Les Guérêts en fleurs/25

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Éditions Édouard Garand (p. 109-111).

TRISTESSE D’AUTOMNE


Parmi les sarments bruns des lointaines pinières,
Le village, au vallon, estompe son décor.
Sur le miroir des eaux comme au fond des ornières
Le vent souffle du Sud avec un mol essor.

L’oiseau, lugubrement, dit au bord de l’ormière,
De son plaintif adieu la douleur, en passant.
L’azur calme se voile, et soudain la lumière
Laque de chauds rayons le ruisseau frémissant.

Les saules effeuillés hérissent leurs squelettes
Où, parfois, des nids morts en l’angoisse des soirs
Évoquent le départ attristant des fauvettes
Vers un lieu plus propice à leurs joyeux espoirs.

L’écho ne redit plus sur la proche colline,
Au bétail attardé, l’appel du laboureur
Qui, revenant des champs dans le soir qui s’incline,
Rentre las, mais le cœur content de son labeur.


Les feuilles, sur le sol, en rondes enfantines,
Tourbillonnent dans l’air, s’accrochent aux buissons,
Cependant que leur voix, en notes argentines
Sanglote éperdument en proie à des frissons.

Vers l’immense inconnu plein d’illusions vaines,
Les feuilles, fol essaim, vont, ainsi que nos jours
Décroissent lentement par le sang de nos veines,
Sous le destin de Dieu, s’engloutir pour toujours.

D’autres, que le passant, dans sa marche lassée
Foule d’un pied brutal, écrase du talon,
Dans le vieux cimetière où roule ma pensée,
Se déchirent aux croix, se perdent au sillon.

Fleurez, arbres déserts… ! Et vous feuilles jaunies,
Humble et douce parure éphémère des bois,
Petites ailes d’or, frêles choses ternies,
Allez chanter aux cieux votre plainte aux abois.


Les bosquets mordorés ont des tons vénérables ;
Le sol pressent l’hiver et la neige venir.
Les grands troupeaux meuglants regagnent les étables.
Combien triste est l’automne et sombre l’avenir !

Les toits sont parsemés de givre dès l’aurore.
La source coule à peine et bientôt va tarir.
La campagne est en deuil et la nue incolore ;
Il semble que les bois pour toujours vont mourir !

Les logis clos devant l’âpre brise automnale,
Les esquifs renversés sur l’onde aux flots mouvants.
Tout présage à chacun la visite fatale,
Et longue et rude et morne à cette heure, des vents.

Et la grande nourrice amoureuse, la Terre,
Ne pouvant davantage à tous les siens offrir,
S’abandonne à la mort, telle une bonne mère
N’ayant plus dans son sein de lait pour les nourrir !