Les Jours de pluie (Verhaeren)
LES JOURS DE PLUIE
Des vieux quartiers retraits,
La pluie
Semble à jamais
Continûment, à petit bruit,
Elle y tombe, le jour, la nuit ;
Et nul ne sait quand elle aura fini
De tapoter, avec ses doigts d’ennui,
La regardent qui dure à l’infini ;
Et les vieux murs et leurs étais pourris
S’imbibent d’elle.
Une heure ou deux, quand le soleil s’amène,
Longtemps, longtemps,
L’oreille encore écoute,
Goutte après goutte,
Ses tintements derniers
Luisent comme des os et des moignons
Obstinément lavés ;
Et les ancres des vieux pignons
Se souillent
De pleurs de fer, de pleurs de rouille ;
Et lassé d’être un peu du temps,
Leur millésime est là, qui pend ;
Quand tout à coup, un auvent claque,
Et l’eau recommence très longuement
À choir,
Jusques au soir,
Des impasses et des ruelles,
La pluie
À tout jamais