Les Jésuites de la maison professe de Paris en belle humeur/Notice bibliographique

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J. Gay et Fils, Éditeurs (p. v-viii).

Les Jésuites de la maison professe de Paris en belle humeur, Bandeau de début de chapitre
Les Jésuites de la maison professe de Paris en belle humeur, Bandeau de début de chapitre


NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE

SUR
LES JÉSUITES EN BELLE HUMEUR




Nous croyons que l’édition originale du livre satirique que nous réimprimons est celle de Pampelune, Colin Matras, 1696, petit in-12. Ce petit ouvrage a été réimprimé d’abord à Lyon (Leyde), 1696, puis à Cologne, s. d., in-12 ; ensuite plusieurs fois, suivi d’un autre ouvrage qui n’a avec lui que peu de rapports, le Moine sécularisé, dont on changeait le titre pour cette occasion en les Moines en belle humeur. On joignait à ces dernières éditions le frontispice de Jean danse mieux que Pierre, ou des Amours du père La Chaise. Malgré toutes ces réimpressions, l’ouvrage est resté assez rare, et il est probable que les amis de la Société de Jésus l’auront fait disparaître autant que possible.

Ce que ce volume a de plus remarquable, c’est que les personnes dont il parle y sont nommées en toutes lettres, et cela dans le temps même où elles étaient dans toute leur puissance : le père Lachaise, confesseur de Louis XIV dès 1675, ne mourut qu’en 1709 ; Bourdaloue mourut en 1704, à l’âge de 72 ans. Le père Le Comte ne mourut qu’en 1729 ; et le père De Larue en 1725, à l’âge de 82 ans. Il est vrai que l’auteur aussi bien que les éditeurs des Jésuites en belle humeur étaient inconnus. Ils le sont restés jusqu’aujourd’hui.

Le père Delarue était un excellent prédicateur ; de plus, il était poëte. Il se signala, en 1667, par un poëme latin sur les conquêtes de Louis XIV poëme que Pierre Corneille mit en vers français. Outre quelques tragédies latines, il en fit deux en vers français : Lysimachus et Sylla. On lui attribue même l’Adrienne et l’Homme à bonnes fortunes, comédies publiées sous le nom du comédien Baron, son ami. En 1680, il publia à Paris un volume de poésies latines pleines de délicatesse et de sentiment et qui obtinrent plusieurs éditions.

Quant au père Le Comte, c’était un missionnaire et un astronome. Il fut envoyé en Chine en 1685, et ses Mémoires, écrits d’un style élégant se lisent encore avec plaisir.

Louis Bourdaloue est bien connu. Aimé de Louis XIV, d’accord avec le père La Chaise, il contribua à décider ce monarque à épouser la Maintenon, laquelle, de son côté, s’était entièrement dévouée à la Société des Jésuites. Les galanteries attribuées à Bourdaloue étaient assez connues et l’on en trouve même quelques traces dans le fameux Recueil de Maurepas ; nous nous contenterons, pour en fournir la preuve, de citer les trois chansons commençant par les vers suivants :

Bourdaloue fronde
Contre l’Opéra, etc. (de 1676).

La Dorval est femme de bien,
Bourdaloue prend soin de son âme, etc,
(de 1681).

La dévote Nanette
Disait à Bourdaloue, etc. (de 1700).

De toute cette pléiade jésuitique l’astre le plus signalé était le père La Chaise. Né en 1624 aux environs de Lyon et ayant professé de bonne heure avec succès la philosophie, les lettres et la théologie, il fut nommé provincial de la province de Lyon. Souple, poli, adroit, il parvint en 1675, à se faire choisir par Louis XIV pour être son confesseur, et malheureusement son influence sur lui ne produisit que d’assez tristes résultats. Le mariage d’un roi de France avec une ancienne prostituée, la persécution des protestants, d’Arnault, de Nicole, de Fénélon, d’un grand nombre d’hommes de talent et des plus respectables, les massacres et les dragonnades des Cévennes en 1685, tout cela signale tristement l’influence du père La Chaise sur l’esprit du roi, et sa mémoire serait maudite si le père Letellier qui lui succéda n’avait pas été plus impitoyable encore.

François de Lachaise, à la première vue, avait quelque chose de repoussant. Il avait de gros yeux sous une forêt de sourcils, des joues rebondies et les oreilles les plus longues, les plus larges, les plus pendantes qu’on puisse imaginer. Il avait l’air patelin, mais cela ne l’empêchait pas de déployer un faste égal à celui des princes du sang. Son carrosse, chargé de domestiques portant livrée, était attelé de six chevaux fringants. Sa maison de campagne du Mont-Louis, à Charonne, était la mieux exposée des environs de Paris : bâtie aux dépens du roi, elle était somptueuse et les jardins en étaient admirables. Lachaise y donnait de délicieux repas à ses amis, parmi lesquels se glissaient ordinairement un bon nombre de jolies femmes. Dans la Cassette ouverte de l’illustre criole, P. Lenoble prétend même que La Chaise fut longtemps l’un des amants de madame de Maintenon avant et après son mariage avec Louis XIV.

J. B. D. N.

Les Jésuites de la maison professe de Paris en belle humeur, Vignette de fin de chapitre
Les Jésuites de la maison professe de Paris en belle humeur, Vignette de fin de chapitre