Les Médailles d’argile/L’Abbesse

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Les Médailles d’argileSociété du Mercure de France (p. 222).

L’ABBESSE


Fière et triste à jamais qu’un Dieu fût mort pour elle,
En échange du sang répandu sur la croix,
Sa jeunesse a donné par amour et par choix
Au Seigneur sa beauté que le Seigneur fit belle.

Elle a vécu longtemps, humble, chaste et fidèle
Dans la blanche cellule et les cloîtres étroits,
Mais ses Sœurs, à son tour, voulurent que leurs fois
S’en remissent en paix à sa sainte tutelle.

La bure vêt son corps que le linge embéguine ;
Le jeûne a macéré sa figure sanguine ;
Son doigt suit sur la page entr’ouverte à ses yeux

La majuscule ornée et la lettre onciale,
Tandis qu’à l’autre main, où luit l’anneau pieux,
Se recourbe et fleurit la Crosse abbatiale.