Les Historiettes/Tome 2/53

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Texte établi par Monmerqué, de Chateaugiron, Taschereau, 
A. Levavasseur
(Tome 2p. 359-360).


M. DE CHAUDEBONNE
ET M. D’AIGUEBONNE, SON FRÈRE.


Chaudebonne étoit de la maison du Puis-Saint-Martin en Dauphiné. C’étoit le meilleur des amis de madame de Rambouillet. J’en ai déjà parlé plusieurs fois. Elle dit que c’étoit un homme admirable, et que personne n’a jamais vu plus clair que lui. Il étoit naturellement coquet. Il versa une fois dans un précipice ; on avoit peur qu’il ne se fût rompu le cou ; mais comme on fut à lui : « Cherchez, dit-il froidement à ses gens, cherchez auparavant ma calotte. » Cela me fait souvenir de madame de Bonneuil, dont il est parlé dans l’historiette de M. d’Aumont, qui, tout en versant dans une rue, ne laissa pas d’achever à sa sœur un conte qu’elle lui avoit commencé.

Ce fut Chaudebonne qui mit Voiture dans le grand monde et qui l’introduisit chez Monsieur, à qui il étoit. Au retour de Flandre, Chaudebonne se jeta dans la dévotion ; on voit par des lettres de Voiture, qu’il commençoit dès les Pays-Bas à prendre ce chemin-là.

Son frère aîné, M. d’Aiguebonne, a eu d’assez beaux emplois ; il a commandé dans la citadelle de Turin, et a été ambassadeur en Savoie ; c’étoit une espèce de philosophe. Un de ses fils avoit inclination à être d’église, et un autre à être chevalier de Malte. « Bien, disoit-il, je fonderai une commanderie pour l’un et une abbaye pour l’autre ; je n’attends pas que M. le cardinal Mazarin m’en donne une. L’aîné de notre maison a du bien, qu’importe que mes enfans laissent de leur race ; et puis il y a tant de confusion à cette heure. J’ai marié ma fille à un gentilhomme qui a trouvé moyen d’acheter le marquisat de Varambon, ses enfans passeront pour être de cette maison-là. »