Les Gaietés/Le Provincial à Paris

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Les GaietésAux dépens de la Compagnie (p. 154-156).


LE PROVINCIAL À PARIS.


Pour instruire son jeune fils,
Un père quittait la province ; (bis.)
Il le conduisait à Paris
Pour y voir la cour et le prince. (bis.)
Mon fils, lui disait-il souvent,
Ayez toujours cette prudence,
À tout propos, à tout venant,
Mon fils, faites la révérence, (bis.)

Ils découvraient ce mont fameux
Où vint expirer notre gloire.
Là, jadis, de tout jeunes preux
Avaient compté sur la victoire.
Leur sang coula, c’était pour nous,
Et s’ils n’ont pu sauver la France,
De leur défaite ils sont absous :
Mon fils, faites la révérence.

Vous admirez ce monument :
Les arts en ont taillé la pierre
Pour immortaliser l’amant
Des Maintenon, des La Vallière ;
De souvenirs c’est un dépôt
Dont sourit et gémit la France.

Pourquoi Louis fut-il dévot ?…
Mon fils, faites la révérence.

Saluez, saluez encor
Ce bronze que l’Europe envie,
Qui jusqu’aux cieux prend son essor,
Chargé des lauriers du génie.
Pour soulager son chapiteau
Du fardeau d’une gloire immense,
On y planta le blanc drapeau…
Mon fils, faites la révérence.

Mais courons au palais des rois…
Le tambour bat, le clairon sonne ;
Vous y verrez, tout à la fois,
Fils de Thémis, fils de Bellone.
Ne cherchez pas si les talents
Y brillent plus que la naissance…
À nosseigneurs les courtisans,
Mon fils, faites la révérence.

Saluez donc ce maréchal,
Saluez donc cette marquise,
Et puis encor ce général,
Et puis encor ces gens d’Église ;
Jusqu’aux valets de ce séjour,
Montrez beaucoup de déférence…
Enfin, vous êtes à la cour,
Mon fils, faites la révérence.

Docile aux leçons du papa,
Le jouvenceau se mit en nage ;
Nul de ces messieurs n’échappa
Aux très-humbles saluts d’usage.
Il fit un terrible chemin…
Frotté d’altesse et d’excellence,
C’était à lui, le lendemain,
Que l’on faisait la révérence.