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Les Martyrs/Livre vingt-quatrième

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Garnier frères (Œuvres complètes de Chateaubriand, tome 4p. 319-333).

Livre Vingt-Quatrième.

Adieux à la Muse. Maladie de Galérius. L’amphithéâtre de Vespasien. Eudore est conduit au martyre. Michel plonge Satan dans l’abîme. Cymodocée s’échappe d’auprès de son père, et vient trouver Eudore à l’amphithéâtre. Galérius apprend que Constantin a été proclamé césar. Martyre des deux époux. Triomphe de la religion chrétienne.

Ô Muse, qui daignas me soutenir dans une carrière aussi longue que périlleuse, retourne maintenant aux célestes demeures ! J’aperçois les bornes de la course ; je vais descendre du char, et pour chanter l’hymne des morts je n’ai plus besoin de ton secours. Quel François ignore aujourd’hui les cantiques funèbres ? Qui de nous n’a mené le deuil autour d’un tombeau, n’a fait retentir le cri des funérailles ? C’en est fait, ô Muse, encore un moment, et pour toujours j’abandonne tes autels ! Je ne dirai plus les amours et les songes séduisants des hommes : il faut quitter la lyre avec la jeunesse. Adieu, consolatrice de mes jours, toi qui partageas mes plaisirs et bien souvent mes douleurs ! Puis-je me séparer de toi sans répandre des larmes ! J’étois à peine sorti de l’enfance, tu montas sur mon vaisseau rapide et tu chantas les tempêtes qui déchiroient ma voile ; tu me suivis sous le toit d’écorce du sauvage et tu me fis trouver dans les solitudes américaines les bois du Pinde. À quel bord n’as-tu pas conduit mes rêveries ou mes malheurs ? Porté sur ton aile, j’ai découvert au milieu des nuages les montagnes désolées de Morven, j’ai pénétré les forêts d’Erminsul, j’ai vu couler les flots du Tibre, j’ai salué les oliviers du Céphise et les lauriers de l’Eurotas. Tu me montras les hauts cyprès du Bosphore et les sépulcres déserts du Simoïs. Avec toi je traversai l’Hermus, rival du Pactole ; avec toi j’adorai les eaux du Jourdain et je priai sur la montagne de Sion. Memphis et Carthage nous ont vus méditer sur leurs ruines, et dans les débris des palais de Grenade, nous évoquâmes les souvenirs de l’honneur et de l’amour. Tu me disois alors :

« Sache apprécier cette gloire dont un obscur et foible voyageur peut parcourir le théâtre en quelques jours. »

Ô Muse, je n’oublierai point tes leçons ! Je ne laisserai point tomber mon cœur des régions élevées où tu l’as placé. Les talents de l’esprit que tu dispenses s’affoiblissent par le cours des ans, la voix perd sa fraîcheur, les doigts se glacent sur le luth ; mais les nobles sentiments que tu inspires peuvent rester quand tes autres dons ont disparu. Fidèle compagne de ma vie, en remontant dans les cieux laisse-moi l’indépendance et la vertu. Qu’elles viennent, ces vierges austères, qu’elles viennent fermer pour moi le livre de la poésie et m’ouvrir les pages de l’histoire. J’ai consacré l’âge des illusions à la riante peinture du mensonge ; j’emploierai l’âge des regrets au tableau sévère de la vérité.

Mais que dis-je ! ne l’ai-je point déjà quitté le doux pays du mensonge ? Ah ! les maux que Galérius a fait souffrir aux chrétiens ne sont pas de vaines fictions !

Il est temps que le ciel venge sur l’oppresseur la cause de l’innocence opprimée. L’ange du sommeil n’a point voulu prêter l’oreille aux prières de Galérius : il l’a laissé en proie à l’ange exterminateur. Le vin de la colère de Dieu, en pénétrant dans les entrailles du persécuteur des fidèles, a fait éclater un mal caché, fruit de l’intempérance et de la débauche. Depuis la ceinture jusqu’à la tête, Galérius n’est plus qu’un squelette recouvert d’une peau livide, enfoncée entre des ossements ; le bas de son corps est enflé comme une outre, et ses pieds n’ont plus de forme. Lorsqu’au bord d’un vivier couvert de roseaux et de glaïeuls un serpent s’est attaché aux flancs d’un taureau, l’animal se débat dans les nœuds du reptile : il frappe l’air de sa corne ; mais bientôt, dompté par le venin, il tombe et se roule en mugissant : ainsi s’agite et rugit Galérius. La gangrène dévore ses intestins. Pour attirer au dehors les vers qui rongent ce maître du monde, on livre à ses plaies affamées des animaux nouvellement égorgés. On invoque Apollon, Esculape, Hygie : vaines idoles, qui ne peuvent se défendre elles-mêmes des vers qui leur percent le cœur ! Galérius fait trancher la tête aux médecins qui ne trouvent point de remèdes à ses souffrances.

« Prince, lui dit l’un d’entre eux, élevé secrètement dans la foi des chrétiens, cette maladie est au-dessus de notre art : il faut remonter plus haut. Souvenez-vous de ce que vous avez fait contre les serviteurs de Dieu, et vous saurez à qui vous devez avoir recours. Je suis prêt à mourir comme mes frères, mais les médecins ne vous guériront pas. » Cette franchise plonge Galérius dans des transports de rage. Il ne peut se résoudre à reconnoître l’impiété de ce titre d’Éternel dont il a surchargé une vie d’un moment. Sa fureur contre les chrétiens redouble : loin de vouloir suspendre leurs supplices, il confirme sa première sentence, et n’attend lui-même que le jour pour montrer à l’amphithéâtre le spectacle d’un prince mourant qui vient voir mourir ses sujets.

Son impatience ne fut pas longtemps éprouvée : déjà les flots jaunissants du Tibre, les coteaux d’Albe, les bois de Lucrétile et de Tibur, sourioient aux feux naissants de l’aurore. La rosée brilloit suspendue aux plantes comme une manne : la campagne romaine se montroit tout éclatante de la fraîcheur, et pour ainsi dire de la jeunesse de la lumière. Les monts lointains de la babine, qu’enveloppoit une vapeur diaphane, se peignoient de la couleur du fruit du prunier, quand sa pourpre violette est légèrement blanchie par sa fleur. On voyoit la fumée s’élever des hameaux, les brouillards fuir le long des collines, et la cime des arbres se découvrir : jamais plus beau jour n’étoit sorti de l’Orient pour contempler les crimes des hommes. Ô soleil ! sur le trône élevé d’où tu jettes un regard ici-bas, que te font nos larmes et nos malheurs ? Ton levant et ton coucher ne peuvent être troublés par le souffle de nos misères ; tu éclaires des mêmes rayons le crime et la vertu ; les générations passent, et tu poursuis ta course !

Cependant le peuple s’assembloit à l’amphithéâtre de Vespasien : Rome entière étoit accourue pour boire le sang des martyrs. Cent mille spectateurs, les uns voilés d’un pan de leur robe, les autres portant sur la tête une ombelle étoient répandus sur les gradins. La foule, vomie par les portiques, descendoit et montoit le long des escaliers extérieurs, et prenoit son rang sur les marches revêtues de marbre. Des grilles d’or défendoient le banc des sénateurs de l’attaque des bêtes féroces. Pour rafraîchir l’air, des machines ingénieuses faisoient monter des sources de vin et d’eau safranée, qui retomboient en rosée odoriférante. Trois mille statues de bronze, une multitude infinie de tableaux, des colonnes de jaspe et de porphyre, des balustres de cristal, des vases d’un travail précieux, décoroient la scène. Dans un canal creusé autour de l’arène nageoient un hippopotame et des crocodiles ; cinq cents lions, quarante éléphants, des tigres, des panthères, des taureaux, des ours accoutumés à déchirer des hommes, rugissoient dans les cavernes de l’amphithéâtre. Des gladiateurs non moins féroces envoyoient çà et là leurs bras ensanglantés. Auprès des antres du trépas s’élevoient des lieux de prostitution publique : des courtisanes nues et des femmes romaines du premier rang augmentoient, comme aux jours de Néron, l’horreur du spectacle, et venoient, rivales de la mort, se disputer les faveurs d’un prince mourant. Ajoutez les derniers hurlements des Ménades couchées dans les rues et expirant sous l’effort de leur dieu, et vous connoîtrez toutes les pompes et tout le déshonneur de l’esclavage.

Les prétoriens chargés de conduire les confesseurs au martyre assiégeoient déjà les portes de la prison de Saint-Pierre. Eudore, selon les ordres de Galérius, devoit être séparé de ses frères et choisi pour combattre le premier : ainsi, dans une troupe valeureuse, on cherche à terrasser d’abord le héros qui la guide. Le gardien de la prison s’avance à la porte du cachot, et appelle le fils de Lasthénès.

« Me voici, dit Eudore ; que voulez-vous ? »

« Sors pour mourir, » s’écria le gardien.

« Pour vivre, » répondit Eudore.

Et il se lève de la pierre où il étoit couché. Cyrille, Gervais, Protais, Rogatien et son frère Victor, Genès, Perséus, l’ermite du Vésuve, ne peuvent retenir leurs larmes.

« Confesseurs, leur dit Eudore, nous allons bientôt nous retrouver. Un instant séparés sur la terre, nous nous rejoindrons dans le ciel. »

Eudore avoit réservé pour ce dernier moment une tunique blanche, destinée jadis à sa pompe nuptiale ; il ajoute à cette tunique un manteau brodé par sa mère : il paroît plus beau qu’un chasseur d’Arcadie qui va disputer le prix des combats de l’arc ou de la lyre, dans les champs de Mantinée.

Le peuple et les prétoriens, impatients, appellent le fils de Lasthénès à grands cris.

« Allons ! » dit le martyr.

Et surmontant les douleurs du corps par la force de l’âme, il franchit le seuil du cachot. Cyrille s’écrie :

« Fils de la femme, on vous a donné un front de diamant : ne les craignez point, et n’ayez pas de peur devant eux. »

Les évêques entonnent le cantique des louanges, nouvellement composé à Carthage par Augustin, ami d’Eudore :

« Ô Dieu, nous te louons ! ô Dieu, nous te bénissons ! Les cieux, les anges, les trônes, les chérubins, te proclament trois fois saint… Seigneur, Dieu des armées ! »

Les évêques chantoient encore l’hymne de la victoire, et Eudore, sorti de la prison, jouissoit déjà de son triomphe : il étoit livré aux outrages. Le centurion de la garde le poussa rudement, et lui dit :

« Tu te fais bien attendre. »

« Compagnon, répondit Enclore en souriant, je marchois aussi vite que vous à l’ennemi ; mais aujourd’hui, vous le voyez, je suis blessé. »

On lui attacha sur la poitrine une feuille de papyrus, portant ces deux mots :

« Eudore chrétien. »

Le peuple le chargeoit d’opprobres.

« Où est maintenant son Dieu ? disoient-ils. Que lui a servi de préférer son culte à la vie ? Nous verrons s’il ressuscitera avec son Christ, ou si le Christ sera assez puissant pour l’arracher de nos mains. »

Et cette foule cruelle rendoit mille louanges à ses dieux, et elle se réjouissoit de la vengeance qu’elle tiroit des ennemis de leurs autels.

Le prince des ténèbres et ses anges, répandus sur la terre et dans les airs, s’enivroient d’orgueil et de joie ; ils se croyoient prêts à triompher de la croix, et la croix alloit les précipiter dans l’abîme. Ils excitoient les fureurs des païens contre le nouvel apôtre : on lui lançoit des pierres, on jetoit sous ses pieds blessés des débris de vases et des cailloux ; on le traitoit comme s’il eût été lui-même le Christ pour lequel ces infortunés avoient tant d’horreur. Il s’avançoit lentement du pied du Capitole à l’amphithéâtre, en suivant la voie Sacrée. Au temple de Jupiter Stator, aux Rostres, à l’arc de Titus, partout où se présentoit quelque simulacre des dieux, les hurlements de la foule redoubloient : on vouloit contraindre le martyr à s’incliner devant les idoles.

« Est-ce au vainqueur à saluer le vaincu ? disoit Eudore. Encore quelques instants, et vous jugerez de ma victoire. Ô Rome ! j’aperçois un prince qui met son diadème aux pieds de Jésus-Christ, Le temple des esprits des ténèbres est fermé, ses portes ne s’ouvriront plus, et des verrous d’airain en défendront l’entrée aux siècles à venir ! »

« Il nous prédit des malheurs, s’écrie le peuple : écrasons, déchirons cet impie. »

Les prétoriens peuvent à peine défendre le prophète martyr de la rage de ces idolâtres.

« Laissez-les faire, dit Eudore. C’est ainsi qu’ils ont souvent traité leurs empereurs ; mais vous ne serez point obligés d’employer la pointe de vos épées pour me forcer à lever la tête. »

On avoit brisé toutes les statues triomphales d’Eudore. Une seule étoit restée, et elle se trouva sur le passage du martyr ; un soldat ému de ce singulier hasard baissa son casque pour cacher l’attendrissement de son visage. Eudore l’aperçut, et lui dit :

« Ami, pourquoi pleurez-vous ma gloire ? C’est aujourd’hui que je triomphe ! Méritez les mêmes honneurs ! »

Ces paroles frappèrent le soldat, et quelques jours après il embrassa la religion chrétienne.

Eudore parvint ainsi jusqu’à l’amphithéâtre comme un noble coursier percé d’un javelot sur le champ de bataille s’avance encore au combat sans paroître sentir sa blessure mortelle.

Mais tous ceux qui pressoient le confesseur n’étoient pas des ennemis : un grand nombre étoient des fidèles, qui cherchoient à toucher le vêtement du martyr, des vieillards qui recueilloient ses paroles, des prêtres qui lui donnoient l’absolution du milieu de la foule, des jeunes gens, des femmes qui crioient :

« Nous demandons à mourir avec lui. »

Le confesseur calmoit d’un mot, d’un geste, d’un regard, ces élans de la vertu, et ne paroissoit occupé que du péril de ses frères. L’enfer l’attendoit à la porte de l’arène pour lui livrer un dernier assaut. Les gladiateurs, selon l’usage, voulurent revêtir le chrétien d’une robe des prêtres de Saturne.

« Je ne mourrai point, s’écrie Eudore, dans le déguisement d’un lâche déserteur et sous les couleurs de l’idolâtrie : je déchirerai plutôt de mes mains l’appareil de mes blessures. J’appartiens au peuple romain et à César : si vous les privez par ma mort du combat que je leur dois, vous en répondrez sur votre tête. »

Intimidés par cette menace, les gladiateurs ouvrirent les portes de l’amphithéâtre, et le martyr entra seul et triomphant dans l’arène.

Aussitôt un cri universel, des applaudissements furieux, prolongés depuis le faîte jusqu’à la base de l’édifice, en font mugir les échos. Les lions et toutes les bêtes renfermées dans les cavernes répondent dignement aux éclats de cette joie féroce : le peuple lui-même tremble d’épouvante ; le martyr seul n’est point effrayé. Tout à coup il se souvient du pressentiment qu’il eut jadis dans ce même lieu. Il rougit de ses erreurs passées ; il remercie Dieu, qui l’a reçu dans sa miséricorde, et l’a conduit, par un merveilleux conseil, à une fin si glorieuse. Il songe avec attendrissement à son père, à ses sœurs, à sa patrie ; il recommande à l’Éternel Démodocus et Cymodocée : ce fut sa dernière pensée de la terre, il tourne son esprit et son cœur uniquement vers le ciel.

L’empereur n’étoit point encore arrivé et l’intendant des jeux n’avoit pas donné le signal. Le martyr blessé demande au peuple la permission de s’asseoir sur l’arène, afin de mieux conserver ses forces ; le peuple y consent, dans l’espoir de voir un plus long combat. Le jeune homme, enveloppé de son manteau, s’incline sur le sable qui va boire son sang, comme un pasteur se couche sur la mousse au fond d’un bois solitaire.

Cependant, dans les profondeurs de l’éternité, une plus vive lumière sortoit du Saint des saints. Les anges, les trônes, les dominations, prosternés, entendoient, saisis de joie, une voix qui disoit :

« Paix à l’Église ! Paix aux hommes ! »

L’hostie étoit acceptée : la dernière goutte du sang du juste alloit faire triompher cette religion qui devoit changer la face de la terre. La cohorte des martyrs s’ébranle : les divins guerriers s’assemblent au bruit d’une trompette sonnée par l’ange des armées du Seigneur. Là brille Étienne, le premier des confesseurs ; là se montrent l’intrépide Laurent, l’éloquent Cyprien, et vous, honneur de cette pieuse et fidèle cité que le Rhône ravage et que la Saône caresse. Tous portés sur une nuée lumineuse, ils descendent pour recevoir l’heureux soldat à qui la grande victoire est réservée. Les cieux s’abaissent et s’entr’ouvrent. Les chœurs des patriarches, des prophètes, des apôtres, des anges, viennent admirer le combat du juste. Les saintes femmes, les veuves, les vierges, environnent et félicitent la mère d’Eudore, qui seule détourne ses yeux de la terre et les tient attachés sur le trône de Dieu.

Alors Michel arme sa droite de ce glaive qui marche devant le Seigneur et qui frappe des coups inattendus ; il prend dans sa main gauche une chaîne forgée au feu des éclairs, dans les arsenaux de la colère céleste. Cent archanges en formèrent les anneaux indestructibles, sous la direction d’un ardent chérubin ; par un travail admirable, l’airain fondu avec l’argent et l’or se façonna sous leurs marteaux pesants ; ils y mêlèrent trois rayons de la vengeance éternelle ; le désespoir, la terreur, la malédiction, un carreau de la foudre, et cette matière vivante qui composoit les roues du char d’Ézéchiel. Au signal du Dieu fort, Michel s’élance des cieux comme une comète. Les astres effrayés croient toucher à la borne de leur cours. L’archange met un pied sur la mer et l’autre sur la terre. Il crie d’une voix terrible, et sept tonnerres parlent avec lui :

« Le règne du Christ est établi ; l’idolâtrie est passée ; la mort ne sera plus. Race perverse, délivrez le monde de votre présence ; et toi, Satan, rentre dans le puits de l’abîme où tu seras enchaîné pour mille ans. »

À ces accents formidables, les anges rebelles sont saisis d’épouvante. Le prince des enfers veut résister encore et combattre l’envoyé du Très-Haut : il appelle à lui Astarté et les démons de la fausse sagesse et de l’homicide : mais déjà précipités dans l’asile des douleurs, ils sont punis par de nouveaux tourments des maux qu’ils viennent de faire aux hommes. Satan, demeuré seul, essaye en vain de résister au guerrier céleste : la force lui est subitement ôtée ; il sent que son sceptre est brisé et sa puissance détruite. Précédé de ses légions éperdues, il se plonge avec un affreux rugissement dans le puits de l’abîme. Les chaînes vivantes tombent avec lui, l’embrassent et le lient sur un rocher enflammé au centre de l’enfer.

Le fils de Lasthénès entend dans les airs des concerts ineffables, et les sons lointains de mille harpes d’or, mêlés à des voix mélodieuses. Il lève la tête, et voit l’armée des martyrs renversant dans Rome les autels des faux dieux et sapant les fondements de leurs temples parmi des tourbillons de poussière. Une échelle merveilleuse descend d’une nue jusqu’aux pieds d’Eudore. Cette échelle étoit de jaspe, d’hyacinthe, de saphirs et d’émeraudes, comme les fondements de la Jérusalem céleste. Le martyr contemple la vision de splendeur, et appelle par ses soupirs l’instant où il pourra suivre ce chemin du ciel.

Et pourtant ce n’est pas là toute la gloire que le Dieu de Jacob réserve à son peuple. Il entretient encore dans le cœur d’une foible femme les plus nobles et les plus généreux desseins. Quand l’alouette matinale attend sur des guérets nouveaux le retour de la lumière, aussitôt que le jour naissant a blanchi les bords des nuages, elle quitte la terre, et fait entendre en montant dans les airs un hymne qui charme le voyageur : ainsi la vigilante Cymodocée veille attentivement à la première clarté de l’aube, pour aller chanter dans le ciel des cantiques qui raviront Israël. Un rayon de l’aurore parvient jusqu’à la jeune chrétienne, à travers le laurier de Virgile. Aussitôt elle se lève en silence et reprend le vêtement du martyre, qu’elle avoit eu soin de garder. Le prêtre d’Homère goûtoit encore le sommeil que l’ange avoit répandu sur ses yeux. Cymodocée s’approche doucement, et se met à genoux au bord du lit de Démodocus. Elle contemple son père en versant des larmes muettes ; elle écoute la respiration paisible du vieillard ; elle songe à son affreux réveil ; elle peut à peine étouffer les sanglots de la piété filiale. Soudain elle rappelle son courage, ou plutôt son amour et sa foi : elle s’échappe furtivement, comme la nouvelle épouse à Sparte se déroboit aux regards de sa mère pour aller jouir des embrassements de son époux.

Dorothée n’avoit point passé la nuit dans la maison de Virgile : les chrétiens ne s’endormoient point ainsi la veille de la mort de leurs frères ; accompagné de tous ses serviteurs, il s’étoit rendu à l’amphithéâtre avec Zacharie. Déguisés, au milieu de la foule, ils attendoient le combat du martyr, afin de dérober ensuite le corps glorieux et de lui donner la sépulture : ainsi une troupe de colombes près d’une ferme où l’on bat le blé nouveau attend que les moissonneurs se soient retirés, pour cueillir le grain resté sur l’aire.

Cymodocée ne rencontre donc point d’obstacles à sa fuite. Qui auroit pu deviner ses desseins ? Elle descend sous le péristyle, et, ouvrant la porte extérieure, elle s’élance dans cette Rome qui lui étoit inconnue.

Elle erre d’abord par des rues désertes : tout le peuple s’étoit porté vers l’amphithéâtre. Elle ne sait où tourner ses pas ; elle s’arrête et prête une oreille attentive, comme une sentinelle qui cherche à surprendre le bruit de l’ennemi. Il lui semble entendre un murmure lointain ; elle court aussitôt de ce côté : plus elle approche, plus s’accroît le murmure. Bientôt elle aperçoit une longue file de soldats, d’esclaves, de femmes, d’enfants, de vieillards qui suivoient tous le même chemin ; elle voit passer des litières, voler des chars et des cavaliers. Mille accents, mille voix s’élèvent, et dans cette rumeur confuse Cymodocée distingue ce cri répété :

« Les chrétiens aux bêtes ! »

« Me voici ! » dit-elle avant qu’on pût l’entendre.

Et elle s’avançoit sur une hauteur qui dominoit la foule répandue autour de l’amphithéâtre. Cymodocée descendant de la colline au lever de l’aurore parut comme cette étoile du matin que la nuit prête un moment au jour. La Grèce, à genoux, l’eût prise pour l’amante de Zéphyre ou de Céphale ; Rome reconnut à l’instant une chrétienne : sa robe d’azur, son voile blanc, son manteau noir, la trahirent encore moins que sa modestie.

« C’est une chrétienne échappée ! s’écria la foule : arrêtons-la. »

« Oui, répondit Cymodocée en rougissant devant cette multitude, je suis chrétienne, mais je ne suis point échappée ; je ne suis qu’égarée. J’ai pu me tromper de chemin, moi qui suis jeune et née loin d’ici sur le rivage de la Grèce, ma douce patrie. Puissants enfants de Romulus, voulez-vous me conduire à l’amphithéâtre ? »

Ce langage, qui auroit désarmé des tigres, n’attira sur Gymodocée que des railleries et des outrages. Elle étoit tombée dans un groupe d’hommes et de femmes chancelant sous les fumées du vin. Une voix voulut dire que cette Grecque n’étoit peut-être pas condamnée aux bêtes.

« Je le suis, répondit la jeune chrétienne avec timidité : on m’attend à l’amphithéâtre. »

La troupe aussitôt l’y conduit en poussant des hurlements. Le gladiateur commis à l’introduction des martyrs n’avoit point d’ordre pour cette victime, et refusoit de l’admettre au lieu du sacrifice ; mais une des portes de l’arène, venant à s’ouvrir, laisse voir Eudore dans l’enceinte : Cymodocée s’élance comme une flèche légère, et va tomber dans les bras de son époux.

Cent mille spectateurs se lèvent sur les gradins de l’amphithéâtre et s’agitent on tumulte. On se penche en avant, on regarde dans l’arène, on se demande quelle est cette femme qui vient de se jeter dans les bras du chrétien. Ceux-ci disoient :

« C’est son épouse, c’est une chrétienne qui va mourir : elle porte la robe des condamnés. »

Ceux-là :

« C’est l’esclave d’Hiéroclès, nous la reconnoissons ; c’est cette Grecque qui s’est déclarée ennemie des dieux lorsque nous voulions la sauver. »

Quelques voix timides :

« Elle est si jeune et si belle ! »

Mais la multitude :

« Eh bien ! qu’elle soit livrée aux bêtes, avant de multiplier dans l’empire la race des impies ! »

L’horreur, le ravissement, une affreuse douleur, une joie inouïe, ôtoient la parole au martyr : il pressoit Cymodocée sur son cœur ; il auroit voulu la repousser ; il sentoit que chaque minute écoulée amenoit la fin d’une vie pour laquelle il eût donné un million de fois la sienne. À la fin il s’écrie, en versant des torrents de pleurs :

« Ô Cymodocée ! que venez-vous faire ici ? Dieu ! est-ce dans ce moment que je devois jamais vous voir ! Quel charme ou quel malheur vous a conduite sur ce champ de carnage ? Pourquoi venez-vous ébranler ma foi ? Comment pourrai-je vous voir mourir ? »

« Seigneur, dit Cymodocée avec des sanglots, pardonnez à votre servante. J’ai lu dans vos livres saints : « La femme quittera son père et sa mère pour s’attacher à son époux. » J’ai quitté mon père, je me suis dérobée à son amour pendant son sommeil : je viens demander votre grâce à Galérius ou partager votre mort. »

Cymodocée aperçoit le visage pâle d’Eudore, ses blessures couvertes d’un vain appareil : elle jette un cri, et, dans un saint transport, elle baise les pieds du martyr et les plaies sacrées de ses bras et de sa poitrine. Qui pourroit exprimer les sentiments d’Eudore lorsqu’il sent ces lèvres pures presser son corps défiguré ? Qui pourroit dire l’inconcevable charme de ces premières caresses d’une femme aimée ressenties à travers les plaies du martyre ? Tout à coup le ciel inspire le confesseur ; sa tête paroît rayonnante et son visage resplendissant de la gloire de Dieu ; il tire de son doigt un anneau, et le trempant dans le sang de ses blessures :

« Je ne m’oppose plus à vos desseins, dit-il à Cymodocée : je ne puis vouloir vous ravir plus longtemps une couronne que vous recherchez avec tant de courage. Si j’en crois la voix secrète qui parle à mon cœur, votre mission sur cette terre est finie : votre père n’a plus besoin de vos secours ; Dieu s’est chargé du soin de ce vieillard : il va connoître la vraie lumière et bientôt il rejoindra ses enfants dans ces demeures où rien ne pourra plus les lui ravir. Ô Cymodocée ! je vous l’avois prédit, nous serons unis ; il faut que nous mourions époux. C’est ici l’autel, l’église, le lit nuptial. Voyez cette pompe qui nous environne, ces parfums qui tombent sur nos têtes. Levez les yeux, et contemplez au ciel avec les regards de la foi cette pompe bien autrement belle. Rendons légitimes les embrassements éternels qui vont suivre notre martyre : prenez cet anneau et devenez mon épouse. »

Le couple angélique tombe à genoux au milieu de l’arène ; Eudore met l’anneau trempé de son sang au doigt de Cymodocée.

« Servante de Jésus-Christ, s’écrie-t-il, recevez ma foi. Vous êtes aimable comme Rachel, sage comme Rebecca, fidèle comme Sara, sans avoir eu sa longue vie. Croissons, multiplions pour l’éternité, remplissons le ciel de nos vertus. »

À l’instant le ciel, ouvert, célèbre ces noces sublimes : les anges entonnent le cantique de l’épouse ; la mère d’Eudore présente à Dieu ses enfants unis, qui vont bientôt paroître au pied du trône éternel ; les vierges martyres tressent la couronne nuptiale de Cymodocée ; Jésus-Christ bénit le couple bienheureux, et l’Esprit-Saint lui fait don d’un intarissable amour.

Cependant la foule, qui voyoit les deux chrétiens à genoux, croyoît qu’ils lui demandoient la vie. Tournant aussitôt le pouce vers eux, comme dans les combats de gladiateurs, elle repoussoit leur prière par ce signe et les condamnoit à mort ! Le peuple romain, que ses nobles privilèges avoient fait surnommer le peuple-roi, avoit depuis longtemps perdu son indépendance : il n’étoit resté le maître absolu que dans la direction de ses plaisirs ; et comme on se servoit de ces mêmes plaisirs pour l’enchaîner et le corrompre, il ne possédoit en effet que la souveraineté de son esclavage. Le gladiateur des portiques vint dans ce moment recevoir les ordres du peuple sur le sort de Cymodocée.

« Peuple libre et puissant, dit-il, cette chrétienne est entrée hors de son rang dans l’arène ; elle étoit condamnée à mourir avec le reste des impies, après le combat de leur chef ; elle s’est échappée de la prison. Égarée dans Rome, son mauvais génie, ou plutôt le génie de l’empire, l’a ramenée à l’amphithéâtre. »

Le peuple cria d’une commune voix :

« Les dieux l’ont voulu : qu’elle reste et qu’elle meure ! »

Un petit nombre, intérieurement travaillé par le Dieu des miséricordes, paroissoit touché de la jeunesse de Cymodocée : il vouloit que l’on fît grâce à cette chrétienne ; mais la foule répétoit :

« Qu’elle reste et qu’elle meure ! Plus la victime est belle, plus elle est agréable aux dieux. »

Ce n’étoient plus ces enfants de Brutus, qui maudissoient le grand Pompée pour avoir fait combattre de paisibles éléphants ; c’étoient des hommes abrutis par la servitude, aveuglés par l’idolâtrie, et chez qui toute humanité s’étoit éteinte avec le sentiment de la liberté.

Une voix s’échappe des combles de l’amphithéâtre. C’en est fait : Dorothée renonce à la vie.

« Romains, s’écrie-t-il, c’est moi qui ai tout fait, c’est moi qui cette nuit même avois enlevé cet ange du ciel qui vient se remettre entre vos mains. Je suis chrétien, je demande le combat. Puisse l’infâme Jupiter tomber bientôt avec son temple ! Puisse-t-il écraser dans sa chute ses horribles adorateurs ! Puisse l’éternité allumer ses flammes vengeresses pour engloutir des barbares qui restent insensibles à tous les charmes du malheur, de la jeunesse et de la vertu ! »

En prononçant ces paroles, Dorothée renverse une statue de Mercure. Aussitôt l’attention et l’indignation du peuple se tournent de ce côté.

« Un chrétien dans l’amphithéâtre ! Qu’on le saisisse ; qu’on le livre aux gladiateurs ! »

Dorothée est entraîné hors de l’édifice, et condamné à périr avec la foule des confesseurs.

Tout à coup retentit le bruit des armes : le pont qui conduisoit du palais de l’empereur à l’amphithéâtre s’abaisse, et Galérius ne fait qu’un pas de son lit de douleur au carnage : il avoit surmonté son mal, pour se présenter une dernière fois au peuple. Il sentoit à la fois l’empire et la vie lui échapper : un messager arrivé des Gaules venoit de lui apprendre la mort de Constance. Constantin, proclamé césar par les légions, s’étoit en même temps déclaré chrétien, et se disposoit à marcher vers Rome. Ces nouvelles, en portant le trouble dans l’âme de Galérius, avoient rendu plus cuisante la plaie hideuse de son corps ; mais, renfermant ses douleurs dans son sein, soit qu’il cherchât à se tromper lui-même, soit qu’il voulût tromper les hommes, ce spectre vint s’asseoir au balcon impérial, comme la mort couronnée. Quel contraste avec la beauté, la vie, la jeunesse, exposées dans l’arène à la fureur des léopards !

Lorsque l’empereur parut, les spectateurs se levèrent et lui donnèrent le salut accoutumé. Eudore s’incline respectueusement devant César. Cymodocée s’avance sous le balcon pour demander à l’empereur la grâce d’Eudore et s’offrir elle-même en sacrifice. La foule tira Galérius de l’embarras de se montrer miséricordieux ou cruel : depuis longtemps elle attendoit le combat ; la soif du sang avoit redoublé à la vue des victimes. On crie de toutes parts :

« Les bêtes ! Qu’on lâche les bêtes ! Les impies aux bêtes ! »

Eudore veut parler au peuple en faveur de Cymodocée ; mille voix étouffent sa voix :

« Qu’on donne le signal ! Les bêtes ! Les chrétiens aux bêtes ! »

Le son de la trompette se fait entendre : c’est l’annonce de l’apparition des bêtes féroces. Le chef des rétiaires[1] traverse l’arène, et vient ouvrir la loge d’un tigre connu par sa férocité.

Alors s’élève entre Eudore et Cymodocée une contestation à jamais mémorable : chacun des deux époux vouloit mourir le dernier.

« Eudore, disoit Cymodocée, si vous n’étiez pas blessé, je vous demanderois à combattre la première ; mais à présent j’ai plus de force que vous, et je puis vous voir mourir. »

« Cymodocée, répondit Eudore, il y a plus longtemps que vous que je suis chrétien : je pourrai mieux supporter la douleur ; laissez-moi quitter la terre le dernier. »

En prononçant ces paroles, le martyr se dépouille de son manteau ; il en couvre Cymodocée, afin de mieux dérober aux yeux des spectateurs les charmes de la fille d’Homère, lorsqu’elle sera traînée sur l’arène par le tigre. Eudore craignoit qu’une mort aussi chaste ne fût souillée par l’ombre d’une pensée impure, même dans les autres. Peut-être aussi étoit-ce un dernier instinct de la nature, un mouvement de cette jalousie qui accompagne le véritable amour jusqu’au tombeau.

La trompette sonne pour la seconde fois.

On entend gémir la porte de fer de la caverne du tigre : le gladiateur qui l’avoit ouverte s’enfuit effrayé. Eudore place Cymodocée derrière lui. On le voyoit debout, uniquement attentif à la prière, les bras étendus en forme de croix, et les yeux levés vers le ciel.

La trompette sonne pour la troisième fois.

Les chaînes du tigre tombent, et l’animal furieux s’élance en rugissant dans l’arène : un mouvement involontaire fait tressaillir les spectateurs. Cymodocée, saisie d’effroi, s’écrie :

« Ah ! sauvez-moi ! »

Et elle se jette dans les bras d’Eudore, qui se retourne vers elle. Il la serre contre sa poitrine, il auroit voulu la cacher dans son cœur. Le tigre arrive aux deux martyrs. Il se lève debout, et enfonçant ses ongles dans les flancs du fils de Lasthénès, il déchire avec ses dents les épaules du confesseur intrépide. Comme Cymodocée, toujours pressée dans le sein de son époux, ouvroit sur lui des yeux pleins d’amour et de frayeur, elle aperçoit la tête sanglante du tigre auprès de la tête d’Eudore. À l’instant la chaleur abandonne les membres de la vierge victorieuse ; ses paupières se ferment ; elle demeure suspendue aux bras de son époux, ainsi qu’un flocon de neige aux rameaux d’un pin du Ménale ou du Lycée. Les saintes martyres, Eulalie, Félicité, Perpétue, descendent pour chercher leur compagne : le tigre avoit brisé le cou d’ivoire de la fille d’Homère. L’ange de la mort coupe en souriant le fil des jours de Cymodocée. Elle exhale son dernier soupir sans effort et sans douleur ; elle rend au ciel un souffle divin qui sembloit tenir à peine à ce corps formé par les Grâces ; elle tombe comme une fleur que la faux du villageois vient d’abattre sur le gazon. Eudore la suit un moment après dans les éternelles demeures : on eût cru voir un de ces sacrifices de paix où les enfants d’Aaron offroient au Dieu d’Israël une colombe et un jeune taureau.

Les époux martyrs avoient à peine reçu la palme, que l’on aperçut au milieu des airs une croix de lumière, semblable à ce Labarum qui fit triompher Constantin : la foudre gronda sur le Vatican, colline alors déserte, mais souvent visitée par un esprit inconnu ; l’amphithéâtre fut ébranlé jusque dans ses fondements ; toutes les statues des idoles tombèrent, et l’on entendit, comme autrefois à Jérusalem, une voix qui disoit :

« Les dieux s’en vont. »

La foule, éperdue, quitte les jeux. Galérius, rentré dans son palais, s’abandonne aux plus noires fureurs ; il ordonne qu’on livre au glaive les illustres compagnons d’Eudore. Constantin paroît aux portes de Rome. Galérius succombe aux horreurs de son mal : il expire en blasphémant l’Éternel. En vain un nouveau tyran s’empare du pouvoir suprême : Dieu tonne du haut du ciel ; le signe du salut brille ; Constantin frappe, Maxence est précipité dans le Tibre. Le vainqueur entre dans la cité reine du monde : les ennemis des chrétiens se dispersent. Le prince, ami d’Eudore, s’empresse alors de recueillir les derniers soupirs de Démodocus, que la douleur enlève à la terre, et qui demande le baptême pour aller rejoindre sa fille bien aimée. Constantin vole aux lieux où l’on avoit entassé les corps des victimes : les deux époux conservoient toute leur beauté dans la mort. Par un miracle du ciel, leurs plaies se trouvoient fermées, et l’expression de la paix et du bonheur étoit empreinte sur leur front. Une fosse est creusée pour eux dans ce cimetière où le fils de Lasthénès fut autrefois retranché du nombre des fidèles. Les légions des Gaules, jadis conduites à la victoire par Eudore, entourent le monument funèbre de leur ancien général. L’aigle guerrière de Romulus est décorée de la croix pacifique. Sur la tombe des jeunes martyrs Constantin reçoit la couronne d’Auguste, et sur cette même tombe il proclame la religion chrétienne religion de l’empire.


fin des martyrs.

  1. Gladiateurs qui combattoient avec un filet.