Les Naïades
LES NAÏADES
Au bord de l’eau qui rêve et sous le ciel qui dort,
À l’urne des forêts buvant l’ombre épanchée,
Les naïades en chœur, troupe aux mortels cachée,
Tordent au vent léger leur chevelure d’or.
À les voir l’eau sourit et le ciel se recueille,
Sentant d’un jour nouveau s’emplir leur double azur
Dans les yeux doux et clairs des filles au front pur ;
L’enchantement des bois sur leur tête s’effeuille.
De leur fière beauté mesurant les accords,
Comme pris du remords de sa course éternelle,
Le Temps sur leur repos laisse planer son aile ;
L’air vibrant s’alanguit au toucher de leur corps.
Des monts échevelés aux vallons revenues,
Elles ont recherché la fraîcheur des gazons
Et la demi-clarté des jeunes frondaisons
Qui tendent des baisers à leurs épaules nues.
Le paysage est doux, voluptueux, aimant,
Et d’adorations timides les effleure.
La nature est plus tendre aux lieux où l’onde pleure,
Où descend le regard ami du firmament.
Et le corps de la femme est fait pour les tendresses
De tout ce qui respire et meurt sur son chemin.
Le fruit naît pour sa bouche et la fleur pour sa main ;
Pour elle la mort a d’immortelles caresses.
Ces arbres jauniront : le flot silencieux
Séchera sous le vent : ici-bas tout s’efface.
Seules, au seuil des ans, demeurent face à face
La beauté de la femme et la clarté des cieux.
Voilà pourquoi, fuyant l’ombre opaque et la source
Qu’un mystère de fleurs cèle aux yeux du soleil,
Les Naïades en chœur ont arrêté leur course
Sur le tertre où parfois descend l’astre vermeil.
Sur l’herbe tiède encor du baiser de l’aurore,
Leur chair vient chastement rayonner à son tour,
Et son éclat, venant après l’éclat du jour,
Illumine les bois, l’air et le flot sonore.
Et, tout à coup, soufflant dans les roseaux tremblants,
À travers les taillis, sur l’onde qui s’enchante,
Du dieu Pan rajeuni l’âme s’éveille et chante
L’immortelle beauté des femmes aux cous blancs.