Les Origines de la France contemporaine/Volume 5/Préface

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PRÉFACE[1]


Dans ce volume, comme dans les précédents et dans les suivants, on ne trouvera que l’histoire des pouvoirs publics. D’autres feront celle de la diplomatie, de la guerre, des finances, de l’Église, mon sujet était limité. Pourtant, à mon grand regret, ce nouveau livre occupe un volume, et le dernier, sur le gouvernement révolutionnaire, sera aussi long.

J’ai encore le regret de prévoir que cet ouvrage déplaira à beaucoup de mes compatriotes. Mon excuse est que, plus heureux que moi, ils ont presque tous des principes politiques et s’en servent pour juger le passé. Je n’en avais pas, et même, si j’ai entrepris mon livre, c’est pour en chercher. Jusqu’à présent, je n’en ai guère trouvé qu’un, si simple qu’il semblera puéril et que j’ose à peine l’énoncer. Néanmoins, j’y suis tenu ; car tous les jugements qu’on va lire en dérivent, et leur vérité a pour mesure sa vérité. Il consiste tout entier dans cette remarque qu’une société humaine, surtout une société moderne, est une chose vaste et compliquée. Par suite, il est difficile de la connaître et de la comprendre. C’est pourquoi il est difficile de la bien manier. Il suit de là qu’un esprit cultivé en est plus capable qu’un esprit inculte ; et un homme spécial qu’un homme qui ne l’est pas. De ces deux dernières vérités naissent beaucoup d’autres conséquences ; si le lecteur daigne y réfléchir, il n’aura pas de peine à les démêler.


Paris, avril 1881.
  1. Cette préface était en tête de l’édition in-8o.