Les Mystères de Londres/1/29

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Au Comptoir des imprimeurs unis (3p. 253-286).


XXIX


COMÉDIE.


Tyrrel l’Aveugle et la Française écoutaient.

— Je suis ruiné, reprit Brian de Lancester, si bien ruiné, madame, que mes ressources personnelles égalent à peine celles du plus pauvre mendiant.

— Je crois que je suis riche, moi, interrompit timidement Susannah.

— Et pourtant, poursuivit Brian, je vis comme mes pairs vivent ; j’étale un certain luxe… Le temps de faire des dettes est passé pour moi. Nul ne voudrait me prêter… D’où pensez-vous que je tire mes moyens de vivre, madame ?

— Je ne sais, répondit Susannah, qui aurait voulu revenir bien vite aux paroles d’amour.

— Je vais vous le dire… Vous seule au monde le saurez… Une main mystérieuse, madame, me jette chaque mois une périodique aumône.

— C’était cela son grand secret, grommela Tyrrel ; j’avais, pardieu ! mes raisons pour en savoir quelque chose.

— Écoutez donc ! milord, dit la curieuse petite femme.

— Chaque mois, continua Brian, par des moyens divers et toujours occultes, je reçois cent livres sterling.

— Et c’est cent livres de perdues, très honorable fou ! grommela encore Tyrrel ; mais le maître le veut et je m’en lave les mains.

— Écoutez donc, milord ! répéta madame la duchesse douairière de Gêvres, comtesse de Cantacouzène, etc.

— Ces dons sont périodiques, reprit Brian ; ils m’arrivent régulièrement et sans retard aucun. Ils ne m’ont jamais manqué, et, chose étrange ! le premier paiement a eu lieu le jour même où ma ruine étant consommée, je me suis demandé, pour la première fois, ce qu’il me restait à faire en ce monde.

Brian prononça ces mots à voix basse et avec tristesse.

— Vous avez donc été près de la mort, vous aussi ? murmura Susannah, dont les grands yeux noirs étaient humides.

— Je ne sais, dit Brian, qui baissa la voix encore et à tel point que Susannah fut obligée de se pencher vers lui pour entendre ; — je ne sais, madame… Mon cœur était plein de haine, et le désespoir conseille mal… Mais il est mon frère, après tout, et Dieu m’aurait fait la grâce sans doute de mourir avant de frapper… Oui, madame, oh ! je veux le croire ! et vous, croyez-le… croyez-le ! c’était près de la mort que j’étais, — et non pas près du crime !

Brian était pâle. Il y avait de l’égarement dans ses yeux fixes, et sa main froide tremblait par brusques secousses dans celles de Susannah.

— Brian, dit-elle, avec un doux accent de prière, ne soyez pas triste auprès de moi, car je ne sais pas vous voir souffrir. Vous avez été malheureux, mon Dieu ! vous, Brian !… Qui donc a le droit de se plaindre… Oh ! que ne peut-on donner sa vie pour le bonheur de ceux qu’on aime…. Nous ne souffririons plus !…

À son tour, elle attira les mains de Lancester et les serra passionnément contre sa poitrine.

— Hélas ! reprit-elle, que suis-je pour vous consoler ?.. Je n’ai que mon amour à vous donner, Brian, mais il est à vous, au moins, tout à vous ! Si j’en distrais une part, c’est pour la reporter sur cette main discrète et amie qui…

— Ne parlons pas de cela ! interrompit Lancester en fronçant le sourcil : je vous ai dit mon secret… Gardez-le, — même vis-à-vis de moi !… Savez-vous ce que c’est pour un gentilhomme, madame, que d’accepter une aumône ?

— Non, dit Susannah, qui baissa les yeux timidement sous le regard hautain de Brian. — Vous ai-je offensé ?… Vous souriez… Merci ! oh ! merci ! J’étais bien forte hier… aujourd’hui, Brian, vous pourriez me tuer d’une parole.

— Vous le voyez bien, madame, reprit celui-ci après un silence et en passant la main sur son front où perlaient quelques gouttes de sueur ; nous serons malheureux.

— Non !… Écoutez ! s’écria tout-à-coup Susannah dont le beau visage rayonna ; — vous n’aurez plus besoin de recevoir… Je suis puissante, moi ! je l’avais oublié !… Brian, que je suis heureuse d’être riche !… Vous m’avez dit votre secret, je veux vous dire le mien : — Écoutez ! écoutez !…

— Courez, courez, madame ! murmura Tyrrel en poussant la petite Française ; — il ne faut pas qu’elle prononce un mot de plus !

En même temps, il saisit une chaise à deux mains et en frappa violemment le parquet. La chaise se brisa ; — mais Susannah, effrayée de ce bruit, se leva ainsi que Brian. L’entretien était rompu.

— Qu’est cela, madame ? demanda Lancester avec soupçon.

Avant que Susannah eût pu répondre, la porte s’ouvrit et le nom de madame la duchesse douairière de Gêvres fut lancé dans le salon. La petite femme, suivant de près son nom, entra, bondissant, souriant et saluant.

— Ma chère enfant ; dit-elle, la voiture est attelée : je vous attends.

Susannah jeta un regard de regret vers Brian qui s’inclina et prit congé.

— Vous savez ce qu’on attend de vous, ma chère belle, poursuivit la petite douairière, lorsque Brian fut parti… C’est bien simple… moins que rien !… Si, par hasard, vous refusiez, ma fille, vous perdriez les bonnes grâces de vos protecteurs, et l’Honorable Brian…

— Qu’a-t-il à faire en ceci, madame interrompit fièrement Susannah.

— Ne nous fâchons pas, mon amour… et l’Honorable Brian, disais-je, perdrait ses cent livres sterling.

— Quoi ! s’écria Susannah en pâlissant, — vous savez cela !

— C’est effrayant, mon amour, tout ce que je sais ! dit la petite femme d’un ton moitié sérieux, moitié plaisant.

Elle jeta un châle sur les épaules de Susannah, la coiffa elle-même en un tour de main et l’entraîna vers la grille où stationnait le brillant équipage aux armes de Dunois. Elles y montèrent toutes deux. Les nobles chevaux prirent le galop et ne s’arrêtèrent que dans Castle-Street, devant Dudley-House, demeure de Frank Perceval.

Madame la duchesse de Gêvres mit la tête à la portière.

— Tournez les chevaux du côté de Regent’s-Street, dit-elle au cocher. Celui-ci obéit.

— Ma chère belle, reprit la petite femme en s’adressant à Susannah et après avoir consulté sa montre, — nous avons vingt minutes d’avance… Ce n’est pas trop, car les gens que nous attendons ne peuvent être envoyés à heure fixe… Ils vont venir dans dix minutes, peut-être… peut-être dans deux heures… mais ils vont venir.

Il s’était passé bien des choses durant cette matinée.

Le marquis de Rio-Santo, depuis le matin, n’avait pas quitté Trevor-House. Il y avait eu grand conseil entre lui et lady Campbell. Cette spirituelle femme, laissant à diverses reprises le marquis seul dans son boudoir, avait fait diverses excursions, soit dans l’appartement de miss Mary, sa nièce, soit dans celui de lord James Trevor, son frère.

Évidemment c’était un moment de crise. L’heure de l’assaut avait sonné. On voulait emporter la place de vive force.

Le marquis avait, d’autorité, imposé silence à sa poésie, à ses velléités chevaleresques, comme on renvoie en bonne stratégie, toutes les bouches inutiles à l’instant du combat.

Il était cuirassé, armé de toutes pièces, incapable de faiblir, prêt à tout. — Sa volonté avait marqué ce jour pour ses fiançailles officielles avec miss Mary Trevor. Il fallait que cela fût, n’importe par quels moyens et malgré tous obstacles.

Nous ne parlons pas de la pauvre Mary qui, malade de corps et faible de cœur, et indécise, et trompée, répondit à la demande formelle de sa tante par des larmes auxquelles lady Campbell ne put manquer de donner une excellente signification.

Nous parlons de lord James Trevor.

Cet excellent et loyal seigneur avait reçu dans la matinée une lettre qu’il n’avait communiquée à personne et après la lecture de laquelle il était tombé en détestable humeur.

Pauvre Mary ! murmurait-il, en parcourant les allées de son petit parc ; — je n’aurais jamais cru cela de ce coquin de Frank !… Mais au fait, pourquoi le croire ?… Que signifie une lettre anonyme ?… Rien du tout, pardieu ! moins que rien !

En conséquence de cette proposition que nul de nos lecteurs ne songera sans doute à contredire, lord Trevor reprenait la lettre et la relisait attentivement.

Péché contre la logique auquel n’échappent point les gens les plus sages.

Et lorsqu’il avait lu, il froissait la lettre avec colère et reprenait son monologue.

— Le fait est disait-il, que Frank avait hier un air préoccupé, distrait… Il avait cet air-là, je m’en souviens fort bien… Oh ! c’est une chose positive, il avait l’air… Pauvre Mary !… Mais, après tout, qu’importe ! une lettre anonyme !… Et pourquoi Frank n’aurait-il pas le droit, pardieu ! d’avoir l’air qu’il lui plaît ?

Et lord Trevor pestait d’autant mieux qu’il se croyait obligé de chercher des raisons de ne pester point.

Lady Campbell l’aborda dans un de ces moments et ne tarda pas à prononcer le mot mariage qui, dans son esprit, était alors le mot important.

— Ne me parlez pas de ce misérable Frank, milady ! s’écria lord Trevor, qui pensait que mariage et Franck ne pouvaient aller l’un sans l’autre, lorsqu’il s’agissait de sa fille ; — je veux mourir si sa conduite n’est pas une chose choquante au dernier point… Choquante et inexcusable, milady !

— Comment cela, mon frère ?

— Comment cela ?… Oui, très bien ! comment cela !… Vous allez le défendre, n’est-ce pas !… Je ne veux rien entendre, milady… Je suis outré, outré positivement.

— Mais, milord…

— Non ! je suis outré, madame.

— Mais enfin, mon frère…

— C’est une chose qui passe toute croyance, milady, que vous veuillez vous obstiner à défendre Frank Perceval…

— Mais je ne le défends pas, milord.

— Ah !… À la bonne heure !… Et que voulez-vous me parler de mariage, alors, milady ?

Lady Campbell hésita un instant. Certes, elle n’avait pu espérer un si heureux début. Son frère faisait la moitié du chemin, mais la transition était brûlante, et lady Campbell connaissait trop la bonté de son frère pour se fier à cette rancune du moment, quelle qu’en pût être d’ailleurs la cause.

— Milord, répondit-elle d’un air mystérieux, c’est un grand secret.

— Je n’aime pas beaucoup les secrets, milady.

— Vous aimerez celui-là… Je vous le donne en mille.

— Je n’en veux pas, madame… À tout prendre, ce pauvre Frank…

— Fi, milord ! vous dites le pour et le contre au même instant… J’aime Frank Perceval, je l’estime…

— Madame, vous ne savez pas ce que j’en sais, pardieu !

— C’est possible, répliqua lady Campbell en souriant, mais je sais ce que vous ne savez pas… Le marquis de Rio-Santo demande la main de votre fille, milord.

— C’est fort bien, milady… Je refuse la main de ma fille au marquis de Rio-Santo.

— Vous n’y pensez pas, mon frère…

— Si fait !

— Prenez au moins le temps…

— Ce serait en perdre, milady.

— Le temps de consulter votre fille, poursuivit lady Campbell.

— À quoi bon ? demanda le vieillard dont les sourcils blancs se froncèrent.

— Les convenances l’exigent, mon frère, reprit lady Campbell ; il pourrait, en vérité, se faire…

— Je ne vous comprends pas, madame.

— Enfin, milord, s’écria lady Campbell, que diriez-vous si ma nièce aimait le marquis de Rio-Santo ?

Lord James Trevor recula d’un pas. Les veines de son front se gonflèrent. Ce n’était plus son petit courroux de tout à l’heure contre Frank Perceval, c’était une belle et bonne colère anglaise, grosse d’apoplexie, de goddem et de coups de poing, — quand les circonstances sont favorables à ce dernier exercice.

— Votre nièce, madame ! répéta-t-il en bégayant ; — ma fille !… miss Mary Trevor… c’est impossible.

— Cela est pourtant, milord.

— Cela est, de par Dieu !… Alors… j’appellerai ce Rio-Santo sur le terrain, madame ! Voilà ce que je ferai !

C’était une de ces bonnes et loyales natures, un de ces caractères « taillés dans le plein bloc » de la foi antique, qui brillent encore çà et là dans les rangs dégradés de notre aristocratie. Se dédire était pour lui la chose impossible, et comme il ne lisait pas fort assidûment les romans transcendants de nos bas-bleus modernes, il n’attribuait point à l’amour le droit de fausser une parole donnée. Une chose eût pu seulement le déterminer à oublier Frank, — ç’aurait été l’oubli de Frank lui-même.

Mais il n’accusait plus Frank depuis que Frank était attaqué.

En un mot, il ne croyait pas un mot de cet amour subit de Mary pour un étranger. Les femmes spirituelles sont sujettes à passer pour folles ; lord Trevor gratifia généreusement sa sœur de cette épithète et détruisit plusieurs plates-bandes à coups de pieds en souvenir de l’entretien qu’il venait de subir.

Lady Campbell, cependant, était revenue vers Rio-Santo pour lui rendre compte du mauvais résultat de son ambassade.

Rio-Santo parut éprouver à cette nouvelle un fort grand découragement.

— Il ne me reste plus qu’à me retirer, madame, dit-il ; j’ai fait tout ce qu’un galant homme pouvait faire.

— Mais, marquis, s’écria lady Campbell, rien n’est désespéré… avec du temps…

— Attendre encore ! dit le marquis avec amertume ; — je ne le puis, madame… J’avais offert à miss Trevor mon amour et ma main… Un amour sérieux et une main sans tache, milady !… Je suis repoussé…

— Mon frère reconnaîtra son erreur… et si ce n’est pour moi, milord, un peu de patience pour Mary, qui vous aime !

— Ah ! si j’en étais sûr, soupira Rio-Santo.

— Que feriez-vous donc, milord ?

— Ce que je ferais, madame ! s’écria le marquis en s’animant soudain, — je passerais par dessus toute considération ; je foulerais aux pieds un vain scrupule… je vous dirais… Mais j’y songe ! je ne suis pas seul en cause. Avant tout, il faut que miss Trevor soit heureuse… Il faut que l’époux qu’on lui donnera soit digne d’elle…

Lady Campbell approcha son fauteuil.

— Pour elle, pour elle seulement, Dieu m’en est témoin, et non pas pour moi, je parlerai, reprit le marquis. — Ne pensez-vous pas, madame, qu’il serait affreux pour miss Trevor de partager avec une rivale le cœur de son époux ?

— Vous me le demandez, milord !…

— C’est que l’Honorable Frank Perceval a une maîtresse, madame, une belle maîtresse, — qu’il aime, — une femme qui n’est point de celles qu’on prend un matin, qu’on abandonne le soir et qu’on oublie le lendemain… La maîtresse de l’Honorable Frank Perceval est la plus belle créature que j’aie vue de ma vie, madame.

— Certes, marquis, balbutia lady Campbell avec embarras, — ceci est grave… Mais…

— Pardon si je vous devine… Quel homme n’a eu des maîtresses en sa vie, n’est-ce pas ?… Moi-même…

Rio-Santo s’interrompit et fixa sur lady Campbell son regard grave et triste.

— Madame, reprit-il d’une voix basse, mais fermement accentuée, — j’ai eu des maîtresses avant d’aimer miss Trevor : depuis que je l’aime, je n’en ai plus… Et M. Perceval !… C’est après avoir aimé Mary, c’est au moment où il revient tout exprès pour réclamer une parole donnée…

— C’est vrai ! interrompit lady Campbell, qui ne demandait pas mieux que d’être persuadée.

— Pour épouser Mary, madame ! c’est à ce moment même qu’il amène de France une autre femme aimée aussi…

— Il l’a amenée de France, marquis !

— Vous l’avez vu, madame. — Frank Perceval est arrivé avant-hier ; la princesse de Longueville s’est montrée à nous hier pour la première fois.

— C’est vrai ! dit encore lady Campbell ; — et c’est cette femme si jeune, si admirablement belle que vous m’avez fait voir hier ?…

— C’est elle, madame.

— Oh ! Frank ! Frank !… Je n’aurais jamais cru cela de lui… Mais il ne s’agit pas de se plaindre ; il faut agir… Au nom de ma nièce, milord, je vous remercie… Oh ! rien n’est perdu maintenant ! Je vais aller… je vais dire… Attendez-moi, je vous supplie ; cette fois, nous n’aurons pas un refus.

Lord James Trevor se promenait encore dans les allées de son petit parc, lorsqu’un groom accourut à lui tout essoufflé, disant que miss Mary, malade, désirait parler à son père.

Lord Trevor se hâta vers la maison.

Il trouva sa fille renversée sur un fauteuil, le visage couvert de ses mains. Elle sanglotait ; des larmes filtraient à travers ses doigts pâles et coulaient sur ses vêtements. Lady Campbell, inquiète, repentante peut-être, s’empressait autour d’elle,

— Voyez, milord, voyez, dit-elle ; voici l’ouvrage de ce malheureux Frank… Ce qu’il a fait est indigne, mon frère… Il a une maîtresse…

— Je le sais, madame, répondit froidement lord James Trevor en froissant le dernier débris de la lettre anonyme reçue le matin.

— La pauvre enfant ne l’aime plus… reprit lady Campbell.

— Qui dit cela ? s’écria Mary en découvrant tout-à-coup son visage qui était d’une effrayante pâleur.

Elle ne pleurait plus. Ses yeux, rougis encore par les larmes récentes, étaient fixes et brûlants.

— Mon père, dit-elle d’une voix étrange parce qu’elle contrastait avec la douce et faible voix qu’on lui connaissait ; — je l’aime… j’ai été folle pendant bien des jours… je ne me savais plus moi-même… folle et bien malheureuse, mon père !…

— Pauvre enfant ! murmura lady Campbell de la meilleure foi du monde ; — elle a le délire.

Lord Trevor lui imposa silence d’un geste.

— Maintenant, on le calomnie ! reprit Mary ; — on dit qu’il en aime une autre… Ah ! c’est affreux, mon père, de calomnier un blessé, un mourant, peut-être !

— Un mourant ! répéta lord Trevor ; — que signifie cela, madame ?

— Frank Perceval s’est battu, milord, répondit lady Campbell avec embarras.

— Je veux le voir, mon père, reprit encore Mary ; — conduisez-moi vers lui… Nous saurons bien vite ce que valent ces accusations menteuses… Frank ! mon noble Frank !… Ah ! que j’ai souffert !…

Lord Trevor sonna.

— Faites atteler, dit-il, sur-le-champ !… Calmez-vous, Mary, poursuivit-il… j’ignorais tout cela… Je vais me rendre chez Perceval…

— Et moi, mon père ?

— Vous ?…

Lord Trevor jeta un regard sur sa sœur.

— Tout ceci me semble fort obscur, murmura-t-il entre ses dents… Eh bien ! Mary, et vous aussi… préparez-vous.

Mary baisa avec effusion la main de son père.

Lady Campbell haussa les épaules, et sortit en murmurant le mot shocking, blâme suprême des personnes qui ne savent point employer de plus énergiques exclamations.

Elle s’en fut, découragée, raconter ce nouvel échec à Rio-Santo, mais le marquis ne parut point partager, cette fois, sa peine.

— J’attendrai le retour de lord Trevor, dit-il d’un air dégagé… je veux connaître définitivement jusqu’où va mon malheur.

On entendit en ce moment le bruit des roues de la voiture sur le pavé de la rue.

Rio-Santo consulta sa montre à la dérobée, et un triomphant sourire releva les coins de sa lèvre.

— La partie s’engage comme il faut, murmura-t-il ; — la gagnerai-je ?…