Les Historiettes/Tome 2/30

La bibliothèque libre.
Texte établi par Monmerqué, de Chateaugiron, Taschereau, 
A. Levavasseur
(Tome 2p. 234-256).


MADAME DE MONTAUSIER[1].


Madame de Montausier s’appelle Julie-Lucine d’Angennes. Lucine est le nom d’une sainte de la maison des Savelles. Sa mère et sa grand’mère l’ont porté toutes deux ; et, pour l’ordinaire, dans cette maison, on ajoutoit toujours ce nom à celui qu’on donnoit aux filles en les baptisant.

Après Hélène, il n’y a guère eu de personnes dont la beauté ait été plus généralement chantée. Cependant ce n’a jamais été une beauté. À la vérité, elle a toujours la taille fort avantageuse. On dit qu’en sa jeunesse elle n’étoit point trop maigre, et qu’elle avoit le teint beau. Je veux croire, cela étant ainsi, que dansant admirablement, comme elle faisoit, qu’avec l’esprit et la grâce qu’elle a toujours eus, c’étoit une fort aimable personne. Ses portraits feront foi de ce que je viens de dire[2].

Elle a eu des amans de plusieurs sortes. Les principaux sont Voiture et M. de Montausier d’aujourd’hui ; mais Voiture étoit plutôt un amant de galanterie, et pour badiner, qu’autrement ; aussi le faisoit-elle bien soutenir[3] ; mais, pour M. de Montausier, c’étoit un mourant d’une constance qui a duré plus de treize ans. Les lettres de Voiture, ses vers, ceux de M. Arnauld, parlent sans cesse de l’esprit merveilleux de mademoiselle de Rambouillet. Mademoiselle de Bourbon[4], qui étoit de beaucoup plus jeune, et qui étoit encore enfant, la tourmentoit tous les jours pour lui faire des contes. Mademoiselle de Rambouillet, ayant épuisé toutes les nouvelles qu’elle avoit pu trouver, s’avisa d’en composer une. Elle fit cette petite histoire de Zélide et Alcidalis dont il est fait mention plus d’une fois dans les lettres de Voiture. On dit qu’une nuit qu’elle ne pouvoit dormir, elle l’inventa, et que Voiture se chargea de la mettre par écrit. Il en a fait la plus grande partie ; je n’ai pu encore la voir, parce qu’on l’a portée par mégarde à Angoulême. Cela ne sauroit être bien écrit, car Voiture n’étoit pas capable d’un autre style que du style de badinerie ou de galanterie badine. On m’a assuré qu’il n’y a rien de mieux inventé : si cela est, et que cette histoire me tombe entre les mains, je tâcherai de la réformer ou de la refaire tout de nouveau[5].

Vous trouvez à tout bout de champ dans Voiture des exclamations sur les lettres qu’il reçoit de mademoiselle de Rambouillet, et que même elle écrivoit fort bien en vieux style. On a perdu tout cela, et je n’ai rien pu recouvrer que quelques lettres d’elle à madame la Princesse, écrites avant le siége de La Rochelle, qui est un temps où l’on ne s’étoit pas encore autrement avisé de bien écrire. Il y a pourtant des choses dites avec beaucoup de délicatesse. Ces lettres (ce qui est notable) furent trouvées chez M. le cardinal de La Valette, après sa mort[6].

J’ai déjà dit l’amitié qui étoit entre madame d’Aiguillon et elle ; or, quand madame d’Aiguillon eut le don des coches, elle lui en donna pour cinq ou six mille livres de rente ; l’autre ne les vouloit point prendre. « Je n’ai besoin de rien, disoit-elle ; si j’étois en nécessité, cela seroit bon. » Madame d’Aiguillon répondoit : « Ce n’est point un don que je vous fais ; c’est simplement vous faire part d’une gratification du Roi. » Enfin mademoiselle de Rambouillet fut condamnée. Depuis, il y a eu quasi une pareille dispute entre madame de Rambouillet et M. de Montausier. Il avoit fait je ne sais quelle affaire avec le Roi sur les deniers de son gouvernement ; car tous gouverneurs, mais lui moins que les autres, sont tous partisans. Il vouloit que madame de Rambouillet en eût le bénéfice pour se rembourser des rentes sur les aides de Xaintes dont elle n’est point payée. Elle ne le voulut pas, et la petite de Montausier lui disoit : « Ma grand’maman, vous dites que mon papa est opiniâtre, mais je trouve que vous l’êtes bien plus que lui. » Montausier et sa femme en usent fort bien avec la marquise et avec leur sœur mademoiselle de Rambouillet.

On avoit parlé autrefois de marier[7] madame de Montausier à feu M. de Montausier, aîné de celui-ci. Ce fut madame Aubry qui en parla, mais après elle s’avisa de le garder pour elle. En arrivant à la cour, la première connoissance qu’il fit fut celle de cette dame. Un jour qu’elle lui parloit de madame et de mademoiselle de Rambouillet : « Hé, madame, lui dit-il, menez-m’y ! — Menez-m’y ! répondit-elle, allez, Xaintongeois, apprenez à parler, et puis je vous y mènerai. » En effet, elle ne l’y voulut mener de trois mois. La guerre appela bientôt après le marquis en Italie. Il se jeta dans Casal, et eut bonne part aux exploits qui s’y firent. Il arrêta toute l’armée du duc de Savoie devant Ponsdès, terre qui n’étoit point en état d’être défendue. Étant amoureux d’une dame en Piémont, et la ville où elle étoit ayant été assiégée, il se déguisa en capucin pour y entrer, y entra, et la défendit. Un jour en contant cela à sa mère, et comme cette femme l’avoit reçu, il s’emporta tellement que, sans songer à qui il parloit, il lui dit : « Je la trouvai seule un jour, et je la...... » Il trancha le mot ; mais revenant à soi et voyant qu’il parloit à sa mère, il se lève, fuit, tire la porte et s’en va du logis. Sa mère l’aimoit passionnément.

M. de Rohan parle de lui comme d’un homme qui avoit beaucoup de génie pour la guerre. Son frère est un homme à se jeter dans un feu, mais il n’a point de génie pour la guerre.

Au retour, madame Aubry, pour avoir un prétexte, fit courir le bruit qu’elle le vouloit marier avec sa fille, aujourd’hui madame de Nermoutier[8], qui, étant encore trop jeune, leur servit de couverture près de quatre ans. Or, cette madame Aubry étoit fort agréable, avoit le teint beau, la taille jolie, et étoit fort propre, mais elle ne pouvoit pas passer pour belle ; en récompense elle ne manquoit point d’esprit et chantoit si bien, qu’elle ne cédoit qu’à mademoiselle Paulet. Au reste, inquiète, soupçonneuse et toute propre à faire enrager un galant comme le marquis, qui étoit naturellement coquet[9], elle lui donnoit tant de peine que c’est sur cela que madame de Rambouillet, comme on voit dans les lettres de Voiture, nomme son tourment l’enfer d’Anastarax, car elle eut une bizarrerie qui pensa faire perdre patience à son pauvre galant. Un jour qu’elle n’étoit pas comme les autres à l’hôtel de Rambouillet, on fit en badinant certains vers qu’on lui envoya[10], où il y avoit en un endroit :

Chacun n’a pas le nez si beau,
Voyez celui de Bineau[11].


Elle alla prendre cela de travers, dit que tout le monde ne pouvoit pas être beau, et défendit au marquis, sur peine de la vie, de mettre le pied à l’hôtel de Rambouillet. Il n’y alloit effectivement qu’en cachette. Ce fut durant cette querelle que le nain de Julie (on appeloit alors ainsi M. Godeau) lui ôta son épée, comme il n’y songeoit pas, et, la lui portant à la gorge, lui cria qu’il falloit abandonner le parti de madame Aubry. Enfin elle en fit tant, que le cavalier la planta là. Le déplaisir qu’elle en eut fut si grand, qu’après avoir fait une confession générale, elle se mit au lit et mourut.

Par hasard madame de Rambouillet regardant un jour dans la main du marquis, dit : « Mon Dieu, je ne sais d’où cela me vient, mais le cœur me dit que vous tuerez une femme. » Le marquis fit bien un plus étrange pronostic en s’en allant à la Valteline ; car il dit à mademoiselle de Rambouillet qu’il seroit tué cette campagne-là, et que son frère, plus heureux que lui, l’épouseroit. En effet, il reçut un coup de pierre à la tête dont il mourut. On le vouloit trépaner : « Je ne le souffrirai pas, dit-il, il y a assez de fous au monde sans moi. » Ce cavalier étoit né pour la cour ; il étoit bien fait et avoit l’esprit accort. Il a été, dit-on, le premier qui ait pris la perruque. Il n’avoit pas assez de cheveux ; il se les fit couper, et prit pour valet-de-chambre un perruquier. Il étoit si ambitieux, qu’il avouoit en riant qu’il n’y avoit personne au monde qu’il ne laissât pendre volontiers, s’il ne tenoit qu’à cela qu’il eût un royaume[12]. À cause de cette ambition, madame de Rambouillet l’appela el Rey de Georgia, sur la nouvelle qui vint qu’un particulier s’étoit fait roi de ce pays-là.

J’ai appris que, comme ami intime du cardinal de La Valette, il s’étoit rendu fort familier à l’hôtel de Condé, et que mademoiselle de La Coste lui avoit fort servi à se mettre bien dans l’esprit de mademoiselle de Bourbon. Il fut sa première inclination. M. le comte (de Soissons), qui la vouloit épouser en ce temps-là, en eut de la jalousie. On éloigna La Coste, qui devenoit trop confidente de Mademoiselle ; on ne voulut plus qu’elle allât si souvent à l’hôtel de Condé.

M. de Salles, son cadet, devenu l’aîné, quoiqu’il y eût quatre ans qu’il aimoit mademoiselle de Rambouillet, dont il étoit devenu amoureux dès qu’il la vit, ne se déclara pourtant point qu’il ne fût maréchal-de-camp et gouverneur d’Alsace. Il y a apparence que son aîné n’ignoroit pas sa passion, et que c’est ce qui lui fit dire que ce frère plus heureux que lui épouseroit un jour mademoiselle de Rambouillet. Je ne doute point que celle-ci même ne s’en aperçût, car dès le temps du roi de Suède, il avoit commencé à travailler à la Guirlande de Julie, dont nous parlerons ensuite. M. de Montausier porta sa passion partout avec lui. Il faisoit des vers, il en parloit, tout cela ne servoit de rien. Mademoiselle de Rambouillet disoit qu’elle ne vouloit point se marier. Lui, plus épris, ou plus opiniâtre que jamais, persévéra toujours.

Trois ou quatre ans avant que de l’épouser, il lui envoya la Guirlande de Julie. C’est une des plus illustres galanteries qui aient jamais été faites. Toutes les fleurs en étoient enluminées sur du vélin, et les vers écrits aussi sur du vélin, ensuite de chaque fleur, et le tout de cette belle écriture de Jarry dont j’ai parlé[13]. Le frontispice du livre est une guirlande au milieu de laquelle est le titre :

La Guirlande de Julie, pour mademoiselle de Rambouillet, Julie-Lucine d’Angennes.


et à la feuille suivante, il y a un Zéphir qui épand des fleurs. Le livre est tout couvert des chiffres de mademoiselle de Rambouillet. Il est relié de maroquin du Levant des deux côtés, au lieu qu’aux autres livres il y a du papier marbré seulement. Il y a une fausse couverture de frangipane[14].

Mademoiselle de Rambouillet reçut ce présent, et même remercia tous ceux qui avoient fait des vers pour elle. Il n’y eut pas jusqu’à M. le marquis de Rambouillet qui n’en fît. On y voit un madrigal de sa façon[15]. Le seul Voiture, qui n’aimoit pas la foule, ou qui peut-être ne vouloit point être comparé, ne fit pas un pauvre madrigal ; il est vrai que les chiens de M. de Montausier et les siens n’ont jamais trop chassé ensemble. Mais cela ne vient pas de là seulement, car à la mort du marquis de Pisani, son grand ami, il ne fit rien non plus, quoique tant de gens eussent fait des vers.

Notre marquis, voyant que sa religion étoit un obstacle à son dessein, en change. Il dit qu’on se peut sauver dans l’une et dans l’autre ; mais il le fit d’une façon qui sentoit bien l’intérêt[16]. Il traite des gouvernements de M. de Brassac[17], mari de sa tante, pour deux cent mille livres. Il eut bien du bonheur en cette affaire, car M. de Brassac étant tombé malade, madame d’Aiguillon, qui vouloit servir Montausier, pour le faire épouser à son amie, fit en sorte auprès du cardinal Mazarin, sur l’esprit duquel elle avoit alors du pouvoir, qu’on ne scella point les provisions de Montausier, et que Brassac étant mort de cette maladie, on supprima ces provisions, et on en expédia de nouvelles comme d’un gouvernement vacant par mort. Ainsi les héritiers de Brassac perdirent cent mille francs ; car pour les autres, madame de Brassac, qui avoit la moitié à tout, les lui donnoit, en cas qu’il ne mourût point le premier sans enfants. Enfin il eut tout le bien de sa tante quelque temps après.

Madame d’Aiguillon espéroit que madame de Montausier pourroit devenir dame d’honneur ; le prétexte étoit que madame de Brassac l’avoit été, et je pense qu’on ne manqua pas de le lui dire pour la persuader à se marier. Je remarque bien que c’est ce qu’elle souhaiteroit le plus au monde, et il n’y a guère de femme qui y fût plus propre.

Le marquis, se voyant gouverneur de Xaintonge et d’Angoumois[18], fit parler à mademoiselle de Rambouillet par mademoiselle Paulet, par madame de Sablé, et par madame d’Aiguillon même. Elle l’estimoit, mais elle avoit aversion pour le mariage. Madame d’Aiguillon, en lui représentant la passion du cavalier, lui disoit : « Ma fille, ma fille, il n’y a rien de tel devant Dieu, cela donne dévotion. » On en fit dire un mot par la Reine ; le cardinal même vint en parler à mademoiselle de Rambouillet. En ce temps-là il n’étoit pas si établi qu’il est à cette heure, et il mitonnoit madame d’Aiguillon pour faire épouser le duc de Richelieu à une de ses nièces. Madame de Rambouillet se plaignoit alors de la dureté de sa fille ; ce fut ce qui fit l’affaire, car, de peur de fâcher la mère, elle s’y résolut, et changea du soir au matin. La veille elle étoit aussi éloignée du mariage que jamais. « Je l’aurois fait, disoit-elle, pour l’amour de lui, sans tous ses gouvernements, si j’avois eu à le faire. » Je pense pourtant qu’elle considéra aussi que d’une vieille fille elle devenoit une nouvelle mariée, et telle jeune femme qui ne lui eût pas cédé, et ne l’eût pas crue, la regarda aussitôt comme une personne de qui elle pourroit apprendre à bien vivre ; et puis, comme j’ai déjà remarqué, cela la remettoit tout de nouveau dans le monde, et elle aime fort les divertissements.

Dès qu’elle eut pris sa résolution, elle fit les choses de fort bonne grâce. Il est vrai qu’elle se fût bien passée de proposer de remettre après la campagne. Montausier devoit commander en Allemagne un corps séparé de six mille hommes ; mais M. de Turenne l’empêcha. Pisani partit devant les noces pour suivre M. le Prince. Il dit en partant : « Montausier est si heureux, que je ne manquerai pas de me faire tuer, puisqu’il va épouser ma sœur. » Il n’y manqua pas en effet.

Ce fut à Ruel que les noces se firent ; et par une rencontre plaisante, celui qu’on appeloit autrefois le nain de la princesse Julie[19], fut celui-là même qui les épousa. Le marié avoit une telle enragerie, si j’ose ainsi dire, que, s’allant coucher, il jeta sa robe de chambre dès l’entrée de la chambre. Le chevalier de Rivière disoit en riant que le marié, à la vérité, avoit consommé le mariage, mais que le reste de la nuit s’étoit passé en beaux sentiments. Il est plus jeune qu’elle ; elle avoit trente-huit ans. Les vingt-quatre violons, ayant su que mademoiselle de Rambouillet se marioit, vinrent d’eux-mêmes lui donner une sérénade, et lui dirent qu’elle avoit fait tant d’honneur à la danse, qu’ils seroient bien ingrats s’ils ne lui en témoignoient quelque reconnoissance.

Elle eut une querelle pour cette noce avec la marquise de Sablé, qui se plaignit qu’elle ne l’avoit pas conviée. L’autre juroit qu’elle lui avoit dit que ce seroit une incivilité de lui donner la peine de faire six lieues, à elle qui étoit quasi toujours sur son lit et qui n’étoit pas autrement portative, car ce fut ce terme qui la choqua le plus. La marquise irritée, quoiqu’on l’eût reconviée après, n’en voulut point ouïr parler, et pour montrer qu’elle étoit aussi portative qu’une autre, elle monte en carrosse, en dessein d’aller voltiger, et se faire voir autour de Ruel. Pour cela une demoiselle à elle, appelée La Morinière, à qui elle avoit fait apprendre à connoître les vents, regarde bien la girouette, et après l’avoir assurée qu’il n’y avoit point d’orage à craindre, on part ; mais elle ne fut pas plus tôt au-delà du pont de Nully[20] que voilà tout le ciel brillant d’éclairs. La frayeur la prend ; elle fait toucher à Paris, et le tonnerre étant assez fort, quoiqu’elle eût une grosse bourse de reliques, elle se cache dans les carrières de Chaillot, avec protestation de ne songer plus à se venger. À quelques jours de là la paix se fit.

Elle eut une bien plus grande querelle avec La Moussaye. Voici apparemment d’où cela vint. M. d’Enghien, étant à Furnes, en belle humeur, dit à table qu’il croyoit qu’il faudroit un brin d’estoc pour sauter d’un bout à l’autre du… de madame de Montausier. La Moussaye ne dit rien, mais il rit de cette plaisante vision incomparablement plus que les autres. Madame de Montausier, au retour de cette campagne, déclara à La Moussaye qu’elle ne seroit plus son amie, et qu’il lui avoit fait un fort vilain tour. « Moi, dit-il, madame, je serois le plus lâche des hommes, car sans vous j’aurois été chassé d’auprès M. d’Enghien ; vous fîtes que madame d’Aiguillon fit parler M. le cardinal à M. le Prince. — Eh bien ! lui répondit-elle, vous êtes donc le plus lâche des hommes. » M. d’Enghien voulut savoir d’elle ce que c’étoit, elle n’en voulut rien dire. On voit dans la lettre que Voiture écrit pour elle en Catalogne qu’elle étoit encore en colère. La Moussaye est mort depuis sans avoir fait sa paix. On a cru que c’étoit cette raillerie qui en fut la cause, puisqu’elle ne l’avoit pas voulu dire.

Depuis son mariage, madame de Montausier est devenue un peu cabaleuse. Elle veut avoir cour ; elle a des secrets avec tout le monde ; elle est de tout, et ne fait pas toute la distinction nécessaire. Je tiens que mademoiselle de Rambouillet valoit mieux que madame de Montausier. Elle est pourtant bonne et civile, mais il s’en faut bien que ce soit sa mère, car sa mère n’a pas les vices de la cour comme elle. Elle dit une plaisante chose à quelqu’un qui lui demandoit pourquoi elle ne laissoit pas M. de Montausier solliciter ses pensions. « Hé ! dit-elle, s’il alloit battre M. d’Émery[21], ce seroit bien le moyen d’être payé. » En effet, M. de Montausier est un homme tout d’une pièce ; madame de Rambouillet dit qu’il est fou à force d’être sage. Jamais il n’y en eut un qui eût plus de besoin de sacrifier aux Grâces. Il crie, il est rude, il rompt en visière, et s’il gronde quelqu’un, il lui remet devant les yeux toutes ses iniquités passées. Jamais homme n’a tant servi à me guérir de l’humeur de disputer. Il vouloit qu’on fît deux citadelles à Paris, une au haut et une au bas de la rivière, et dit qu’un roi, pourvu qu’il en use bien, ne sauroit être trop absolu, comme si ce pourvu étoit une chose infaillible. À moins qu’il ne soit persuadé qu’il y va de la vie des gens, il ne leur gardera pas le secret. Sa femme lui sert furieusement dans la province. Sans elle la noblesse ne le visiteroit guère : il se lève là à onze heures comme ici, et s’enferme quelquefois pour lire, n’aime point la chasse, et n’a rien de populaire. Elle est tout au rebours de lui. Il fait trop le métier de bel esprit pour un homme de qualité, ou du moins il le fait trop sérieusement. Il va au Samedi fort souvent[22]. Il a fait des traductions ; regardez le bel auteur qu’il a choisi : il a mis Perse en vers français. Il ne parle quasi que de livres, et voit plus régulièrement M. Chapelain et M. Conrart que personne. Il s’entête, et d’assez méchant goût ; il aime mieux Claudian que Virgile. Il lui faut du poivre et de l’épice. Cependant, comme nous dirons ailleurs, il goûte un poème qui n’a ni sel si sauge : c’est la Pucelle, par cela seulement qu’elle est de Chapelain. Il a une belle bibliothèque à Angoulême.

En récompense c’est un bon serviteur du Roi. Il le fit bien voir en 1652. Pour peu qu’il eût voulu donner de soupçons au cardinal quand M. le Prince étoit en Xaintonge, le cardinal l’eût fait tout ce qu’il eût voulu être. Mais il ne voulut point escroquer le bâton de maréchal de France, aussi ne l’a-t-il pu avoir quand il l’a demandé. On disoit qu’il avoit dit : « Je ne pense point au brevet[23] ; ma femme a bonnes jambes, elle se tiendra bien debout. » D’ailleurs il n’a qu’une fille[24].

Je me souviens que madame de Montausier, qui n’étoit pas jeunette, fut fort malade en accouchant. On envoya Chavaroche, qui étoit un peu amoureux d’elle il y avoit long-temps, quérir la ceinture Sainte-Marguerite à l’abbaye Saint-Germain. C’étoit en été à la pointe du jour. De chagrin qu’il avoit, on dit qu’il gronda les moines qu’il trouva encore au lit. « Il vous fait beau voir, disoit-il entre ses dents, d’être encore au lit, et madame de Montausier est en danger. » Elle eut deux fils tout de suite. L’aîné mourut à trois ans d’une chute, et l’autre pour n’avoir jamais voulu prendre une autre nourrice que la sienne qui perdit son lait. Celui-ci eût été le digne fils de son père, car il falloit qu’il fût bien têtu.

Madame de Montausier mena une fois sa sœur de Rambouillet[25] en Angoumois. M. de La Rochefoucauld leur donna une chasse magnifique ; à tous les relais, il y avoit collation et musique. À Xaintes, elles faisoient le cours à cheval dans la prairie, le long de la Charente, et il s’y trouvoit assez grand nombre de carrosses, car toutes les dames des environs s’y rendoient. Elles allèrent voir l’armée navale, et au retour elles reçurent le maréchal de Gramont avec le canon, et le firent complimenter par le présidial en corps. Pour lui, il leur disoit plaisamment : « Venez jusqu’à Bayonne et m’avertissez, afin que je fasse tenir des baleines toutes prêtes. » Cette réception fit une querelle. Le maréchal d’Albret passa aussi par Angoulême ; on ne lui fit point de fanfares. Il y fut quatre jours, et après cela il s’avisa de se fâcher de ce qu’on ne l’avoit pas traité comme le maréchal de Gramont. On répondit que ce n’étoit pas comme maréchal de France, mais comme un ancien ami qu’on l’avoit traité ainsi. « Ah ! ne suis-je pas aussi votre ami. » Le président de Guénégaud se plaignit aussi de ce qu’étant président aux enquêtes du parlement de Paris, le présidial n’étoit pas allé chez lui en corps. Je crois que cela ne se doit point.

Mademoiselle de Rambouillet, entendant cela, dit brusquement : « Hé ! de quoi s’avise ce président de Guénégaud de nous venir aussi chicaner ? » Ils se plaignirent encore de cela ; enfin la cour en eut vent, car, à cause de certaines gens de guerre qu’il falloit faire vivre sur le pays, le maréchal prétendoit avoir sujet de n’être pas content de M. de Montausier. Enfin cela s’apaisa.

Il y eut bien des gentilshommes mal satisfaits de mademoiselle de Rambouillet. Une fois elle dit tout haut à quelqu’un qui venoit de la cour : « Je vous assure qu’on a grand besoin de quelques rafraîchissements, car sans cela on mourroit bientôt ici. »

Il y eut un gentilhomme qui dit hautement qu’il n’iroit point voir M. de Montausier tandis que mademoiselle de Rambouillet y seroit, et qu’elle s’évanouissoit quand elle entendoit un méchant mot[26]. Un autre, en parlant à elle, hésita long-temps sur le mot d’avoine, avoine, avene, aveine. « Avoine, avoine, dit-il, de par tous les diables ! on ne sait comment parler céans. » Mademoiselle de Rambouillet trouva cette boutade si plaisante qu’elle l’en aima toujours depuis. Madame de Montausier, dès qu’elle voyoit arriver un gentilhomme, s’informoit de son nom et de tout le reste, et à table, ou en causant, le nommoit par son nom, lui demandoit des nouvelles de sa famille ; cela les charmoit. Sans elle Montausier n’auroit pas un gentilhomme à lui. Il rompt en visière, si l’on fait quelque malpropreté à table. Une fois, faute de siéges, car il y avoit bien des gens dans la chambre, un gentilhomme, nommé Langallerie[27], s’assit sur la table sur laquelle Montausier avoit le coude appuyé. Cela ne plus pas à M. le gouverneur, mais il eut tort de le chatouiller, comme il fit, car après il lui dit sérieusement : « Vous avez le cul un peu près de mon nez, et vous perdez le respect. » L’autre parla assez hardiment ; Montausier s’emporte, appelle ses gardes. « Prenez-le-moi. » Langallerie, au lieu de dire simplement Je cède à la force, met l’épée à la main. Il falloit périr en cette rencontre-là, et non pas se laisser mener en prison comme il fit. Il y fut quinze jours. Montausier est un peu amoureux de Pelloquin ; mais madame de Montausier la fait bien soutenir, la traite bien, mais lui rabat fort son caquet quand il le faut. C’étoit une fille à elle qu’on a mariée avec un gentilhomme de M. de Montausier, à qui on a donné la lieutenance de roi de la ville et citadelle de Xaintes. Il s’appelle La Grange.

Parlons un peu de leur fille. Cette enfant, car elle n’a encore que onze ans, a dit de jolies choses, dès qu’elle a été sevrée. On amena un renard chez son papa ; ce renard étoit à M. de Grasse. Dès qu’elle l’aperçut elle mit ses mains à son collier ; on lui demanda pourquoi : « C’est de peur, dit-elle, que le renard ne me le vole : ils sont si fins dans les Fables d’Ésope. » Quelques mois après on lui disoit : « Tenez, voilà le maître du renard ; que vous en semble ? — Il me semble, dit-elle, encore plus fin que son renard. » Elle pouvoit avoir six ans quand M. de Grasse lui demanda combien il y avoit que sa grande poupée avoit été sevrée : « Et vous, combien y a-t-il ? lui dit-elle, car vous n’êtes guère plus grand[28]. »

À cause de la petite vérole de sa tante de Rambouillet, on la mit dans une maison là auprès. Une dame l’y fut voir : « Et vos poupées, mademoiselle, lui dit-elle, les avez-vous laissées dans le mauvais air ? — Pour les grandes, répondit-elle, madame, je ne les ai pas ôtées, mais pour les petites, je les ai amenées avec moi. » À propos de poupées, elle avoit peut-être sept ans quand la petite Des Réaux[29] la fut voir. Cette autre est plus jeune de deux ans. Mademoiselle de Montausier la vouloit traiter d’enfant, et lui disoit en lui montrant ses poupées : « Mettons dormir celle-là. — J’entends bien, disoit l’autre, ce que vous voulez dire. — Non, tout de bon, reprenoit-elle, elles dorment effectivement. — Voire ! je sais bien que les poupées ne dorment point, répliquoit l’autre. — Je vous assure que si qu’elles dorment, croyez-moi ; il n’y a rien de plus vrai. — Elles dorment donc, puisque vous le voulez, » dit la petite Des Réaux avec un air dépité ; et en sortant elle dit : « Je n’y veux plus retourner, elle me prend pour une enfant. »

On lui demandoit laquelle étoit la plus belle, de madame de Longueville, ou de madame de Châtillon qu’elle appeloit sa belle-mère. « Pour la vraie beauté, dit-elle, ma belle-mère est la plus belle. » Elle disoit à un gentilhomme de son papa : « Je ne veux pas seulement que vous me baisiez en imagination. »

Elle faisoit souvent un même conte. Madame de Montausier disoit : « Fi ! fi ! où avez-vous appris cela ? — Attendez, dit cette enfant, ne seroit-ce point de ma grand’maman de Montausier ? » Cela se trouva vrai.

Elle disoit qu’elle vouloit faire une comédie : « Mais, ma grand’maman, ajoutoit-elle, il faudra que Corneille y jette un peu les yeux, avant que nous la jouiions. »

Un page de son père, qui étoit fort sujet à boire, s’étant enivré, le lendemain elle lui voulut faire des réprimandes. « Voyez-vous, lui disoit-elle, pour toutes ces choses-là, je suis tout comme mon papa, vous n’y trouverez point de différence. »

On lui dit : « Prenez ce bouillon pour l’amour de moi. — Je le prendrai, dit-elle, pour l’amour de moi, et non pour l’amour de vous. »

Un jour elle prit un petit siége et se mit auprès du lit de madame de Rambouillet. « Or çà, ma grand’maman, dit-elle, parlons d’affaires d’État, à cette heure que j’ai cinq ans. » Il est vrai qu’en ce temps-là on ne parloit que de fronderie.

M. de Nemours, alors archevêque de Reims, lui disoit qu’il la vouloit épouser. « Monsieur, lui dit-elle, gardez votre archevêché : il vaut mieux que moi. »

Elle n’avoit que cinq ans quand on lui voulut faire tenir un enfant. Le curé de Saint-Germain la refusa, disant : « Elle n’a pas sept ans. — Interrogez-la, » lui dit-on. Il l’interrogea devant cent personnes ; elle répondit fort assurément, il la reçut et lui donna bien des louanges.

Un jour qu’elle étoit couchée avec madame de Rambouillet, M. de Montausier la voulut tâter. «  Arrêtez-vous, lui dit-elle, mon papa, les hommes ne mettent point la main dans le lit de ma grand’maman. »

C’étoit la consolation de cette grand’maman, quand elle demeura toute seule à Paris. À la mort de M. de Rambouillet, elle étoit fort touchée de la voir triste : « Consolez-vous, lui disoit-elle, ma grand’maman, Dieu le veut ; ne voulez-vous pas ce que Dieu veut ? » D’elle-même elle s’avisa de faire dire des messes pour lui. « Oh ! dit sa gouvernante, si votre grand-papa, qui vous aimoit tant, savoit cela ! — Eh ! ne le sait-il pas, dit-elle, lui qui est devant Dieu ? »

Elle n’avoit guère que neuf ans, qu’ayant lu la Fête des fleurs dans Cyrus, elle s’avisa d’elle-même d’en faire une représentation avec les filles du logis, et lorsque madame de Rambouillet ne songeoit à rien moins qu’à cela, cette enfant, avec ses compagnes, toutes en guirlandes, pour la divertir, lui vint jeter à ses pieds une grande mont-joie[30] de fleurs.

C’est dommage qu’elle ait les yeux de travers, car elle a la raison bien droite ; pour le reste, elle est grande et bien faite. Elle s’est gâtée depuis pour l’esprit et pour le corps.

Au printemps de 1658, madame de Montausier se blessa. Elle eût bien fait de n’en rien dire, car c’étoit une espèce de miracle : elle avoit, au compte de sa mère, cinquante-quatre ans. La mère dit qu’elle est accouchée de madame de Montausier à seize ans ; or madame de Rambouillet naquit durant les États de Blois (1588). Cela est aisé à calculer ; cependant Julie eut la foiblesse de dire qu’elle s’étoit blessée, afin de ne pas passer pour si âgée. On en rit un peu. Madame Pilou[31] ne trouvoit nullement bon qu’elle eût dit cela. On a ouï dire céans[32] à madame de Montausier : « Quand j’étois en couches ce printemps. »

  1. Julie-Lucie d’Angennes épousa, comme nous l’avons déjà dit, en 1645, M. de Montausier.
  2. Il doit exister des portraits peints de madame de Montausier, mais on n’en connoît point qui aient été gravés de son temps. Il n’en est indiqué aucun dans la Liste de portraits qui termine le quatrième vol. de la Bibliothèque historique de la France, et MM. de Bure n’en possèdent point dans leur belle collection. Cette femme illustre a été seulement gravée dans ces derniers temps par Bonvoisin, d’après Mignard, pour le Choix d’Oraisons funèbres, donné en 1820, par Dussault. Mais ce portrait ne présente pas le caractère remarquable qui sembleroit devoir appartenir à une femme aussi spirituelle ; tout porte à croire qu’il n’a rien d’authentique.
  3. Sans doute pour : lui faisoit-elle bien supporter des rebuts.
  4. Anne-Geneviève de Bourbon étoit née le 27 août 1619 ; ainsi mademoiselle de Rambouillet, née en 1607, avoit douze ans de plus que cette princesse, qui, devenue duchesse de Longueville, a joué un si grand rôle dans la guerre de la Fronde.
  5. L’Histoire de Zélide et d’Alcidalis n’a pas été achevée par Voiture. Ce qui en existe est imprimé dans les dernières Œuvres de l’auteur. Ce poète, écrivant à mademoiselle de Rambouillet, depuis marquise de Montausier, ne laisse point de doute sur le véritable auteur de cette nouvelle. Il dit en parlant de M. de Chaudebonne : « Je lui conterai une histoire plus agréable que celle d’Héliodore, et faite par une personne plus belle que Chariclée. Vous jugez bien, mademoiselle, que c’est celle de Zélide et d’Alcidalis que je lui ai promise, car il n’y en a point d’autre au monde de qui cela se puisse dire. Quelque stupide que je sois devenu, ne craignez point qu’en la contant, je lui fasse rien perdre de sa beauté, car dans tous mes maux je me suis encore conservé ma mémoire tout entière, et je crois qu’elle me servira fidèlement quand ce sera pour vous, puisque vous y avez autant de part que personne, et que je suis, etc. » (Voyez la lettre huitième de Voiture.) L’édition de ses œuvres, à la Sphère, 1697, contient la suite de l’Histoire de Zélide et d’Alcidalis, mais cette suite n’est pas de Voiture.
  6. Le cardinal de La Valette passoit pour avoir été l’amant de la princesse de Condé.
  7. Comme on disoit un jour qu’il falloit la marier à un homme qui ne pût l’emmener hors de Paris, quelqu’un ajouta qu’il falloit alors la marier avec M. l’archevêque ; mais il se trompoit, car les prélats ont une telle aversion pour la résidence, que celui-ci aimoit mieux être à Saint-Aubin d’Angers qu’à Paris. (T.)
  8. Pour Noirmoutier.
  9. Cette madame Aubry traitoit son mari terriblement de haut en bas. Il étoit trois mois à la prier pour coucher une nuit avec elle. (T.)
  10. Ils sont perdus. (T.)
  11. Un gentilhomme du cardinal de La Valette. (T.)
  12. Voiture lui écrivoit : « Il me déplaît de penser qu’avec toute cette tendresse que vous me témoignez, il y a quelque occasion pour laquelle vous voudriez que je fusse pendu...... Je désire… avec tant de passion que vous ayez tout ce que vous méritez, que s’il ne tenoit qu’à cela que vous eussiez un royaume, sans mentir je crois que j’y consentirois aussi bien que vous. » (Lettre quarante-sixième de Voiture.)
  13. Voyez précédemment, p. 230.
  14. Ce volume a été l’objet d’une notice de M. de Gaignières, imprimée en tête de l’édition de la Guirlande de Julie ; Paris, imprimerie de Monsieur, 1784, in-8o ; reproduite par les soins de M. Charles Nodier ; Paris, Delangle, 1826, in-16. Ce beau manuscrit, vendu sept cent quatre-vingts livres, à la vente Gaignat, et adjugé à la vente de La Valière moyennant quatorze mille cinq cent dix livres à madame de Châtillon, est maintenant entre les mains de madame la duchesse d’Uzès, sa fille.
  15. Les auteurs des madrigaux qui composent la Guirlande sont nommés dans l’édition de 1784, et cependant on n’y trouve pas le nom du marquis de Rambouillet, père de Julie d’Angennes ; aussi nous croyons que Tallemant se trompe en lui attribuant une de ces petites pièces. Mais notre auteur ne nous dit pas que l’un des madrigaux faits sur le lys est de Tallemant Des Réaux lui-même. Cette circonstance nous engage à citer ici cette jolie pièce :

    Devant vous je perds la victoire
    Que ma blancheur me fit donner,
    Et ne prétends plus d’autre gloire
    Que celle de vous couronner.

    Le Ciel, par un honneur insigne,
    Fit choix de moi seul autrefois,
    Comme de la fleur la plus digne
    Pour faire un présent à nos rois.

    Mais si j’obtenois ma requête,
    Mon sort seroit plus glorieux
    D’être monté sur votre tête
    Que d’être descendu des cieux.

  16. On est surpris que M. Dussault, qui donne à la fois pour motifs de la conversion du duc de Montausier, les doutes que ce dernier avoit conçus sur les erreurs du calvinisme, et l’amour qu’il portoit à mademoiselle de Rambouillet, ait ajouté que cette abjuration, pour son importance, peut être mise au-dessus de celle même de Turenne. L’histoire doit être dépouillée de ces pieuses exagérations, dont on est convenu d’embellir l’oraison funèbre destinée à la chaire chrétienne. (Voyez la Notice sur Charles de Sainte-Maure, duc de Montausier, dans le Choix des Oraisons funèbres ; Paris, Janet, 1820, tom. 2, pag. 404.)
  17. Xaintonge et Angoumois. (T.)
  18. Pour le gouvernement d’Alsace, ou plutôt la commission pour y commander, le cardinal dit : « Plusieurs me l’ont demandée, mais je ne désoblige point en obligeant : elle demeurera à M. de Montausier. » Depuis le cardinal, l’Alsace étoit devenue, par la paix, un fort bon gouvernement ; on la lui ôta et ne lui en laissa que la lieutenance de roi, car Schelestadt et Colmar, dont il étoit gouverneur particulier, ont été rendus par le Traité de Munster. (T.)
  19. M. de Grasse, Godeau. (T.)
  20. On dit aujourd’hui Neuilly.
  21. Michel Particelli, sieur d’Émery, surintendant des finances, mort en 1650.
  22. Une assemblée chez mademoiselle Scudéry. (T.)
  23. Brevet. Le brevet de duc. Il fut fait duc et pair de France par lettres du mois d’août 1664, enregistrées au Parlement en décembre 1665.
  24. Marie-Julie de Sainte-Maure, seule héritière du duc de Montausier, épousa le duc d’Uzès, au mois d’août 1664.
  25. Angélique-Claire d’Angennes, qui a depuis été la première femme du comte de Grignan.
  26. Madame de Grignan (première femme) dut bien souffrir lorsqu’elle assista, le 18 novembre 1659, à la première représentation des Précieuses ridicules, car il étoit difficile, d’après les diverses anecdotes rapportées par Tallemant, qu’elle ne s’y reconnût pas. Ménage a rendu compte de l’impression que cette pièce produisit sur lui, et il nous apprend qu’il y assistoit avec mademoiselle de Rambouillet, mariée alors à M. de Grignan, depuis un an environ. (Voyez le Menagiana, édit. de 1762, t. I, page 251.) Le passage du Menagiana est cité par tous les commentateurs de Molière ; mais on n’a pas pris garde que mademoiselle de Rambouillet et madame de Grignan, dont il y est parlé, ne font qu’une seule personne. Deux filles de madame de Rambouillet se marièrent, toutes les autres entrèrent en religion.
  27. C’étoit vraisemblablement le père de Philippe de Gentils, marquis de Langallerie, né en 1656, à la Motte-Charente, en Saintonge, sur lequel on a des Mémoires.
  28. Aussi appeloit-on Godeau, le Nain de Julie, comme on l’a vu plus haut.
  29. Nièce ou cousine de l’auteur de ces Mémoires.
  30. « Mont-joie signifioit autrefois, enseigne des chemins… Les Mont-joies n’étoient souvent que des monceaux de pierres ou d’herbes qui enseignoient les passants. » (Dictionnaire de Trévoux.)
  31. Madame Pilou étoit une femme d’un caractère très-original à laquelle Tallemant a consacré plus loin un long article.
  32. C’est-à-dire chez Tallemant, auteur de ces Mémoires.