Les Pères de l’Église/Tome 3/Livre V/Chapitre XX

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Texte établi par M. de GenoudeSapia (Tome troisièmep. 551-553).

CHAPITRE XX.


Qu’il faut écouter avec docilité les pasteurs à qui les apôtres ont remis le gouvernement des Églises, dépositaires de la foi qui est une et invariable. Que l’on doit aussi éviter la société des hérétiques, et s’abstenir d’une curiosité indiscrète à l’égard des mystères de la foi.


Tous les hérésiarques, ainsi que nous l’avons clairement exposé dans le troisième livre, sont de beaucoup postérieurs aux évêques, auxquels les apôtres avaient remis le gouvernement des Églises. Ces hérétiques, qui fermaient volontairement les yeux à la vérité, ont donc été condamnés à s’égarer dans toutes les voies de l’erreur, suivant tantôt un chemin, tantôt un autre ; et c’est justement par cette raison qu’ils n’ont pu produire un corps de doctrine, et que leurs systèmes n’ont laissé que des traces confuses. Il en est tout autrement de ceux qui vivent dans les doctrines de l’Église ; rien ne leur est caché, parce qu’ils marchent éclairés du flambeau de la foi et de la tradition des apôtres. Ainsi ils ont tous une foi qui est la même, qui est ferme et inébranlable ; ils ont une même foi en un seul et même Dieu le père, dans l’incarnation de son Verbe, et dans le Saint-Esprit l’auteur de tous les dons ; ils croient aux mêmes commandements, observent la même discipline, attendent tous le dernier avénement du Christ pour juger le monde, et ils ont une même croyance sur le salut auquel participeront également l’âme et le corps. D’ailleurs, l’enseignement de l’Église est dans tous les lieux uniforme et le même ; partout elle montre aux hommes la même voie de salut. Et, en effet, le flambeau de la science divine a été remis entre ses mains ; « la sagesse de Dieu, par laquelle les hommes sont sauvés, parle au dehors, sa voix retentit dans les places publiques ; elle crie devant les assemblées, à l’entrée des portes, elle parle au milieu des villes. » Car l’Église prêche partout la vérité, et c’est elle qui est le flambeau à sept branches qui distribue au monde la lumière du Christ.

Ceux donc qui ne suivent pas les enseignements de l’Église accusent par là même les saints prêtres, ses ministres, d’ignorance ; mais ils ne voient pas qu’il y a plus d’esprit de religion dans le cœur de l’homme le plus simple que dans l’âme du sophiste effronté et de celui qui blasphême contre Dieu. Tels sont tous les hérétiques, qui prétendent découvrir quelque chose par delà la vérité même ; on les voit se partager en mille sectes diverses, allant à droite et à gauche, n’ayant jamais un même sentiment sur les mêmes choses, et ressemblant à des aveugles conduisant à l’aventure d’autres aveugles ; ils ne peuvent donc manquer de tomber ensemble dans la fosse de l’ignorance, cherchant toujours et ne trouvant jamais rien. Nous devons donc fuir leurs discours et bien prendre garde aux piéges qu’ils nous tendent. Que l’Église donc soit notre refuge, et instruisons-nous auprès d’elle des saintes Écritures ; l’Église est pour les chrétiens le paradis terrestre de ce monde. « Vous pouvez donc manger de tous les fruits du jardin, » dit l’esprit de Dieu ; c’est-à-dire que vous pouvez puiser dans les Écritures votre nourriture spirituelle ; mais il vous est défendu de rechercher les mystères qui sont plus élevés, et de goûter les doctrines des hérétiques. Ceux-ci sont d’autant plus coupables en répandant leurs opinions impies, qu’ils reconnaissent avoir la faculté de distinguer le bien et le mal. Ils veulent comprendre plus que ne le peut leur intelligence ; c’est pour cela que l’apôtre recommande « de ne point être sage plus qu’il ne faut, mais d’être sage avec sobriété, » de peur que, venant à manger du fruit de l’arbre défendu de la science, nous ne soyons chassés du paradis de vie, que Dieu réserve pour ceux qui suivent ses commandements, « réunissant tout en Jésus-Christ, comme dans le chef, tant ce qui est dans le ciel que ce qui est sur la terre ; » mais les choses du ciel sont les choses de l’esprit, et ce qui est sur la terre est en rapport avec l’intelligence de l’homme. Le Christ réunit en lui toutes ces choses ; et c’est lui qui unit l’homme à l’esprit et qui place l’esprit dans l’homme ; il gouverne lui-même le guide de l’esprit, et il fait que l’esprit gouverne l’homme ; car c’est par l’esprit que nous voyons, que nous entendons, et que nous parlons.