Les Pères de l’Église/Tome 3/Livre V/Chapitre X

La bibliothèque libre.


Texte établi par M. de GenoudeSapia (Tome troisièmep. 519-521).

CHAPITRE X.


Nouvelles preuves à l’appui de la proposition traitée dans le chapitre précédent, tirée de la comparaison de l’olivier sauvage, qui, par la greffe, change de qualité en gardant la même nature ; de même l’homme, s’il n’est greffé sur l’esprit ne peut ni produire de bons fruits, ni posséder le royaume de Dieu.


Voici ce que nous dit saint Paul pour nous avertir de ne pas nous abandonner aux entraînements de la chair, et de nous mettre en communication avec l’esprit : « Et si vous, qui n’étiez qu’un olivier sauvage, avez été enté sur un bon olivier, vous prendrez part à la sève et au suc qui monte de la racine de l’olivier. » Si donc l’olivier sauvage, après avoir reçu la greffe, continue dans sa nature sauvage, il sera coupé et jeté au feu. Si, au contraire, cet olivier sauvage met à profit sa greffe et devient un bon olivier, dès-lors il porte de bons fruits, il est semblable à celui qui a été planté dans le jardin du maître. Il en est de même des hommes ; s’ils s’avancent par la foi dans le chemin de la perfection, en s’appropriant l’esprit de Dieu, ils porteront des fruits semblables aux siens ; ils seront des hommes tout spirituels, comme s’ils avaient été plantés, pour ainsi dire, dans le paradis céleste. Si, au contraire, ils rejettent l’esprit de Dieu, s’ils persévèrent dans la mauvaise voie qu’ils suivaient d’abord, préférant ainsi être les hommes de la chair que les hommes de l’esprit ; alors ils méritent avec juste raison l’application de ces mots de l’apôtre, quand il dit que la chair et le sang ne peuvent posséder le royaume de Dieu. C’est comme si l’on disait que l’olivier sauvage ne sera point transplanté dans le jardin du maître. Nous voyons donc que l’apôtre, dans cette comparaison de la chair et du sang, et de l’olivier sauvage, explique admirablement toute notre nature et les desseins de Dieu envers elle. L’olivier abandonné quelque temps dans un lieu désert, recommence à porter des fruits sauvages et suit le penchant de sa mauvaise nature ; tandis que si on lui donne des soins, si on le greffe de nouveau, alors il produira encore de bons fruits. Il en est de même des hommes qui, abandonnés à leur mauvaise nature, ne portent que des fruits sauvages, qui sont l’image des actions déréglées de la chair ; et ils sont justement condamnés comme étant stériles. Tandis que l’homme s’endort dans le péché, l’ennemi vient et sème le mauvais grain dans son âme. Voilà pourquoi le Seigneur recommande tant à ses disciples de veiller sans cesse. Mais ceux qui, jusqu’alors, n’avaient pu porter de bons fruits, et étaient comme étouffés par les ronces et les épines, s’ils viennent à rentrer dans la bonne voie, et reçoivent la parole de Dieu comme une greffe de vertu, ils reprennent le caractère d’hommes spirituels, celui par lequel nous devenons faits à l’image et à la ressemblance de Dieu.

L’olivier sauvage, quoique greffé, ne perd pas pour cela ni sa tige ni le bois qui est sa forme constitutive, ce n’est que la qualité de son fruit qui change ; cependant dès lors il change aussi de nom, il perd celui d’olivier sauvage, et s’appelle un bon olivier. Il en est ainsi de l’homme qui reçoit l’esprit de Dieu par la greffe de la foi ; la chair de son corps n’en reste pas moins la même qu’elle était, mais cet homme, produisant des œuvres meilleures, reçoit aussi un nouveau nom qui marque sa transformation dans le bien ; il n’est plus seulement chair et sang, et il s’appelle un homme spirituel. Enfin, si l’olivier sauvage ne met sa greffe à profit, il reste un arbre sans utilité pour son maître, qui le fait couper et jeter au feu. Il en va ainsi de l’homme, qui ne s’approprie pas l’esprit de Dieu par ce qu’on peut appeler la greffe spirituelle, il continue d’être ce qu’il était auparavant, de la chair et du sang, incapable de posséder le royaume de Dieu. L’apôtre, nous le répétons, a donc eu raison de dire : « Que la chair et le sang ne peuvent posséder le royaume de Dieu ; » et encore, « que ceux qui vivent selon la chair ne peuvent plaire à Dieu. » Il n’entend pas par là que la chair soit supprimée, mais que l’esprit de Dieu lui soit incorporé. C’est pour cela qu’il dit : « Il faut que ce corps corruptible soit revêtu d’incorruptibilité, et que ce corps mortel soit revêtu d’immortalité. » Ailleurs : « Mais vous, vous ne vivez point selon la chair, mais selon l’esprit, si toutefois l’esprit de Dieu habite en vous. » Il s’explique plus clairement encore à ce sujet, lorsqu’il dit : « Mais si Jésus-Christ est en vous, quoique le corps soit mort à cause du péché, l’esprit est vivant à cause de la justice. Si donc l’esprit de celui qui a ressuscité Jésus habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ rendra aussi la vie à vos corps mortels, à cause de son esprit qui habite en vous. » Il dit aussi dans la même épître : « Que si vous vivez selon la chair, vous mourrez. » L’apôtre, en parlant ainsi, ne fait donc pas abstraction de la chair, puisque lui-même était dans la chair lorsqu’il écrivait ces choses ; il entendait seulement qu’il faut supprimer les passions de la chair, qui causent la mort spirituelle. Aussi ajoute-t-il : « Si vous faites mourir par l’esprit les passions de la chair, vous vivrez. Car tous ceux qui sont conduits par l’esprit de Dieu sont enfants de Dieu. »