Les Hirondelles (Esquiros)/À une jeune Actrice.

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Eugène Renduel (p. 219-222).


À UNE JEUNE ACTRICE.




Oleum effusum nomen tuum.



à une jeune actrice


 Quand, métamorphosée en un enfant lutin,
 Vous changez à plaisir votre sexe incertain ;
Quand, laissant voltiger vos tresses vagabondes,
Vous semblez un zéphyr qui glisse sur les ondes,
Un papillon qui vole en un beau ciel d’azur,
Ou le cygne qui fend les vagues d’un lac pur ;
Quand sous vos jolis traits votre ame transparente
Laisse lire en vos yeux une pensée errante,


Quand il semble qu’oiseau, mais plus légère encor,
Vous allez vers le ciel étendre une aile d’or ;
Quand vos lèvres de rose où se pose un sourire
S’ouvrent comme une fleur au doux vent qui soupire ;
Quand vous brillez, le soir, comme un rayon du jour
Nos classiques émus disent : Voici l’Amour !

Mais lorsque tu pâlis sous une gaze blanche,
Quand, colombe du ciel, suspendue à la branche,
Le front demi penché, le sein gonflé de pleurs,
Tu laisses effeuiller ta couronne de fleurs ;
Quand l’amour étincelle en ta prunelle humide,
Notre jeune public dit : C’est une sylphide !

Mais quand vous descendez de votre Olympe en feu,
C’est plus qu’une sylphide, une colombe, un dieu,
Quand votre blanche main a touché notre main,
Quand votre pied léger nous trace le chemin,
Quand vos yeux sur nos yeux ont égaré leur flamme,
Le cœur tremble d’amour et dit : C’est une femme !