Les Merveilleux Voyages de Marco Polo dans l’Asie du XIIIe siècle/Partie II/Chapitre 23

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CHAPITRE XXIII

Le grand commerce de Cambaluc


Après être resté en cet endroit de mars à la mi-mai, le grand Khan retourne à Cambaluc, sa capitale. Cette ville a un si grand nombre de maisons et d’habitants que la chose semble impossible, car il y a douze faubourgs, autant que de portes, et ces faubourgs sont plus peuplés que la ville. C’est là qu’habitent les marchands et les étrangers de passage, qui apportent les redevances au Khan ou viennent commercer à sa cour. Aussi les belles maisons sont-elles aussi nombreuses au dehors de la ville qu’au dedans.

On n’ensevelit pas les morts à l’intérieur des murailles. Les corps des idolâtres sont brûlés dans un endroit désigné à cet effet, loin de la ville et des faubourgs. Quant aux chrétiens, aux musulmans et à ceux que leur loi commande d’enterrer, leurs cadavres sont aussi transportés dans un endroit éloigné, hors des faubourgs ; ainsi la terre est meilleure et plus saine.

Je vous dis qu’en cette ville il y a abondance de tout plus qu’en aucune autre ville du monde. Car chacun apporte des marchandises, les uns pour le prince, d’autres pour la cour, d’autres pour la ville, qui est si vaste, d’autres pour les puissantes armées du grand Khan, qui campent aux environs. C’est un défilé interminable de toutes choses : il n’y a pas de jour dans l’année où n’entrent dans la ville mille charrettes de soie, qui servent à fabriquer des étoffes de soie et d’or. La chose ne doit pas surprendre, car le lin n’existe pas dans ces régions et la soie est employée pour tous les usages. Il est vrai que le coton et le chanvre poussent en quelques endroits, mais les habitants ne s’en servent guère, ayant en abondance et à bon marché la soie qui vaut mieux que le coton.

Autour de cette grande ville de Cambaluc il y a bien deux cents villes qui se pressent les unes contre les autres ; de chacune viennent des marchands pour vendre et acheter. Tous trouvent à vendre ce qu’ils apportent et achètent en échange d’autres denrées. Aussi se fait-il dans la ville un immense commerce.