Les Historiettes/Tome 3/29

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Texte établi par Monmerqué, de Chateaugiron, Taschereau, 
A. Levavasseur
(Tome 3p. 194-195).


LE GÉNÉRAL DES CAPUCINS.


Il passa, en 1647, un Italien à Paris qui étoit général des Capucins, et en grande réputation de sainteté. Le pape Innocent X lui avoit ordonné de donner sa bénédiction à quiconque la lui demanderoit. Le peuple étoit si persuadé de la sainteté de cet homme, qu’il lui fallut donner des gardes pour empêcher qu’on ne lui coupât tous ses habits ; mais il ne faut pas s’étonner de cela après ce que je m’en vais écrire.

Il y avoit sur le pont Notre-Dame une enseigne de Notre-Dame, comme il y en a en plusieurs lieux ; durant un grand vent, je ne sais quels sots se mirent en tête qu’ils avoient vu cette image aller d’un bout à l’autre du fer où elle étoit pendue ; chose qui ne se pouvoit naturellement, car le vent peut bien faire aller une enseigne de côté et d’autre, ou l’arracher tout-à-fait, mais non pas la faire couler le long de ce fer. Après cela, ils s’imaginèrent qu’elle avoit pleuré et jeté du sang ; enfin cela alla si loin, que M. de Paris fut contraint de se la faire apporter, de peur qu’on n’en fît une Notre-Dame à miracles. Pour une bonne fois, il devoit défendre de mettre des choses saintes aux enseignes, comme la Trinité et autres semblables.

Un fou de cabaretier de la rue Montmartre avoit pris pour enseigne la Tête-Dieu ; le feu curé de Saint-Eustache eut bien de la peine à la lui faire ôter : il fallut une condamnation pour cela.