Les Oiseaux de passage (Ségalas)/03/08

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Les Oiseaux de passage : PoésiesMoutardier, libraire-éditeur (p. 287-292).

ADIEUX À VENISE.

romance.

Et les flots prisonniers
S’endorment sur le bord de ses blancs escaliers.
Alfred de Musset.

Moi j’erre comme le nuage.
Édouard d’Anglemont.


Adieu, la magique ville,
Caprice de l’univers ;
Venise, flotte immobile,
Venise, perle des mers !
Adieu, tes flots qui soupirent,
Tes chants amoureux du soir,
Et tes palais qui s’admirent
Dans un onduleux miroir !



Ô toi, madone céleste,
Que nous prions à genoux,
Garde-moi pure et modeste
Ma Nice aux regards si doux.
Un mot, un désir de plaire,
Flétrirait son cœur brûlant,
Comme une tache légère
Peut salir ton voile blanc.


La nuit, sur l’onde assouplie,
Nos sermens, faits par milliers,
Unissaient leur harmonie
Aux chansons des gondoliers ;
Et j’aimais le bateau frêle
Plus qu’un palais éclatant,
Quand Venise calme et belle
Dormait sur son lit flottant.



Adieu donc, ma ville reine,
Ville au pavé de cristal ;
Déjà la voile m’entraîne
Loin de mon pays natal.
Venise, au loin, dans l’espace,
Me semble à peine un vaisseau,
Puis un cygne, et puis s’efface
En plongeant son front dans l’eau.