui ou non, mon séducteur ? Je me le demandais, ici, dans l’obscurité. Éclaire-moi, l’heure est venue, je ferai ce que tu diras. Faut-il pardonner ?

— Mais tu as déjà pardonné.

— C’est vrai, dit Grouchegnka, songeuse. Oh ! le lâche cœur ! Je vais boire à ma lâcheté. »

Elle prit un verre qu’elle vida d’un trait, puis le lança à terre. Il y avait de la cruauté dans son sourire.

« Peut-être n’ai-je pas encore pardonné, dit-elle d’un air menaçant, les yeux baissés, comme se parlant à elle-même. Peut-être que mon cœur pense seulement à pardonner. Vois-tu, Aliocha, ce sont mes cinq années de larmes que je chérissais ; c’est mon offense, et non pas lui.

— Eh bien, je ne voudrais pas être dans sa peau ! dit Rakitine.

— Mais tu n’y seras jamais, Rakitka. Tu décrotteras mes souliers, voilà à quoi je t’emploierai. Une femme comme moi n’est pas faite pour toi… Et peut-être pas pour lui…

— Alors, pourquoi cette toilette ?

— Ne me reproche pas cette toilette, Rakitka, tu ne connais pas mon cœur ! Il ne tient qu’à moi de l’arracher à l’instant. Tu ne sais pas pourquoi je l’ai mise. Peut-être irai-je lui dire : « M’as tu jamais vue si belle ? » Quand il m’a quittée, j’étais une gamine de dix-sept ans, malingre et pleureuse. Je le cajolerai, je l’allumerai : « Tu vois ce que je suis devenue ; eh bien, mon cher, assez causé, ça te met l’eau à la bouche, va boire ailleurs ! » Voilà peut-être, Rakitka, à quoi servira cette toilette. Je suis emportée, Aliocha. Je puis déchirer cette toilette, me défigurer, aller mendier. Je suis capable de rester chez moi maintenant, de rendre demain à Kouzma son argent, ses cadeaux, et d’aller travailler à la journée. Tu penses que le courage me manquerait, Rakitka ? Il suffit qu’on me pousse à bout… Quant à l’autre, je le chasserai, je lui ferai la nique… »

Ces dernières paroles proférées comme dans une crise, elle couvrit son visage de ses mains, et se jeta sur les coussins en sanglotant de nouveau. Rakitine se leva.

« Il se fait tard, dit-il ; on ne nous laissera pas entrer au monastère. »

Grouchegnka sursauta.

« Comment, Aliocha, tu veux me quitter ? s’écria-t-elle avec une douloureuse surprise. Y penses-tu ? Tu m’as bouleversée, et maintenant voici de nouveau la nuit, la solitude.

— Il ne peut cependant pas passer la nuit chez toi. Mais s’il veut, soit, je m’en irai seul ! dit malignement Rakitine.

— Tais-toi, méchant, cria Grouchegnka courroucée ; tu ne m’as jamais parlé comme il vient de le faire.

— Que t’a-t-il dit de si extraordinaire ?

— Je ne sais pas, mais il m’a retourné le cœur… Il a été le premier, le seul à avoir pitié de moi. Que n’es-tu venu plus tôt, mon chérubin ! » Elle tomba à genoux devant Aliocha, comme en extase. « Toute ma vie, j’ai attendu quelqu’un comme toi, qui m’apporterait le pardon. J’ai cru qu’on m’aimerait pour autre chose que ma honte !

— Qu’ai-je fait pour toi ? répondit Aliocha avec un tendre sourire, en se penchant sur elle et en lui prenant les mains ; j’ai donné un oignon, le plus petit, voilà tout !… »


Les larmes le gagnèrent. À ce moment, on entendit du bruit ; quelqu’un entrait dans le vestibule ; Grouchegnka se leva effrayée ; Fénia fit une bruyante irruption dans la chambre.

« Madame, ma bonne chère madame, le courrier est arrivé, s’écria-t-elle gaiement, tout essoufflée. Le tarantass vient de Mokroïé, avec le postillon Timothée, on va changer les chevaux… Une lettre, madame, voici une lettre ! »

Elle brandissait la lettre en criant. Grouchegnka s’en saisit, l’approcha de la bougie. C’était un billet de quelques lignes ; elle les lut en un instant.

« Il m’appelle ! » Elle était pâle, la figure contractée par un sourire maladif. « Il me siffle : rampe, petit chien ! »

Mais elle ne resta qu’un moment indécise ; le sang lui monta soudain au visage.

« Je pars ! Adieu, mes cinq années ! Adieu, Aliocha, le sort en est jeté… Écartez-vous tous, allez-vous-en, que je ne vous voie plus ! Grouchegnka vole vers une vie nouvelle… Ne me garde pas rancune, Rakitka. C’est peut-être à la mort que je vais ! Oh ! je suis comme ivre ! »

Elle se précipita dans la chambre à coucher.

« Maintenant elle n’a que faire de nous, grommela Rakitine. Allons-nous-en, cette musique pourrait bien recommencer ; j’en ai les oreilles rebattues… »

Aliocha se laissa emmener machinalement.

Dans la cour, c’étaient des allées et venues à la lueur d’une lanterne ; on changeait l’attelage de trois chevaux. À peine les jeunes gens avaient-ils quitté le perron que la fenêtre de la chambre à coucher s’ouvrit ; la voix de Grouchegnka s’éleva, sonore.

« Aliocha, salue ton frère Mitia, dis-lui qu’il ne garde pas un mauvais souvenir de moi. Répète-lui mes paroles : « C’est à un misérable que s’est donnée Grouchegnka, et non à toi, qui es noble ! » Ajoute que Grouchegnka l’a aimé pendant une heure, rien qu’une heure ; qu’il se souvienne toujours de cette heure ; désormais, c’est Grouchegnka qui le lui ordonne… toute sa vie… »

Elle acheva avec des sanglots dans la voix. La fenêtre se referma.

« Hum ! murmura Rakitine en riant ; elle égorge Mitia, et veut qu’il s’en souvienne toute sa vie. Quelle férocité ! »

Aliocha ne parut pas avoir entendu. Il marchait rapidement à côté de son compagnon ; il avait l’air hébété. Rakitine eut soudain la sensation qu’on lui mettait un doigt sur une plaie vive : en emmenant Aliocha chez Grouchegnka, il s’était attendu à tout autre chose, et sa déception était grande.

« C’est un Polonais, son officier, reprit-il en se contenant ; d’ailleurs, il n’est plus officier, maintenant ; il a été au service de la douane en Sibérie, à la frontière chinoise ; ce doit être un pauvre diable, on dit qu’il a perdu sa place. Il a sans doute eu vent que Grouchegnka a le magot et le voilà qui rapplique ; cela explique tout. »

De nouveau Aliocha ne parut pas avoir entendu. Rakitine n’y tint plus.

« Alors, tu as converti une pécheresse ? Tu as mis une femme de mauvaise vie dans la bonne voie ? Tu as chassé les démons, hein ! Les voilà, les miracles que nous attendions ; ils se sont réalisés ?

— Cesse donc, Rakitine ! dit Aliocha, l’âme douloureuse.

— Tu me « méprises » à présent à cause des vingt-cinq roubles que j’ai reçus ? J’ai vendu un véritable ami. Mais tu n’es pas le Christ, et je ne suis pas Judas.

— Rakitine, je t’assure que je n’y pensais plus ; c’est toi qui me le rappelles. »

Mais Rakitine était exaspéré.

« Que le diable vous emporte tous ! s’écria-t-il soudain. Pourquoi, diable, me suis-je lié avec toi ? Dorénavant, je ne veux plus te connaître. Va-t’en seul, voilà ton chemin. »

Il tourna dans une ruelle, abandonnant Aliocha dans les ténèbres. Aliocha sortit de la ville et regagna le monastère par les champs.

  1. Diminutif de Fédossia (Théodosie).
  2. Côme.