Les Mystères de Londres/4/11

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Au Comptoir des imprimeurs unis (10p. 3-34).


XI


LE ROI LEAR ET LA REINE MAB.


Il y avait six hommes réunis autour d’un grand feu qui tenait le centre d’une étroite clairière, située au milieu d’un bois, formé d’arbres rares et au grêle feuillage. La nuit était sombre et sans lune. L’œil, en suivant la fumeuse spirale qui s’élançait du foyer, n’apercevait, sur le fond noir des ténèbres, que troncs hauts et sveltes, rougis d’un côté par l’éclat de la flamme, et couronnés à leurs cimes d’un bouquet de feuilles étiolées.

Devant la flamme, sur deux fourches fichées en terre, un troisième bâton, placé horizontalement, soutenait un énorme quartier de kanguroo de la grande espèce, lequel, rôti à demi, envoyait à la ronde les appétissantes effluves de son fumet savoureux.

Dans l’ombre, apparaissait vaguement, lorsqu’un souffle d’air faisait la flamme plus vive, le profil écrasé d’une hutte recouverte de branchages, aux parois de laquelle s’appuyaient deux ou trois de ces fusils aux canons noirs, veinés de sombres rubans d’acier, dont la fabrication anglaise avait seule alors le secret.

Les six hommes étaient rangés en demi-cercle. C’étaient d’abord Randal Grahame et Fergus O’Breane, portant chacun autour de leur veste de déportés une ceinture chargée de pistolets.

Après eux venait un jeune homme à mine posée, sérieuse, presque ascétique, qui tournait d’une main la broche improvisée où rôtissait le quartier de kanguroo, et de l’autre caressait la reliure, rendue luisante par un long et fréquent usage, d’une petite bible ornée de fermoirs de métal. On l’appelait le major, ou Smith-le-Méthodiste. Sous ce dernier nom, il avait été condamné, pour vol dans une église, à quinze ans de déportation.

L’homme qui s’asseyait sur l’herbe auprès du dévot méthodiste, avait une belle figure, entourée d’une barbe épaisse, ce qui indiquait suffisamment son métier de sauvage, car la barbe est proscrite à Botany-Bay aussi sévèrement qu’à Londres, et vous n’y trouveriez pas un seul scélérat honorablement établi, qui n’eût le menton pelé avec un très grand soin. En ce pays bienheureux, où deux douzaines de vols et trois ou quatre assassinats suffisent à peine à donner aux gens un relief convenable, la barbe est déclarée shoking. De fait, la barbe prête un aspect farouche, et les doux gentlemen de Botany-Bay n’ont pas besoin de cela.

Le sauvage, non rasé, voisin de M. Smith, se nommait Waterfield, et avait quitté Sidney pour faire la guerre à ces myriades de bœufs, issus, dit-on, de trois animaux de cette espèce, apportés, en 1790, par le premier gouverneur des possessions d’Australie, et qui, depuis cette époque, ont foisonné outre mesure. Ce Waterfield était grand, jeune et fort. Il poursuivait, depuis un an, son étrange commerce, malgré le gouverneur et les bouchers de la colonie. Ces derniers gentlemen avaient mis tout simplement sa tête à prix.

Le cinquième personnage était presque un vieillard. Sa physionomie, pensive et légèrement moqueuse, avait quelques rapports avec celle que les lithographes prêtent au diplomate français M. le prince de Talleyrand-Périgord. C’était la même pénétration de regard sous le voile prudent d’une paupière demi-fermée, la même finesse dans le jeu des lignes de la bouche, et presque le même cachet de distinction aristocratique. Nous devons dire tout de suite que le vieux Ned Braynes, plus connu sous le nom du roi Lear, n’avait nullement la prétention de pousser plus loin la ressemblance avec l’illustre ambassadeur.

C’était un coquin hardi, réfléchi, patient, infatigable. Ce nom de roi Lear, qu’il a rendu célèbre dans le calendrier de Newgate, lui venait de son ancien métier[1] d’acteur. Les hommes de la Famille prononcent encore ce nom avec respect, et Noll Brye, le porte-clés, se gratte souvent l’oreille en songeant aux bons tours de mister Ned Braynes.

Le sixième et dernier enfin, était un nègre chauve, appelé, pour ce motif, Absalon. Absalon avait un nez horriblement écrasé, des yeux blancs et noirs, d’énormes pommettes et quatre livres de lèvres.

Quand M. Smith oubliait de tourner la broche, Absalon le suppléait.

Ceci avait lieu dans la forêt maigre et clairsemée d’Eagle-River, à cinq ou six milles sud-est de Paramatta, et à seize milles environ du port de Sidney.

Nos six personnages semblaient être impatients et inquiets. Oh attendait évidemment quelqu’un, et il n’y avait guère que le nègre Absalon qui portât une entière attention à la cuisson du kanguroo.

— Savez-vous, monsieur Grahame dit tout à coup le tueur de bœufs, que je gagne cent guinées par mois dans la colonie ?

— Jusqu’à ce que la colonie vous fasse pendre, Paulus ; je sais cela, répondit Randal.

— Quant à moi, reprit M. Smith, je ne puis affirmer que je fasse ici de brillantes affaires, depuis que le démon m’a poussé à décharger mes pistolets sur le gouverneur… Mais il s’agit de savoir si, dans cette affaire, notre conduite sera exempte de péché ? …

— Ouvrez votre Bible, major, répliqua Randal, et vous verrez que les fils d’Israël ne déméritèrent point le nom de peuple de Dieu en dépouillant les Philistins.

— C’est vrai ! murmura Smith ; mes scrupules vont souvent trop loin, monsieur Grahame.

— Major, vous êtes un saint, dit le roi Lear. Chacun sait cela, et ce fut pour ne point trop vous éloigner de l’autel que vous commîtes ce vol dans une église… Maintenant, Randal, mon ami, je trouve que votre femme tarde bien à venir !… La marée n’attend personne, et nous avons seize milles à faire cette nuit.

— Sans doute, sans doute, répondit Randal, mais par la même raison, Maudlin, la pauvre femme, avait seize milles aussi à faire pour venir nous joindre.

Il se fit un instant de silence, pendant lequel on n’entendit que le murmure de la brise des nuits dans le feuillage, et le bruit tout particulier que fait l’opossum en se balançant au bout de sa longue queue, roulée autour d’une branche, pour communiquer à son corps un mouvement de fronde et franchir d’un saut l’espace qui sépare les arbres.

Absalon continuait de surveiller le rôt.

— Ah ça ! reprit Ned Braynes, je vous connais depuis long-temps, ami Randal, et j’ai confiance en vous. Quant à Waterfield, c’est un solide garçon, et personne ne peut nier que le major soit un bon chrétien. Nous voilà cinq honnêtes compagnons, le cœur sur la main ; car Absalon, prince du sang royal de Congo, n’est point déplacé auprès de gentilshommes de notre importance. Mais quel est le sixième, je vous prie ?

Ceci allait directement à l’adresse de Fergus, qui n’avait point pris la parole encore.

— Le sixième est notre chef, roi Lear, répondit gaîment Randal.

Les quatre déportés considérèrent alors Fergus avec attention et défiance. Absalon lui-même écarquilla l’éblouissant émail de son œil pour le considérer mieux.

Fergus rougit. Son émotion était de la honte. Fergus se sentait monter au cœur un dégoût profond en voyant de près les hommes dont il lui fallait se faire des auxiliaires. Fergus, qui avait rêvé de royales batailles, perdait presque courage à la pensée de prendre pour soldats des assassins et des voleurs.

Cela devait être ainsi. Un sophiste se fût dit tout de suite que les compagnons du fondateur de Rome étaient aussi des voleurs et des assassins ; que les soldats de Spartacus étaient des esclaves souillés de tous les crimes. Mais Fergus n’était point un sophiste. Il sentait, et cette première revue de son étrange armée le rabaissait à ses propres yeux au rang d’un bandit vulgaire.

Mais son idée fixe avait déjà deux ans d’âge, et ce n’était pas une minute de dégoût qui pouvait le faire fléchir. Il se raidit bientôt et sa volonté se redressa indomptable et forte comme toujours.

Les quatre condamnés avaient remarqué son émotion, et chacun d’eux était à cent lieues d’en deviner les motifs.

— Ah ! ah ! dit le roi Lear. Ce beau garçon veut être notre chef !

— Quels sont ses droits ? ajouta Waterfield avec un farouche mouvement d’envie.

— J’aurais cru, fit observer Smith en saluant Fergus comme eût pu faire un vrai gentleman, — que nous eussions été consultés pour le choix de notre chef. C’est là une chose, je pense, qu’il nous est permis de discuter.

— Edward Braynes, Paulus Waterfield, et vous major ou mister Smith, dit Randal en se levant, nous traitons une affaire sérieuse. Je vous connais tous et je connais ce gentilhomme. Sur ma parole, le meilleur d’entre nous ne lui va pas à la cheville : voilà mon opinion.

— Comment !… voulut s’écrier Waterfield.

— Je ne parle pas de vous, Paulus, interrompit froidement Randal ; — vous n’êtes pas le meilleur… Vous valez beaucoup, c’est vrai, car vous êtes fort et ne craignez ni Dieu ni diable ; mais voici Smith qui est fort aussi, qui ne craint rien non plus et qui a en outre l’avantage d’être le plus adroit hypocrite qui soit au monde..... et pourtant, je placerais avant Smith, notre joyeux roi Lear, qui tourne les gens à son gré, qui devine tout et n’est jamais en peine.

— Je te vois venir, Randal ! interrompit à son tour Edward Braynes en riant ; — nonobstant ce pompeux éloge, tu vas nous dire que tu me préfères ton protégé ?…

— Vous n’y êtes pas, roi Lear !… vous oubliez Absalon, qui n’a pas son pareil pour rôtir un quartier de kanguroo et bien d’autres choses… Je vous préfère Absalon… je me préfère à Absalon… et je déclare que je suis un enfant auprès de Fergus O’Breane.

— Momeries que tout cela ! gronda Paulus, mécontent de la dernière place qui lui était assignée.

— Nul ne vous défend, Waterfield, répliqua Randal, de continuer votre commerce durant les douze années qui vous restent à faire.

— C’est comme cela ? s’écria le tueur de bœufs en rougissant de colère ; — et si je vous dénonçais, moi !

— Laissez, dit Fergus en passant devant Randal qui s’apprêtait à répliquer. — Que faut-il faire à cet homme pour lui prouver que je vaux mieux que lui ?

Le tueur de bœufs sauta sur ses pieds en écumant de rage.

— Il faut me montrer que ton sang est plus rouge que le mien, mendiant d’Irlande ! s’écria-t-il. Par le nom du diable ! crois-tu que je ne sache écorcher que les bœufs ?…

Il avait violemment tiré de sa gaîne le long couteau qui lui servait à dépecer le produit de ses chasses, et s’était jeté sur Fergus avec la rapidité de la pensée. En vain Randal voulut parer cette attaque perfide et soudaine. Le temps lui manqua, et les deux adversaires roulèrent ensemble sur le sol. On les vit un instant se débattre confusément dans l’ombre. Puis l’un d’eux se releva.

C’était Fergus O’Breane. Il tenait le couteau de Paulus.

Cette lutte avait été si subite et si rapide que les assistants, stupéfaits, demeuraient, sauf Randal Grabame, à la place qu’ils occupaient naguère, immobiles et muets. Le nègre avait discontinué sa tâche et ouvrait de grands yeux étonnés.

Ni lui ni les autres ne s’attendaient assurément à voir Fergus se relever le premier. Le visage du jeune Irlandais, animé par l’effort qu’il venait de faire, avait pris cette expression d’irrésistible puissance qui rayonna souvent autour de son front aux heures de danger suprême, comme une auréole surhumaine. Sa riche taille s’était tout à coup redressée ; son œil flamboyait et jetait d’orgueilleux éclairs.

Les cinq déportés crurent que c’en était fait de Paulus Waterfield, et ne songèrent même pas à le secourir, tant ils se sentirent en cet instant dominés par la fière supériorité de Fergus ; mais celui-ci, au lieu de frapper, laissa tomber le couteau et croisa ses bras sur sa poitrine.

— Tu vois bien, dit-il avec calme, que je vaux mieux que toi.

Waterfield se releva, meurtri, ramassa son arme, et sembla comparer mentalement l’élégante délicatesse des formes de Fergus avec ses membres à lui et son torse d’athlète.

— C’est vrai, dit-il avec une rudesse où se mêlaient à doses égales la franchise et le dépit ; — du diable si je sais comment cette main blanche au bout d’un bras de femme a pu broyer ma main et me faire lâcher prise. Mais cela est, n’en parlons plus… Il y a autre chose, ajouta-t-il en adoucissant sa voix : gentleman, vous avez épargné ma vie ; j’y tiens peu ; c’est égal, à l’occasion, vous pouvez compter sur Paulus Waterfield.

À peine ces dernières paroles étaient-elles prononcées qu’un éclat de rire aigu, malin, et que n’aurait su produire le gosier d’aucun des six déportés, retentit presque au milieu d’eux et les fit tressaillir. En même temps, une forme humaine d’une extrême petitesse et d’apparence réellement fantastique se glissa entre Smith et le nègre, et vint s’accroupir auprès du foyer.

— La reine Mab ! s’écria Edward Braynes.

— Maudlin ! dirent les autres, subitement rappelés au motif de leur réunion.

Maudlin s’était placée de l’autre côté du foyer, de manière à faire face à l’assemblée. Ses longs cheveux noirs, dénoués par la rapidité d’une course forcée, tombaient épars autour d’elle jusqu’à terre. Ses rides disparaissaient à la clarté vacillante du foyer dont les rouges reflets mettaient de vives couleurs à ses joues. La trace des souffrances et des années s’effaçait en ce moment sur son visage redevenu jeune. C’était une sorte de fugitif retour de son charme si puissant jadis parmi les joies de Londres et rompu dans la froide tombe de Coal-River. Elle retrouvait là pour quelques minutes, sans le savoir, dans ce fantastique demi-jour, l’attrait oublié de son pétillant regard et de son sourire de fée.

— Bravo ! dit-elle en riant toujours ; — bravo, Paulus ! à la place du gentleman, mon ami, je vous aurais abattu comme un bœuf enragé que vous êtes !… Bonsoir, mon vieux roi Lear ; bonsoir, major la Bible ; bonsoir fils chevelu de David, honnête et digne Absalon ; bonsoir, Randal, mon cher mari… Vous voulez des nouvelles ? c’est bien ; mais je suis essoufflée et il m’est impossible de prononcer un seul mot.

Après cet exorde, prononcé d’un ton railleur et avec une volubilité qui démentait positivement ses dernières paroles, Maudlin Wolf ouvrit une boîte de ferblanc suspendue à un cordon passé en bandoulière autour de sa taille, et versa sur ses genoux, dans le creux de sa robe, une petite mesure d’avoine qu’elle bluta soigneusement.

— Voyons, Maudlin, soyez raisonnable, dit Randal. Qu’avez-vous à nous apprendre ?

— Il y a des petits cailloux dans cette avoine, mon mari, répondit gravement Maudlin. Le marchand qui me l’a vendue est un voleur.

— Un misérable voleur, reine Mab, appuya Ned Braynes ; — mais ne nous direz-vous point ?…

— Ne sommes-nous pas tous des voleurs ici, roi Lear ?… Je vous dirai tout ce que vous voudrez si vous me laissez respirer… Baby !

Elle prononça ce nom doucement et l’accompagna d’un coup de sifflet. Aussitôt après on entendit un bruit dans le fourré. Les lianes qui pendaient à la voûte des grands arbres et venaient s’entrelacer près du sol, s’écartèrent pour livrer passage à une charmante petite jument à peine plus grosse qu’un chevreuil, qui bondit sur le gazon, vint fourrer sa gracieuse tête entre les genoux de Maudlin, et se mit à manger l’avoine préparée.

Les déportés connaissaient trop l’humeur de Maudlin, que le vieux Braynes, amateur éclairé de Shakspeare, avait surnommée la reine Mab, moins encore à cause de sa petite taille, que par allusion à son fantasque caractère, pour la presser davantage de s’expliquer. Ils prirent patience.

Maudlin attendit que Baby eût mangé sa portion d’avoine jusqu’au dernier grain.

— Couche-toi là, ma gazelle, dit-elle ensuite ; tu as fait quinze milles ce soir et tu en feras peut-être quinze autres…

— C’est donc pour cette nuit ? interrompit vivement Randal.

— Mon mari, vous êtes bien pressé, répliqua Maudlin. Il me semble que tout à l’heure vous étiez plus occupés de vous entr’égorger comme des bêtes sauvages que de délibérer en hommes raisonnables sur des affaires de vie ou de mort… Tenez, votre viande est cuite. Mangez, croyez-moi… Qui sait si vous mangerez désormais du kanguroo en votre vie ?

Le nègre chauve, avide de mettre à profit ce conseil, débrocha lestement le rôt et l’étendit devant lui sur un lit de feuilles. Smith déposa sa Bible pour planter son couteau dans la partie la plus tendre du filet de l’animal : il quitta l’esprit pour la chair. Les autres l’imitèrent.

Pendant qu’ils prenaient leur repas, Maudlin s’arrangea commodément sur l’herbe et trouva convenable d’expliquer enfin sa mission.

Elle le fit en termes clairs et précis, n’oubliant rien, mettant tout à sa place, et prouvant qu’il eût été difficile de faire choix d’un messager plus intelligent.

— Bravo, Maudlin ! bravo, reine Mab ! s’écria Ned Braynes, quand elle eut fini. On ne peut annoncer plus gaillardement une mauvaise nouvelle.

— Que le diable emporte ce croiseur ! dit Paulus.

— C’est une affaire manquée, murmura Randal, et il ne nous reste plus qu’à regagner Sidney.

Maudlin avait fixé son regard perçant sur Fergus, qui semblait rêver profondément.

— Le gentleman n’a pas parlé, dit-elle.

Cette question indirecte fit tressaillir Fergus.

— Voulez-vous m’obéir ? demanda-t-il brusquement.

— Oui ! répondit Randal.

Les autres hésitèrent. — Maudlin fronça le sourcil et frappa du pied en trépignant d’impatience.

— Pour ce qui est de moi, dit enfin le tueur de bœufs, je n’y ai point de répugnance ; car vous avez bon cœur et bon bras.

— Je vous obéirai, dit Smith à son tour, si vous nous expliquez…

— Je n’expliquerai rien.

— À la garde de Dieu ! s’écria Ned Braynes ; — je suis des vôtres, et je vous jure foi et hommage pour moi et pour le digne Absalon.

— Je ferai comme les autres murmura Smith.

Ils se levèrent et Fergus reprit :

— Messieurs, je vous ordonne de monter à cheval. Il faut que nous soyons sur la côte avant la fin de la nuit.

Six chevaux étaient préparés et attendaient à peu de distance de la hutte du tueur de bœufs ; car l’expédition avait été combinée long-temps à l’avance, et c’était seulement l’obstacle imprévu annoncé par Maudlin qui avait amené de l’hésitation.

Quelques minutes après, tout le monde était en selle, Maudlin comme les autres. On partit au galop.

La nuit régnait encore lorsqu’ils arrivèrent en vue de la mer. Seulement une ligne moins sombre blanchissait à l’orient, détachant au loin en noir les hautes silhouettes des montagnes. L’aube ne pouvait tarder à paraître.

L’endroit du rivage où s’arrêta la cavalcade était complétement désert. Les chevaux furent attachés aux derniers arbres et la petite troupe gagna le bord de l’eau.

— Le signal ! dit Fergus.

Waterfield emboucha une corne de bœuf et sonna trois notes rauques et régulièrement espacées que les échos de l’intérieur se renvoyèrent l’un à l’autre, et qui s’en allèrent mourir au loin dans les bois.

Au même instant une lueur éclatante brilla au large, allumant çà et là les crêtes diamantées des vagues. Ce fut l’affaire d’une seconde. À peine allumée, la lueur s’éteignit.

Les six déportés se couchèrent sur le rivage et attendirent.

  1. Edward Braynes, de Birmingham, assassin du colonel Bories et de sir James dation de Clafton-Castle, commissaire du métropolitan-police, avait joué la tragédie en province.