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Les Mystères du peuple/IV/9

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Les Mystères du peuple — Tome IV


NOTES DU TOME IV


NOTES.




LA GARDE DE POIGNARD.


PROLOGUE.


(A) M. Amédée Thierry, dans son Histoire de la Gaule sous l’administration romaine, t. II, p. 474, nous donne les détails suivants sur les origines des Bagaudes et de la Bagaudie:« Pressurés par les propriétaires que pressuraient à leur tour les agents du fisc, les paysans (gaulois) avaient quitté par troupes leurs chaumières pour mendier un pain qu’on ne pouvait pas leur donner. Rebutés partout et chassés par les milices des villes, ils se faisaient bandits ou Bagaudes, mot gaulois équivalant au premier ; ils allaient en Bagaudie, suivant l’expression consacrée. On vit dans des cantons entiers les colons se réunir, tuer et manger leur bétail, et, montés sur leurs chevaux de labour, armés de leurs instruments de culture, fondre sur les campagnes comme une tempête. Rien n’échappait à ces bandes affamées qui laissaient, après leur passage, stérile et nue, la terre que leurs sueurs devaient féconder. Les champs ravagés, ils passèrent aux villes, dont une populace, amie du pillage et non moins misérable, leur ouvrait souvent les portes. Cette misère était si générale en Gaule, il y avait là tant d’habitudes de désordre, tant d’instincts violents, qu’en peu de mois les Bagaudes formèrent une armée qui s’organisa et conféra à ses deux principaux chefs les titres de César et d’Auguste. Ces singuliers Césars, qui avaient pour peuple des voleurs, pour empire la terre qu’ils dévastaient, pour pallium des haillons, et pour palais les forêts et la voute du ciel, se nommaient Ælian et Amand. Ils ne résistèrent pas à l’orgueil de se faire frapper des médailles dont quelques-unes nous sont restées. L’une d’elles présente la tête radiée d’Amandus, empereur, César, Auguste, pieux et heureux, avec ce mot au revers : Espérance. »

Ælius et Amandus (Aelian et Amand) concentrèrent leurs forces aux environs de Paris, un peu au-dessus du confluent de la Seine avec la Marne. Ils avaient là, pour place d’armes, un château d’un abord presque inaccessible et qui, suivant la tradition, avait été bâti et fortifié par Jules César. De ce point ils lançaient leurs bandes non-seulement sur les campagnes, mais encore sur les villes les plus populeuses ; c’est ainsi qu’ils se jetèrent sur Autun. Après leur apparition il ne resta de cette belle cité, l’un des centres de la civilisation romaine, qu’un monceau de ruines. L’insurrection gauloise devint si grave que le nouveau chef de l’empire crut nécessaire d’envoyer dans la Gaule son collègue Maximien. Celui-ci n’avait point le génie politique de Dioclétien, mais c’était un brave soldat et un général habile ; il vint facilement à bout des troupes indisciplinées d’Ælianus et d’Amandus. Il les força enfin dans leur château qu’il détruisit. Ce fut en cet endroit que s’éleva plus tard l’Abbaye de Saint-Maur des Fossés. Ainsi fut réprimée et vaincue la première Bagaudie. De la seconde Bagaudie date l’affranchissement de la Bretagne.

On voit reparaitre les Bagaudes à la fin du régne de Valentinien Ier. Cette fois, ils n’essayent point de se réunir en une grande armée : ils se cachent dans les bois, par petites troupes ; c’est de là qu’ils s’élancent pour chercher le pain qui leur manque, ou pour se venger des magistrats romains, leurs oppresseurs. Valentinien ordonna contre eux d’actives poursuites : on parvint encore à les faire disparaître. Tous ceux qui tombèrent aux mains des soldats impériaux périrent dans les plus affreux supplices. Le peuple devait les honorer plus tard comme des saints et des martyrs.

Enfin, il y eut encore une insurrection des Bagaudes au commencement du cinquième siècle. Ce fut au moment de la grande invasion quand les Alains, les Suèves, les Burgondes et les Vandales, après avoir forcé la barrière du Rhin, se jetèrent sur la Gaule et portèrent la dévastation dans ses plus belles provinces. Cette insurrection de Bagaudes, sur laquelle nous n’avons point de détail, est la dernière dont les documents anciens fassent mention. Il n’y eut, plus tard, dans les campagnes, que des soulèvements partiels qui ne rappellent en rien l’ancienne Bagaudie. Le nom même de Bagaude disparut peu à peu : à la fin du cinquième siècle, on se servait déjà de mots germaniques pour désigner non point seulement les Barbares, mais encore les Gallo-Romains qui, réunis par troupes, pillaient et ravageaient les terres qui avaient appartenu autrefois à l’Empire.


CHAPITRE PREMIER


(A) Le nom de Warg qui signifie loup, tête de loup, était donné, dans l’ancienne Germanie, au banni, au proscrit, Le vagabond qui errait sans feu ni lieu, quoique non proscrit, était appelé dans les lois germaniques wargangus. On appelait parfois vargus ou wagre l’exilé.

Voyez J. Grimm et M. Michelet qui a reproduit les recherches du savant Allemand dans l’ouvrage intitulé les Origines du droit français.

Plusieurs textes anciens prouvent que dès le commencement des invasions franques, on appelait, dans les Gaules, WARGR, WAGRE, WARGES, têtes de loups, proscrits, exilés, tous ceux qui se livraient au vagabondage ou à une vie de désordre. Déja, du temps de Sidoine Apollinaire, avant la fin du cinquième siècle, on appliquait les noms germaniques de warger, warges, même aux Gaulois, propriétaires dépossédés ou esclaves fugitifs, qui se réunissaient par bandes à l’imitation des Bagaudes, pour se livrer, en armes, au pillage et à la dévastation. Il nous suffira de citer ici un passage d’une lettre de Sidoine Apollinaire. L’évêque des Arvernes intercède auprès de son ami S. Loup, pour une femme qui a été enlevée et vendue sur un marché d’esclaves, dit-il, par des brigands originaires du pays qu’on appelle WargesUnam feminam… quam forte WARGORUM, hoc enim nomine indigenas latrunculos nuncupant, superventus abstraxerat… Epist. VI, 4.

Ce passage nous dispense d’une plus longue dissertation.


(B) Voir la note A sur les Bagaudes.


(C) Histoire d’Auvergne, t. I, p. 129.


(D) Les évêques mariés avant l’épiscopat continuaient souvent de vivre avec leurs femmes, auxquelles ils donnaient le nom de sœur.


(E) Nous empruntons à un mémoire inédit de notre savant et excellent ami Janowski (mémoire couronné par l’Institut), la nomenclature suivante des diverses fonctions des esclaves dépendants d’une villa : arator, venitor, bubulus, porcarius, caprarius, taberferrarius, aurifices, argentarius, sutor, tornator, carpentarius, scutator, accipitores ; (les esclaves qui faisaient la cervoise, le cidre, la poirée) : qui facient cervisiam pomaticum, pistor, retiator, venator, molinarines, forestarius, majordomus, infestor ; (celui qui apporte les plats sur la table) : scautio, marescalcus, strator, seneschalus.


(F) Les femmes des évêques mariés s’appelaient évêchesses.


(G) On appelait gynécée l’appartement des femmes.

Le gynécée était un atelier dans lequel se confectionnaient les vêtements destinés à toute la famille. Outre les ouvrages exécutés dans cet atelier, au profit du maître, on y en faisait d’autres pour l’entretien et le service des femmes qui les habitaient. Les femmes des seigneurs ou les maîtresses de maison ne présidaient pas toutes aux travaux de leurs gynécées, car le concile de Nantes en accuse plusieurs de braver les lois divines et humaines en fréquentant sans cesse les assemblées et les assises publiques, au lieu de rester au milieu des femmes de leurs gynécées pour disserter sur leurs lainages, les tissus et autres ouvrages de leur sexe.


(H) Les leudes étaient les compagnons de guerre du chef frank, que chaque bande choisissait pour son chef ; ils lui juraient fidélité (en germain treue, trust) ; on les appelait leudes, fidèles ou antrustions ; mais cette dernière appellation était plus spécialement consacrée aux compagnons de guerre du roi.

Lors de la conquête, Clovis ou ses successeurs, après s’être réservé la part du lion dans la spoliation du sol de la Gaule, distribuèrent, sous le titre de bénéfices, une partie des terres aux chefs de bandes, leurs compagnons de guerre. M. Guizot, dans son Histoire de la civilisation en France (t. I, p. 249), dépeint avec autant de sagacité que de savoir l’établissement territorial d’un chef de leudes en Gaule :

«… Lorsqu’une bande arrivait quelque part et prenait possession des terres, ne croyez pas que cette occupation eût lieu systématiquement, ni qu’on divisât le territoire par lots, et que chaque guerrier en reçût un selon son importance et son rang ; le chef de la bande, ou les différents chefs qui s’étaient réunis, s’appropriaient de vastes domaines ; la plupart des guerriers qui les avaient suivis continuaient de vivre autour d’eux à la même table, sans propriété qui leur appartînt spécialement… La vie commune, le jeu, la chasse, les banquets, c’étaient là leurs plaisirs de barbares ; comment se seraient-ils résignés à s’isoler ? l’isolement n’est supportable qu’à la condition du travail ; or, ces barbares étaient essentiellement oisifs, ils avaient donc besoin de vivre ensemble, et beaucoup de leudes restèrent auprès de leur chef, menant sur ses domaines à peu près la même vie qu’ils menaient auparavant à sa suite ; aussi naquit plus tard entre eux une prodigieuse inégalité ; il ne s’agit plus de quelque diversité personnelle de force, de courage, ou d’une part plus ou moins considérable en terres, en bestiaux, en esclaves, en meubles précieux ; le chef, devenu grand propriétaire, disposa de beaucoup de moyens de pouvoir, et les autres étaient toujours de simples guerriers. »

Néanmoins, le besoin de conserver auprès d’eux ces guerriers pour la nécessité d’une défense commune, poussait les chefs à augmenter sans cesse le nombre de leurs leudes; les rois Gontran et Childebert stipulent en 587 : « Qu’ils ne chercheront pas réciproquement à se débaucher leurs leudes, et qu’ils ne conserveront pas à leur service ceux qui auraient abandonné l’un d’entre eux. » (Grégoire de Tours, liv. IX, ch. xx.)


(I) Voir Thierry, Lettres sur l’Hist. de France, p. 77.


(J) Au commencement de ce siècle, où l’administration romaine importée en Gaule subsista encore pendant quelques années malgré l’invasion des Franks, la classe des curiales comprenait tous les citoyens habitants des villes, qu’ils y fussent nés ou qu’ils fussent venus s’y établir, et possédant une certaine fortune territoriale. Les curiales avaient pour fonctions : 1o d’administrer les affaires de la ville, ses dépenses et ses revenus ; dans cette double situation, les curiales répondaient non-seulement de leur gestion individuelle, mais des besoins de la ville, auxquels ils étaient forcés de pourvoir eux-mêmes, en cas d’insuffisance des revenus municipaux ; 2o de percevoir les impôts publics sous la responsabilité de leurs biens propres en cas de non~recouvrement ; 3o nul curiale ne pouvait vendre, sans la permission du gouverneur de la province, la propriété qui le rendait curiale, ni s’absenter de la ville ; sinon, et dans le cas où ils ne revenaient plus, leurs biens étaient confisqués au profit de la cité.

Les fonctions de curiales entraînaient des charges et une responsabilité très-grandes ; le corps entier du clergé, depuis le simple clerc jusqu’à l’archevêque, s’en étaient exemptés, mais ils les présidaient conjointement avec le préfet de la ville, sous les Romains et avec le comte, pendant les premiers temps de la conquête franque. (Voir Code Théodosien, liv. VI, tit. XXII ; liv. II, Théorie des lois politiques de la France ; liv. I, Preuves, p. 544, cités par M. Guizot ; Essais sur l’histoire de France, p. 19.)


(K) Ainsi que nous l’établirons dans l’une des notes suivantes, les évêques réunis en concile tendaient de plus en plus à dominer les moines laïques et à les absorber dans l’Église ; ainsi le concile d’Orléans (553) décrète : « Qu’il ne soit point permis aux moines d’errer loin de leur monastère, sans la permission de l’évêque du diocèse. »


(L et M) Voir dans la lettre précédente l’épisode de KARADEUK le Bagaude et RONAN le Vagre, le passage relatif à l’abominable brutalité d’un seigneur Frank, textuellement extrait de saint Grégoire, évêque de Tours, ainsi que la férocité de l’évêque Cautin, enfermant un vivant avec un mort en putréfaction.


(N) La portion du sol que Clovis et ses descendants accordèrent aux chefs de bandes et à leurs leudes qui l’avaient suivi dans la conquête de la Gaule s’appelait un bénéfice. Il existait des terres données à bénéfices de plusieurs sortes : 1o des bénéfices qui pouvaient être arbitrairement révoqués par le donateur ; 2o des bénéfices temporaires ; 3o des bénéfices concédés à vie ; 4o des benéfices héréditaires. Les obligations des bénéficiers, soit temporaires, soit viagers, soit héréditaires, demeurèrent longtemps exprimées par le mot vague de fidélité. Fidélité qui se résumait généralement par ces obligations : 1o les dons d’argent que le bénéficier faisait au roi, soit à l’époque où il convoquait ses fidèles au Champ-de-Mars, soit lorsqu’il venait passer quelque temps dans la province où était situé le bénéfice (Annal. Hildesh. a. 750 ; ap. Leibnitz Script. Rer. Brunswik ; ap. Guizot, Des institutions politiques en France, du cinquième au dixième siècle, p. 66) ; 2o la fourniture des denrées, moyens de transport, logement, etc., à fournir, soit aux envoyés du roi, soit aux envoyés étrangers qui traversaient la contrée se rendant vers le roi ; 3o l’obligation du service militaire ; en d’autres termes, l’obligation de suivre le roi à de nouvelles expéditions guerrières. Expéditions qui avaient pour but l’envahissement de nouvelles terres ou le pillage ; ainsi Theodorik, petit-fils de Clovis, dit à ses leudes :

« Suivez-moi en Auvergne, je vous conduirai dans ce pays, où vous prendrez de l’or et de l’argent autant que vous en pourrez désirer ; où vous trouverez en abondance du bétail, des esclaves, des vêtements. Theodorik se prépara donc à passer en Auvergne, promettant de nouveau à ses guerriers qu’ils transporteraient dans leur pays tout le butin et aussi les hommes. » (Grégoire de Tours, liv. III, ch. Il.)


(O) On appelait terre salique ou militaire, la portion du sol dont un chef de bande s’était emparé par la force, ou avait reçu en partage au moment de la conquête ; ces terres n’étaient soumises à aucune redevance honorifique ou matérielle envers le roi ; c’était la part du butin du guerrier frank, il ne la tenait, disait-il, que de son épée. Ainsi, un chef pouvait posséder à la fois des terres saliques qui ne relevaient que de lui, et des terres bénéficiaires, temporaires, à vie ou héréditaires, qu’il devait à la générosité royale, et qui devenaient, en raison même de ce don, plus ou moins tributaires de la royauté.



CHAPITRE II.


(A, B, C, D, E) Le récit du meurtre des enfants de Clodomir, par Clotaire et son frère, ainsi que le miracle opéré par l’intercession de saint Martin à la prière de la reine Clotilde, sont textuellement extraits de Saint-Grégoire, évêque de Tours, déjà cité. (Histoire ecclésiastique des Franks, t. I, liv. Il et III, ch. XVI, XVIII et suivants.)


(F, G) « Il ne faut pas croire (dit M. Guizot dans son Histoire de la civilisation en France, vol. I, p. 398), que les moines aient toujours été des ecclésiastiques, qu’ils aient fait essentiellement partie du clergé… Non-seulement on regarde les moines comme des ecclésiastiques, mais l’on est tenté de les regarder comme les plus ecclésiastiques de tous ; c’est là une impression pleine d’erreurs ; à leur origine et au moins pendant deux siècles, les moines n’ont pas été des ecclésiastiques, mais de purs laïques réunis sans doute par une croyance religieuse, mais étrangers au clergé proprement dit. Les premiers moines ou ascètes se retirèrent loin du monde et allèrent vivre dans les bois ou la solitude ; puis vinrent les ermites, les anachorètes, c’est le second degré de la vie monastique ; plus tard les ermites se rapprochèrent, habitèrent et travaillèrent en commun, formèrent les premières communautés et bâtirent des monastères, de là le nom de moines… Beaucoup de moines laïques remuaient le peuple par leurs prédications ou l’édifiaient par le spectacle de leur vie ; de jour en jour on les prenait en plus grande admiration, en respect ; l’idée s’établissait que c’était là la perfection de la conduite chrétienne ; on les proposait pour modèles au clergé, et pourtant c’étaient des laïques, conservant une grande liberté, ne faisant point de vœux, ne contractant point d’engagements religieux ; toujours distincts du clergé, souvent même attentifs à s’en séparer. » (Hist. de la civil., vol. I, p. 4 13.)

Ce passage de Cassien (De instit. Cœnob. IX, 17) donne une singulière preuve de l’antagonisme qui exista si longtemps entre les moines laïques et les évêques :

« C’est l’ancien avis des Pères, avis qui persiste toujours, qu’un moine doit à tout prix fuir les femmes et les évêques, car ni les femmes ni les évêques ne permettent au moine qu’ils ont une fois engagé dans leur familiarité, de se reposer en paix dans sa cellule, et d’attacher ses yeux sur la doctrine pure et céleste en contemplant les choses saintes. »

Si beaucoup de moines, séduits par les promesses des évêques, qui redoutaient leur influence et leur popularité, entraient dans le corps du clergé, beaucoup d’autres refusèrent longtemps et si obstinément qu’un évêque de Chypre, saint Éphiphane, eut recours au moyen suivant, pour ordonner prêtre un moine nommé Paulinien qui refusait cet honneur :

«… Pendant que l’on célébrait la messe dans l’église d’un village qui est près du monastère, à son insu et lorsqu’il ne s’y attendait aucunement, nous avons fait saisir Paulinien par plusieurs diacres ; nous lui avons fait tenir la bouche, de peur que, voulant s’échapper, il nous adjurât par le nom du Christ ; nous l’avons d’abord ordonné diacre, et nous l’avons sommé d’en remplir l’office au nom de la crainte qu’il avait de Dieu ; Paulinien résistait fortement, soutenant qu’il était indigne, et nous avons eu beaucoup de peine à le persuader de remplir l’office, en lui alléguant les ordres de Dieu. »

Voici donc Paulinien diacre, quoi qu’il en eût, obligé de remplir bon gré mal gré son office ; mais ce n’était que le premier grade de la prêtrise, il fallait l’ordonner prêtre, ce à quoi saint Épiphane procéda de la sorte :

«… Lorsque Paulinien a eu rempli les fonctions de diacre dans le saint sacrifice, nous lui avons de nouveau fait tenir les membres et la bouche avec une extrême difficulté, afin de pouvoir l’ordonner prêtre ; et au moyen des mêmes raisons que nous lui avions déjà fait valoir, nous l’avons enfin décidé à siéger au rang des prêtres. » (Saint Épiphane, Lettre à Jean, évêque de Jérusalem, liv. II, p. 312.)


(H) Voir divers textes de Ghildes Saxonnes, dans les pièces justificatives relatives aux considérations sur l’Histoire de France (introduction aux récits des temps mérovingiens, par Augustin Thierry, vol. I, p. 1).


CHAPITRE III.


(A) Voir la note H (chap. I) sur l’établissement et la vie du chef de bande et de ses leudes sur la terre conquise.


(B) «… Le propriétaire d’un grand domaine, entouré de ses compagnons qui continuaient de vivre auprès de lui, des colons et des esclaves qui cultivaient ses terres, leur rendait la justice en qualité de chef de cette petite société ; lui aussi tenait dans son domaine une sorte de mâhl où les causes étaient jugées, tantôt par lui seul, tantôt avec le concours de ses hommes libres. » (Guizot, Des Institutions politiques de la France, p. 179, cit. ; Hulmann, Histoire de l’origine des ordres, p. 16-18.)


(C) Voir la lettre précédant l’épisode de Ronan, le fait cité par Grégoire de Tours y est rapporté.


(D) « Les grands propriétaires tenaient aussi une cour à l’instar des rois et pouvaient donner à leurs fidèles des charges de sénéchal, de maréchal, d’échanson, de chambellan. » (Les alam., tit. LXXIX ; Hulmann, et tous les monuments du temps, ap. Guizot, Institutions politiques, p. 144.)


(E) Histoire des Mœurs et de la vie privée des Français, par Émile de la BÉDOL
LIÈRE, v. 1, p. 219. (Nous ne saurions trop recommander à nos lecteurs cet excellent livre où la science est jointe à un vif et piquant intérêt ; nous espérons que l’auteur achèvera une œuvre si utile, car trois volumes seulement ont paru.)


(F) Dès l’année 506 les conciles permettaient l’établissement de chapelles ou d’oratoires particuliers.

«… Si quelqu’un veut avoir sur ses terres un oratoire autre que l’église de la paroisse, nous permettons et trouvons bon que dans les fêtes ordinaires on y fasse dire des messes pour la commodité des siens. » (Concile d’Agde, 506.)


(G) Voir la lettre à laquelle renvoie la note C.


(H) «… Lorsque l’accusateur, sur l’assignation de l’accusé, paraissait devant le mâhl, devant les juges, n’importe lesquels, comtes, rachimburgs, ahrimans, la culpabilité s’établissait de diverses manières ; le recours au jugement de Dieu, par épreuve de l’eau bouillante, des fers chauds, etc., l’accusé arrivait suivi de ses conjurateurs qui venaient jurer qu’il n’avait pas fait ce qu’on lui imputait, l’offensé avait aussi les siens. » (Institutions politiques, Grab, t. VII.)


(I) Selon plusieurs érudits ce préambule de la loi salique aurait été rédigé en Germanie au delà du Rhin, avant la conquête de la Gaule par les Franks.


(J) Voir le Recueil de M. PARDESSUS contenant les anciennes rédactions de la loi salique, vol. 1, p. 4 14.


(K) Loi salique, t. XLV et suivants.


(L) «… Le lendemain à son lever, Galeswinthe reçut le morganegiba (présent du matin) avec les cérémonies prescrites par les coutumes germaniques… En présence de témoins choisis, Hilperik prit dans sa main droite la main de sa nouvelle épouse ; et de l’autre il jeta sur elle un brin de paille, etc., etc. » (Augustin Thierry, Récits mérovingiens, t. I, p. 354.)


(M) Voir les citations sur les Institutions politiques et mœurs des Franks, vol. VII, tit. LXI.


(N) On ne doit pas confondre avec les leudes ni avec les fidèles les antrustions, qui sont les personnes de toutes conditions placées sous la protection particulière et immédiate du roi. Le mot antrustion signifie qui est in truste, et le radical trustis répond à l’anglais trust, en français assurance, ainsi qu’à l’allemand trost, qui veut dire consolation, aide, protection. De sorte que par antrustio, ou par cette expression aussi souvent usitée, qui est in truste dominicâ, regali ou regis, on doit entendre un protégé du roi. Les antrustions du roi sont d’ailleurs les seuls dont il soit fait mention.

Tous les antrustions étaient des fidèles, mais les fidèles n’étaient pas tous des antrustions. Marculf nous a donné la formule de l’acte par lequel le roi reçoit un de ses fidèles au nombre des antrustions. Cette formule, intitulée : De l’antrustion du Roi, a trop d’importance pour qu’on néglige de la reproduire ici. Elle peut se traduire de la manière suivante : « Il est juste que ceux qui nous promettent une foi inviolable soient placés sous notre protection. Et comme N., notre fidèle, par la faveur divine, est venu ici, dans notre palais, avec ses hommes libres, arimannia sua, et nous a juré, avec eux, en nos mains, assistance, trustem et fidélité, nous décrétons et ordonnons par le présent précepte, que ledit N. soit désormais compté au nombre des antrustions. Que celui donc qui aura l’audace de le tuer, sache qu’il sera condamné à payer 600 sous d’or pour son wirgelt. » Dans cette formule, le mot arimannia signifie, non pas proprement les hommes libres vivant dans la dépendance du récipiendaire, mais les hommes libres venus pour prêter serment avec lui, c’est-à-dire ses conjurateurs.

L’antrustion jouissant, sous la protection royale, d’un wirgelt trois fois plus fort que celui du simple homme libre, avait pour sa sûreté personnelle trois fois plus de garantie que ce dernier. Cet avantage d’une composition triple lui était assuré non seulement pour le cas de meurtre, mais encore pour toute espèce d’attentat ou d’injure contre sa personne. Les causes des antrustions étaient déférées, en dernier ressort, au tribunal du roi ; mais il leur était interdit de porter témoignage les uns contre les autres.

Ce n’étaient pas les seuls hommes libres, c’étaient aussi des personnes plus ou moins engagées dans la dépendance d’autrui, que le roi prenait sous sa protection spéciale. Des femmes mêmes y étaient admises. ( Guérard, Polyptique d’Irminon.)


(O) « … Car auprès de Chram était aussi un certain Lion de Poitiers, violent aiguillon pour le pousser à tous les excès ; bien digne de son nom, il déployait la cruauté d’un lion pour satisfaire à tous ses désirs ; on prétend qu’un jour il osa dire que saint Martin et saint Martial, les confesseurs du Seigneur, n’avaient rien laissé au fisc qui vaille, etc. » (Grégoire de Tours, Histoire des Franks, liv. IV, chap. XVI.)


(P) Imnachair et Spatachair étaient les premiers affidés du roi Chram ; un jour il leur dit : « Allez et arrachez par force de l’église Firmin et Césarie, sa belle-mère. Chram résidait à Clermont, réunissant des personnes de vile condition, et dans la fougue de la jeunesse il les adoptait exclusivement pour amis et conseillers, leur livrait des filles de nobles et donnait même des diplômes pour les faire enlever de force… L’évêque Cautin sortit un jour de la ville vivement affligé, craignant d’éprouver en route quelque accident, car le roi Chram lui faisait aussi des menaces. » (Grégoire de Tours, Histoire des Franks, liv. IV, chap. XIII.)


(Q) Cependant Chram commettait toutes sortes de violences en Auvergne, et était toujours l’ennemi déclaré de l’évêque Cautin. En ce temps, Chram fut dangereusement malade, et ses cheveux tombèrent par suite d’une fièvre violente. (Grégoire de Tours, liv. IV, chap. XVI.)


(R) Vie privée des Français, par M. de la Bédollière.


(S) Des chevaux, des mules, des bœufs et divers genres de voitures, entretenus aux frais du fisc, faisaient le service ordinaire pour le transport des officiers et des messages publics, et en général de tout ce qui était expédié au nom du roi. Mais au défaut ou dans l’insuffisance de moyens ordinaires, les particuliers étaient requis, pour y suppléer, de fournir leurs animaux, tant de trait que de somme. Les voitures devaient être attelées de deux paires de bœufs, et la charge d’une voiture ne pouvait excéder quinze cents livres romaines. C’était cette espèce de transport public extraordinaire, mis à la charge des particuliers, qu’on désignait sous le nom d’angarie, lorsqu’il se faisait sur les grandes routes, et sous celui de parangarie s’il avait lieu par d’autres voies.

Les charrois ou angaries se faisaient quelquefois pour des lieux assez éloignés ; or, la loi des Bavarois porte que les colons et les serfs feront les angaries avec leurs voitures pour cinquante lieues de distance, mais qu’ils ne seront pas obligés d’aller plus loin. Cette limitation montre elle-même combien cette espèce de service était onéreux. Les officiers publics l’aggravaient encore en abusant, à cet égard, de leur autorité, et même en exigeant pour leur propre compte des angaries qui ne leur étaient pas dues. Aussi trouvons-nous dans les lois des dispositions contre cet abus : « Que le comte, le vicaire et l’intendant, dit la loi des Visigoths, se gardent bien d’aggraver à leur profit la condition des peuples, par des indictions, des exactions, des travaux et des angaries. » (Guérard, Polyptique d’Irminon.)


(T) Sa gloire le roi Chram. (Grégoire de Tours, liv. IV, chap. XIX.)


(U) Il faudrait nombrer vingt miracles pareils cités dans Grégoire de Tours, miracles effectués grâce à une connaissance locale de l’état atmosphérique.


(V) Guérard (Polyptique de l’abbé Irminon), du tarif comparé de la composition des antrustions et des leudes, t. I, p. 346.


(X) « Chram quittant Clermont vint à Poitiers ; tandis qu’il y résidait avec toute la puissance d’un maître séduit par les conseils d’un méchant, il songeait à ourdir un complot contre son père… Chram retourna dans le Limousin et réduisit sous sa domination cette partie du royaume de son père… Plus tard le rusé Chram fit annoncer à ses frères, par un étranger, la mort de son père… Chram s’avança avec son armée jusqu’à Chalons-sur-Saône, ravageant tout sur son passage, etc. (Grégoire de Tours, Histoire des Franks, liv. IV, chap. XVI.)


(Y-Z) La fête des Kalendes (Kalendæ, festum kalendarum) avait lieu au renouvellement de l’année, aux Kalendes de janvier. Cette fête, d’origine païenne, fut conservée par les chrétiens. On s’y livrait, avec une sorte de fureur, aux danses les plus obscènes ; on y paraissait, en outre, ce qui était de nature à provoquer bien des excès, sous les déguisements les plus étranges. Les uns avaient des habits de femme, les autres étaient couverts de peaux de bêtes. L’Église essaya de réprimer les désordres des Kalendes : elle alla jusqu’à vouloir substituer à la fête annuelle des jeûnes et des prières. Elle ne réussit pas. (Voyez les textes accumulés dans Ducange.) Il y a plus : les laïques ayant peu à peu cessé de prendre part aux réjouissances du renouvellement de l’année, les évêques, les abbés, les prêtres, recueillirent, dans le sanctuaire, les traditions du paganisme et souvent ils célébrèrent dans leurs cathédrales ou leurs cloîtres, en y mêlant les jeux les plus burlesques et les plus immoraux, la fête des Kalendes. Seulement, cette fête avait changé de nom : elle était devenue la fête des Innocents ou des Fous. Elle tomba en désuétude à l’approche des temps modernes ; elle ne devait pas survivre à la barbarie du moyen âge. Voyez Ducange, ad verbum KALENDÆ, Ed. Henschel.


(AA) Vie privée des Français, par Émile de la Bedollière, vol. I, p. 249.


CHAPITRE IV.


(A) Grégoire de Tours, Histoire des Franks, liv. IV, ch. XVII. On y trouvera les détails de cette curieuse vendange armée.


(B) Recueil de Marculf.


(C) Voir la note sur les Ghildes.


(D, E, F) Le roi Clotaire marchait comme un nouveau David allant combattre son fils Absalon, il s’écriait : — Seigneur, regarde-moi du haut du ciel et juge ma cause, car je suis indignement outragé par mon fils ; vois et juge-nous avec équité et que ton jugement soit celui que tu prononças entre Absalon et son père David. — On combattit des deux côtés avec acharnement, Chram prit la fuite, il avait sur mer un vaisseau tout préparé ; mais tandis qu’il voulait mettre en sûreté sa femme et ses filles, il fut surpris, saisi et enchaîné. Le roi Clotaire ordonna qu’il fût brûlé avec sa femme et ses filles ; on les enferma dans la cabane d’un pauvre, et Chram, étendu sur un banc, fut étranglé avec un mouchoir ; ensuite on mit le feu à la cabane, et ainsi sa femme et ses filles périrent avec lui. (Grégoire de Tours, Histoire des Franks, liv. IV, ch. XX.)


ÉPILOGUE.


LE MONASTÈRE DE CHAROLLES
ET LE PALAIS DE LA REINE BRUNEHAUT.


CHAPITRE PREMIER.


(A, B) Ch. LXVIII, De obedientia et humilitate, règle de SAINT-BENOÎT.


(C) Ch. LXIX, Que dans le monastère, nul n’ose en défendre un autre, règle de SAINT-BENOÎT.


(D) Sismondi, Histoire des Français.


(E) «… Les moines sentirent la nécessité de recourir à quelque autre moyen ; ils résistèrent ouvertement aux évêques, ils refusèrent d’obéir à ses injonctions, de le recevoir dans le monastère ; plus d’une fois ils repoussèrent à main armée ses envoyés… On traita ; les moines promirent de rentrer dans l’ordre, de faire quelques présents à l’évêque s’il voulait s’engager à respecter désormais le monastère, à ne point piller leurs biens, à les laisser jouir en paix de leurs droits ; l’évêque y consentit et donna au monastère une charte… Ces chartes devinrent si fréquentes (en raison des fréquentes agressions des évêques et des insurrections des moines), que l’on trouve la rédaction officielle de ces chartes dans les formules de Marculf.

»… Quand nous arriverons à l’histoire des communes, vous verrez que les chartes qu’elles arrachèrent à leurs seigneurs semblent avoir été calquées sur ce modèle (ces chartes arrachées aux évêques par l’insurrection des moines). » (Guizot, Histoire de la Civilisation, t. I., p. 446-447.)



fin des notes du quatrième volume.