Les Gens de bureau/VII

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Dentu (p. 29-31).
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VII


— Monsieur Romain Caldas, fit M. Mareschal en se levant, vous nous étiez annoncé, Monsieur, et vous êtes le bienvenu.

Charmé de cette façon ouverte et cordiale d’accueillir son monde, Romain se sentit tout de suite pris d’une grande sympathie pour son chef de division.

Et vraiment M. Mareschal est l’homme le plus aimable du ministère ; il a le don si rare de parler aux petits sans les écraser.

C’est le vrai signe de la force.

— Romain Caldas ! continua M. Mareschal après avoir fait asseoir son subordonné, eh mais ! j’ai vu ce nom-là quelque part. Vous écrivez dans les journaux ?

Non bis in idem, pensa le nouveau qui lisait quelquefois les feuilletons de Janin ; et il répondit avec une impudence qui promettait :

— Je n’ai jamais fait imprimer une ligne, Monsieur.

— Ah ! tant pis, dit le chef de division, nous avons ici quelques gens de lettres, ce sont d’excellents garçons, je les aime beaucoup.

— Encore une école, se dit Romain ; drôle de boutique, on ne sait sur quel pied danser. Et comme il avait soif de faire son chemin, il se promit d’avoir toujours quelques cocardes de rechange dans sa poche. Il reprit tout haut :

— Me voici maintenant, Monsieur, tout à votre disposition, et je puis aujourd’hui même, si vous voulez m’indiquer ma besogne…

— Oh ! oh ! fit M. Mareschal en riant avec bonhomie, le feu sacré du premier jour, je connais ça ; il se refroidira.

Caldas mit la main sur son cœur, comme pour prendre le ciel à témoin de la sincérité de son intention.

Le chef de division continua :

— Écoutez, mon cher monsieur, on ne quitte pas ainsi ses occupations (car je ne vous fais pas l’injure de supposer que vous n’en eussiez pas), sans avoir quelques dispositions à prendre, quelques transitions à ménager ; je vous accorde huit jours de répit. Le service n’en souffrira pas. Rien ne presse en ce moment, et d’ici là, je trouverai quelque occupation intelligente à la mesure de vos capacités.

— C’est à vous que j’aurai l’honneur de me représenter ? demanda Romain.

— Inutile, répondit M. Mareschal, vous irez droit au bureau du Sommier. J’aviserai de votre arrivée votre futur chef, M. Ganivet, un homme charmant, avec qui vous n’aurez que des rapports agréables. Sans adieu, Monsieur, et à huitaine.

Romain sortit en se confondant en remercîments, convaincu qu’entre son chef de division et lui, c’en était désormais à la vie, à la mort.