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Les Minutes de sable mémorial/Châsse

La bibliothèque libre.
Fasquelle éditeurs (p. 57-60).

LA RÉGULARITÉ DE LA CHÂSSE

I

Châsse claire où s’endort mon amour chaste et cher,
Je m’abrite en ton ombre infinie et charmante,
Sur le sol des tombeaux où la terre est la chair…
Mais sur ton corps frileux tu ramènes ta mante.

Rêve ! rêve et repose ! Écoute, bruit berceur,
Voler vers le ciel vain les voix vagues des vierges.
Elles n’ont point filé le linceul de leur sœur.
Croissez, ô doigts de cire et blêmissants des cierges,

Main maigrie et maudite où menace la mort !
Ô Temps ! n’épanche plus l’urne des campanules
En gouttes lourdes… Hors de la flamme qui mord
Nait une nef noyée en des nuits noires, nulles ;

Puis les piliers polis poussent comme des pins,
Et les torchères sont des poings de parrirides.
Et la flamme peureuse oscille aux vitraux peints
Qui lancent à la nuit leurs lames translucides…


L’orgue soupire et gronde en sa trompe d’airain
Des sons sinistres et sourds, des voix comme celles
Des morts roulés sans trêve au courant souterrain…
Des sylphes font chanter les clairs violoncelles.

C’est le bal de l’abîme où l’amour est sans fin ;
Et la danse vous noie en sa houleuse alcôve.
La bouche de la tombe encore ouverte a faim ;
Mais ma main mince mord la mer de moire mauve…

Puis l’engourdissement délicieux des soirs
Vient poser sur mon cou son bras fort ; et m’effleurent
Les lents vols sur les murs lourds des longs voiles noirs…
Seules les lampes d’or ouvrent leurs yeux qui pleurent.

II

Pris
dans l’eau calme de granit gris,
nous voguons sur la lagune dolente.
Notre gondole et ses feux d’or
dort
lente.


Dais
d’un ciel de cendre finlandais
où vont se perdant loin les mornes berges,
n’obscurcis plus, blêmes fanaux,
nos
cierges.

Nef
dont l’avant tombe à pic et bref,
abats tes mâts, tes voiles, noires trames ;
glisse sur les flots marcescents
sans
rames.

Puis
dans l’air froid comme un fond de puits
l’orgue nous berçant ouate sa fanfare.
Le vitrail nous montre, écusson,
son
phare.

Clair,
un vol d’esprits flotte dans l’air :
corps aériens transparents, blancs linges,
inquiétants regards dardés
des
sphinges.


Et
le criblant d’un jeu de palet,
fins disques, brillez au toit gris des limbes
mornes et des souvenirs feus,
bleus
nimbes…

La
gondole spectre que hala
la mort sous les ponts de pierre en ogive,
illuminant son bord brodé
dé-
rive.

Mis
tout droits dans le fond, endormis,
nous levons nos yeux morts aux architraves,
d’où les cloches nous versent leurs
pleurs
graves.