Silène (Armand Silvestre)
SILÈNE
Cependant que midi, descendu dans la plaine,
Vide son carquois d’or sur le coteau vermeil,
Par ses flèches chassé le doux et vieux Silène
Va cueillir dans les bois la fraîcheur du sommeil.
Un âne patient dont s’alourdit la course,
Et dont son rude poids courbe les reins velus,
L’emporte lentement jusqu’aux bords d’une source
Où les échos lointains ne le troubleront plus.
Tous deux rêvent déjà de fraîcheurs sans pareilles
Sur les gazons obscurs, près de l’onde qui ment.
Déjà la tête chauve et les longues oreilles
Ont pris dans l’air plus tiède un doux balancement.
Mais les nymphes, du fond de la forêt profonde,
Accourent vers l’ami paisible de Bacchus
Et, fermant les anneaux rythmiques d’une ronde,
Serrent des nœuds de fleurs autour des deux vaincus.
Par le rire, la danse et les chants affolées,
Sous leurs pieds bondissants déchirant les roseaux,
Elles tournent, les bras tendus, échevelées,
Et mêlent leur voix claire au murmure des eaux.
Et, Silène, parmi les adorables poses
De leurs corps nonchalants, éclatants et nerveux,
Semble un bourdon doré sur des touffes de roses
Et s’enivre aux parfums vivants de leurs cheveux.