Les Pères de l’Église/Tome 3/Livre V/Chapitre XXVIII

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Texte établi par M. de GenoudeSapia (Tome troisièmep. 574-577).

CHAPITRE XXVIII.


Marque distincte des élus et des réprouvés. — De l’apostasie qui doit avoir lieu lors du règne de l’Antechrist, et qui précédera la fin du monde.


Dans ce monde, les uns recherchent la lumière, et s’unissent à Dieu par la foi ; les autres s’éloignent de la lumière, et se séparent ainsi volontairement de Dieu. Voilà pourquoi le Verbe doit venir à la fin des temps pour placer les uns et les autres dans le séjour qui convient à leur inclination ; ceux qui sont dans la lumière, pour jouir de cette lumière même et de tous les biens qui accompagneront cette jouissance ; ceux qui sont dans les ténèbres, pour souffrir tous les maux qu’engendrent les ténèbres. Aussi l’Évangile nous dit-il que ceux qui seront à la droite du Verbe entreront dans le royaume de son Père, et que ceux qui seront à sa gauche seront renvoyés au feu éternel ; car ceux-ci se seront exclus d’eux-mêmes de la participation des biens célestes. C’est là ce qui fait dire à l’apôtre : « Pour n’avoir pas reçu et aimé la vérité, afin d’être sauvés. C’est pourquoi Dieu leur enverra cet impie, qui, par de puissantes impostures leur persuadera le mensonge, afin que tous ceux qui n’ont point cru à la vérité et qui ont consenti à l’iniquité, croient à ses impostures, et soient condamnés. » Car l’antechrist viendra pour combler la mesure de ses anciennes apostasies, qu’il résumera toutes en lui seul ; tout ce qu’il fera, il le fera de sa propre volonté et de son plein mouvement ; il ira s’asseoir dans le temple de Dieu, et là il s’y fera adorer comme étant le Christ, par ceux qui se seront laissés aller à ses séductions. C’est en punition de cette profanation qu’il sera jeté dans l’étang de feu. Dieu, qui sait tout ce qui doit arriver, dans sa prescience infinie, enverra, au temps marqué, l’antechrist sur la terre, afin que tous ceux qui n’ont pas cru à la vérité et qui ont consenti à l’iniquité, soient trompés par lui et soient condamnés. Voici comment saint Jean décrit son avénement : « Et la bête que je vis était semblable à un léopard, et ses pieds ressemblaient aux pieds d’un ours, et sa gueule à la gueule d’un lion ; et le dragon lui donna sa force et sa grande puissance. Et je vis une de ces bêtes comme blessée à mort ; mais cette plaie mortelle fut guérie, et toute la terre émerveillée suivit la bête. Et ils adorèrent le dragon qui avait donné sa puissance à la bête ; et ils adorèrent la bête, disant : Qui est semblable à la bête, et qui pourra combattre contre elle ? Et il lui fut donné une bouche qui se glorifiait et blasphémait ; et elle reçut le pouvoir de faire la guerre quarante-deux mois. Elle ouvrait la bouche pour blasphémer contre Dieu, pour blasphémer son nom et son tabernacle, et ceux qui habitent dans le ciel. Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints et de les vaincre ; et elle reçut la puissance sur toute tribu, sur tout peuple, sur toute langue et sur toute nation. Tous les habitants de la terre l’adorèrent, ceux dont les noms ne sont pas écrits dans le livre de vie de l’agneau immolé dès la création du monde. Si quelqu’un a des oreilles, qu’il écoute : Celui qui rend les autres captifs, sera captif lui-même ; celui qui tuera par le glaive, mourra par le glaive. C’est ici la patience et la foi des saints. » Il décrit ensuite la bête qui combattra pour l’antechrist, qu’il appelle un faux prophète : « Et elle parlait comme le dragon ; elle exerçait toute la puissance de la première bête en sa présence, et elle fit que la terre, et ceux qui l’habitent, adorèrent la première bête, dont la plaie mortelle avait été guérie. Elle opérera de grands prodiges, jusqu’à faire tomber le feu du ciel sur la terre devant les hommes, et elle séduira les habitants de la terre. » Mais il ne faut pas croire que ces prodiges s’opéreront par quelque effet de la puissance divine, mais uniquement par l’effet d’une opération magique. Et il ne faut pas s’en étonner, s’il est vrai que le démon ait par lui-même le pouvoir de faire ces choses, avec l’aide et l’assistance des esprits infernaux et rebelles qui le servent. « Elle ordonnera aux habitants de la terre d’élever une image à la bête ; elle aura même le pouvoir d’animer l’image de la bête et de la faire parler, et de faire tuer tous ceux qui n’adoreront pas l’image de la bête. Et ils porteront le sceau de la bête en leur main droite et sur leur front ; et personne ne pourra acheter ni vendre, que celui qui aura le sceau ou le nom de la bête, ou le nombre de son nom. Et son nombre est six cent soixante-six ; » comme signifiant le nombre total de toutes les apostasies qu’elle a commises depuis six mille ans.

Le monde doit durer autant de fois mille ans que Dieu a employé de jours à la création. On lit, en effet, dans la Genèse : « Ainsi furent achevés les cieux, la terre, et tout ce qu’ils renferment. Dieu accomplit son œuvre le septième jour, et il se reposa ce jour là, après avoir formé tous ses ouvrages. » Nous voyons dans ce récit comment toutes choses ont été tirées du néant, et la durée qu’elles doivent avoir. S’il est vrai que chaque jour de Dieu est comme mille années pour nous ; il est dès-lors certain qu’une durée de six mille ans représenterait six jours, et qu’ainsi le sixième mille devrait amener la fin du monde.

Aussi toute la durée des temps a pour but de donner à l’homme, cette créature formée par les mains de Dieu, c’est-à-dire par le Verbe et l’Esprit saint, les moyens de devenir de plus en plus à la ressemblance de Dieu, en séparant le bon grain de l’ivraie, c’est-à-dire des doctrines de l’apostasie ; et en amassant le bon grain dans le grenier, c’est-à-dire ceux qui fructifient en Dieu par la foi. Il était donc nécessaire que ceux qui arriveront au salut fussent éprouvés par les tribulations, afin qu’ayant été brisés et broyés, et pour ainsi dire vannés par leur attachement inébranlable au verbe de Dieu, et enfin étant purifiés par le feu de la souffrance, ils soient, par toutes ces épreuves, devenus dignes de s’asseoir au banquet céleste. Ce qu’a bien exprimé l’un de nos saints, lorsque, dévoué au martyre et livré aux bêtes pour la cause de la foi, il disait : Puisque je suis le froment du Christ, il faut que je sois moulu par les dents des bêtes féroces, afin que je devienne un pain de pureté.