Les Historiettes/Tome 1/65

La bibliothèque libre.
Texte établi par Monmerqué, de Chateaugiron, Taschereau, 
A. Levavasseur
(Tome 1p. 342-343).


NAINS, NAINES.


L’infante Claire-Eugénie envoya une naine à la Reine dans une cage. Le gentilhomme qui la lui présenta dit que c’étoit un perroquet, et offrit à la Reine, pourvu qu’on n’ôtât point la couverture, de peur de l’effaroucher, de lui faire faire par ce perroquet un compliment en cinq ou six langues différentes. En effet, elle en fit un en espagnol, en italien, en françois, en anglois et en hollandois. On dit aussitôt : « Ça ne sauroit être un perroquet. » Il ôta la couverture et on trouva la naine. Elle crut assez pour être une fort petite femme, et on la maria à un assez grand homme, nommé Lavau, Irlandois, qui étoit à la Reine. Elle fut femme-de-chambre et mourut au bout de quelques années en mal d’enfant.

Mademoiselle a eu une naine qui étoit la plus petite qu’on eût jamais vue. Elle n’avoit pas deux pieds de haut, bien proportionnée, hors qu’elle avoit le nez trop grand. Elle faisoit peur. Les médiocres poupées étoient aussi grandes. Je crois qu’elle est morte.

Le feu Roi[1] avoit un fort petit nain[2], nommé Geoffroy, mais fort bien proportionné. Il avoit un portier qui avoit huit pieds de haut, et on trouva en ce temps-là un paysan qui avoit cent trente-sept ans, de sorte que ce prince se vantoit d’avoir parmi ses sujets, le plus grand, le plus petit et le plus vieil homme de l’Europe.

  1. Louis XIII.
  2. La charge et le titre de Nain du Roi ne furent supprimés qu’en 1662, par Louis XIV. Le 28 août 1660, un musicien nommé Pierre Pièche reçut du Roi le brevet d’intendant des instruments musicaux servant au divertissement du Roi. Deux ans après, le 3 mars 1662, le même Pierre Pièche fut nommé musicien et garde des instruments de la musique de la chambre du Roi : « Et, » dit son brevet pour cette nouvelle charge, lequel se trouve aux archives générales du royaume, « affin de n’estre point obligé d’ordonner un nouveau fonds pour l’appoinctement que Sa Majesté desire estre affecté à ladicte charge, elle entend que les gages qu’a ledict Pièche par la mort de Baltazard Pinson, nain, ne soient plus receus soubs le tiltre de nain, mais qu’ils luy soient dellivrez soubs le tiltre de musicien et garde des instruments de la musique de sa chambre, qui, pour cet effect, sera désormais employé dans les estats de sa maison au lieu dudict tiltre de nain. »