Les Historiettes/Tome 2/3
LE MARÉCHAL D’EFFIAT[1].
Voici un maréchal de France dubiæ nobilitatis[2] : il s’appeloit Coiffier en son nom. On a dit, pour le déprimer encore davantage, que la Coiffier, traiteuse, étoit sa parente. C’étoit un fort bel homme et fort adroit. Quand le duc de Savoie, le bossu, vint à Paris, Henri IV fit faire une grande course de bague. Il garda d’Effiat pour la fin : il mit dix dedans tout de suite. Il ne donna qu’une atteinte à la onzième ; mais pour réparer cela, il jeta sa lance en avant, la reprit, et finit en mettant dedans. Tout le monde l’admira.
Beaulieu-Ruzé[3], un secrétaire d’État, qui portoit l’épée, le fit son héritier, à condition qu’il prendroit son nom et ses armes. D’Effiat étoit adroit courtisan ; il plut au cardinal de Richelieu. Il fut envoyé pour le mariage de la reine d’Angleterre[4]. On le blâma d’avoir mis pavillon bas, sur le commandement que lui en firent des vaisseaux anglais. Cela n’empêcha pas qu’il ne parvînt à être grand-maître de l’artillerie et surintendant des finances[5], où il apprit à voler à ceux qui l’ont suivi. Ce n’étoit pas un sot ; mais il avoit été si mal élevé, qu’il écrivoit ainsi octobre, auquetaubraj. Il eut l’ambition, quoiqu’il ne sût nullement la guerre, de vouloir commander une armée en Allemagne. Il y mourut. On disoit qu’il prétendoit être connétable. Le cardinal l’eût perdu.
- ↑ Antoine Coiffier, marquis d’Effiat, né en 1581, mort le 27 juillet 1632.
- ↑ Il étoit pourtant gentilhomme. Son aïeul (*) ou son bisaïeul, général des finances, fut fait noble pour avoir demandé une pique à la bataille de Cérisolles, et y avoir bien fait. J’ai trouvé dans l’Histoire de Mézeray, ces mots, parlant de Gilbert Coiffier d’Effiat, à cause de la faveur de Henri III qui lui avoit donné charge d’agir en Auvergne : « Il avoit pris rang parmi les gentilshommes, quoiqu’il ne fût pas de race noble. » (T.)
(*) C’est son aïeul, Gilbert II.
- ↑ Son grand-oncle maternel.
- ↑ Henriette de France, fille d’Henri IV, avec Charles Ier en 1624.
- ↑ En 1626.