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Les Petites Provinciales/Texte entier

La bibliothèque libre.
Georges Crès et Cie, éditeurs (p. C-228).
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LES PETITES PROVINCIALES


Il a été tiré de cet ouvrage :
4 exemplaires japon impérial, numérotés de 1 à 4.
10 exemplaires vergé d’Arches, numérotés de 5 à 14.
1100 exemplaires alfa teinté, numérotés de 15 à 1114.
N° 856
Copyright by L. Bodin 1914


Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays.

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LETTRES ÉCRITES PAR UNE PROVINCIALE
À PLUSIEURS DE SES AMIS


Nul ne dit cartésien que ceux qui ne le sont pas ; pédant qu’un pédant ; provincial qu’un provincial, et je gagerais que c’est l’imprimeur qui l’a mis au titre des Lettres au Provincial.

Pascal. Pensées.
PARIS ET LA PROVINCE


PARIS ET LA PROVINCE


Au Docteur Chevrel.


Mon cher Ami,

Me voici de retour dans ma province. Après trois semaines d’intimité avec Paris, j’ai en moi une sensation de vide et je me sens prise de marasme. Tout mon amour est ravivé et me tourmente parce que, de nouveau, j’ai vu, entendu et respiré la ville ; toute mon enfance, mon adolescence et ma jeunesse me reviennent dans l’âme et dans la chair et je me demande comment j’ai pu m’en aller, comment j’ai pu abandonner avec indifférence tant de choses qui m’appartenaient et qui n’existent nulle part ailleurs sur terre. Mais j’étais habituée à les posséder et je n’en ai compris toute l’incomparable valeur que lorsque j’en ai connu la nostalgie.

Ceux qui sont restés à Paris me disent toute la fatigue, tout le surmenage, tout le gaspillage d’énergie, tout l’éparpillement de soi-même auxquels il faut se résoudre tous les jours, toute l’année, toute la vie quand on vit à Paris. La journée d’un parisien, Paul Weil chante cela à la Lune Rousse, sur un ton monotone, haletant et résigné, et il y a probablement bien du vrai dans cette scie satirique. Mais c’est égal, je ne peux pas croire qu’on ne soit heureux à Paris qu’à minuit vingt-deux, je ne puis pas le croire, parce que je sais bien que ce n’est pas vrai, parce que mes parents y ont été heureux, parce que j’y ai été heureuse jusqu’à vingt ans, et parce que tous ceux qui n’y sont pas n’ont qu’une idée fixe, c’est d’y être.

Mon cher ami, il n’y a rien de borné et d’ignorant du monde entier comme une petite parisienne de vingt ans, même lorsque elle connaît des musées, des musiques et des livres. S’imagine-t-elle qu’il existe sur terre autre chose que Paris, autre chose que des Parisiens, des idées et des sentiments parisiens. Il y a bien les bains de mer ou la montagne deux mois par an, mais aux bains de mer ou à la montagne, on est encore des « Parisiens ». Lorsque je suis arrivée en province, j’ai été toute meurtrie de trouver un monde si différent, effarée de sentir la défiance et l’hostilité des gens envers Paris et tout ce qui vient de lui, en même temps que le besoin de prouver qu’on lui ressemble, qu’on est aussi beau que lui et beaucoup plus vertueux. Jalousie, envie et mépris, voilà les sentiments de la province pour Paris. Mon Dieu, lorsqu’une dame provinciale, extrêmement démodée, déclare qu’il est impossible de mettre une robe propre à Paris parce que la pluie et la boue de Paris font des taches indélébiles ; lorsqu’un monsieur provincial, obsédé par les microbes, déclare que Paris est une ville redoutable parce que, dès qu’on y est depuis deux heures, on mouche tout noir, cela n’est que pittoresque et amusant. Mais il y a des choses plus graves. Je me souviens de propos tenus, un jour, par des provinciaux qui avaient vingt-cinq ans au moment de la guerre. Malgré eux, la satisfaction du siège, de la capitulation, transpirait dans leurs paroles et je me sentais atteinte au plus profond de moi-même, comme si on s’était réjoui devant moi d’un supplice subi par mon père ou par ma mère. J’ai compris le fameux « Paris ne tiendra pas », répété avec insistance par des prophètes du pire qui prennent leurs désirs pour des réalités. Ah ! Paris, mon pauvre Paris si beau, si fiévreux, si ardent, si généreux, si fou et si brave, quelle cruelle stupeur de vous entendre pour la première fois railler, bafouer et méconnaître à ce point ! Et puis, si je ne me suis pas encore habituée à ces méchancetés et à ces dénigrements, j’ai fini par les comprendre un peu.

Paris est blessant pour la province. Il n’a pas centralisé égoïstement à son profit tout ce qui se fait de mieux sur terre en art, en intelligence, en souvenirs du passé, avec une gentillesse suffisante pour se faire pardonner. Paris a, comme le Parisien, la réputation de faire le malin et, si ces façons-là en imposent un peu, il est aussi très tentant et très facile de les tourner en ridicule. Les habitants de Paris sont désagréables pour les provinciaux. Ils veulent faire oublier ainsi que la plupart d’entre eux sont venus de leur province. Ils savent aussi quelles difficultés on rencontre pour se faire sa place à Paris et ils craignent que d’autres ne viennent à leur tour les forcer à lâcher une partie du gâteau qu’ils sont parvenus à saisir. Alors ils persiflent la province ou ils font le silence sur elle, quitte à se faire à Paris un tremplin avec la Bretagne, la Provence, la Lorraine et la Gascogne, qu’ils trouvaient si étroites, potinières et inhabitables tant qu’ils y ont vécu. Les Parisiens de Paris ne sont pas innocents non plus de mauvaises dispositions envers les provinciaux. Je le sais bien moi-même, maintenant que je suis considérée à Paris comme une provinciale. C’est là l’inconvénient, mon cher ami, des situations hybrides. On est rejeté par les uns et on n’est pas adopté par les autres. On blague ma ville, son ennui, ses préjugés, ses manies, son petit esprit et ses prétentions, et on s’esclaffe quand je la défends.

En feuilletant ce matin le dernier volume d’Octave Uzanne : « Le célibat et l’amour » — préface de Rémy de Gourmont, s’il vous plaît — mais n’ai-je pas déjà lu autre part ces pages de Rémy de Gourmont ? — je suis tombée sur un passage amusant. Ce livre est la glorification du célibataire, excepté, bien entendu, du célibataire provincial. Le célibataire provincial sent le rance, il est avaricieux jusqu’à la crasse, il est mal tenu, triste, affalé et même il a des vices de héros biblique, des vices dont Tissot, en un livre spécial, a flétri la pratique. Enfin, c’est complet. Dites, mon cher ami, vous le connaissez ce livre spécial de Tissot ? Qui est Tissot ? Je ne sais pas. Eh ! bien non, je ne sais pas ! Vous savez bien qu’on ne sait rien en province. Pour ce qui est des vices, je n’en sais rien, mais je connais des célibataires provinciaux qui ne ressemblent pas du tout à ce hideux portrait peint par Octave Uzanne avec un si naïf plaisir.

Je n’ai pas vécu quatorze ans en province sans en subir l’empreinte et sans en découvrir les charmes : la suppression des distances, le calme et le silence ont bien leur prix. La possibilité d’avoir chaque jour de longues heures de loisir qu’on peut consacrer sans remords à soi-même parce qu’on a aussi eu le temps de ne pas négliger les autres, c’est un tel bonheur qu’on n’imagine pas qu’on pourrait y renoncer. J’ai connu ici, dans cette ville, les gens les meilleurs, les plus séduisants, les plus curieux, les plus cultivés et les plus raffinés d’esprit, qu’on puisse désirer de connaître. Et ils étaient aussi les plus travailleurs et ils créaient les œuvres les plus consciencieusement étudiées et les plus sincèrement réfléchies. Il est vrai que, presque tous, ils sont partis à Paris et que chacun de ces départs a été pour moi un véritable arrachement.

Mais qui n’a pas connu les douleurs de l’amitié n’en a pas connu les joies et je ne donnerais pas celles-ci pour m’éviter celles-là.

Les joies de l’amitié, la province vous les prodigue et, à cause de cela, il doit lui être beaucoup pardonné. Se voir chaque jour, causer longuement ensemble, avoir même le temps de rester longtemps silencieux les uns avec les autres ; pouvoir s’étudier, se comprendre, se pardonner et, quand on s’est adopté, vivre dans l’intimité quotidienne des actes et des pensées ; avoir d’autant plus de plaisir à se voir le lendemain qu’on s’était déjà vu la veille, se rencontrer sur les places ou dans les boutiques, même quand on ne s’est pas donné rendez-vous, s’accompagner, revenir sur ses pas, flâner ensemble parce qu’on a le temps, connaître les mêmes personnes qu’on ne connaît pas, aller ensemble chez le libraire, au concert, au théâtre, à la campagne, aller partout ensemble et se quitter en se disant : « à tout à l’heure ou à demain », qu’est-ce qui peut avoir au monde une valeur pareille ?

Et il est certain que, lorsqu’il faut renoncer à des habitudes aussi précieuses, c’est un bien dur sacrifice, mais encore la province panse un peu la blessure, car elle nous donne la consolation de pouvoir écrire de longues lettres. Tant pis pour les Parisiens s’ils n’ont pas le temps de les lire, car ce sont des lettres dans lesquelles on a eu le temps de mettre tout son cœur et tout son esprit — quand on en a.

Et je ne vous parle pas, mon cher ami, des joies familiales. Votre célibat, décrassé depuis qu’il est parisien, me prendrait en pitié. Nous sommes installés depuis huit jours dans notre maison des champs, à trois kilomètres de la ville, en pleine campagne, au milieu des fermes. Si tout n’est qu’illusion sur terre, c’est une illusion sans pareille que de posséder un coin fertile et ombragé. La végétation est en pleine vigueur, en plein épanouissement. L’herbe des pelouses est épaisse, veloutée, les fleurs étincellent dans l’atmosphère dorée et il tombe des tilleuls, où les oiseaux modulent, des parfums à rendre ivre, parfums auxquels se mêlent ceux des genêts d’Espagne et des foins coupés. On n’entend d’autres bruits que ceux de la vie animale, végétale et rustique, et je vous assure que le voisinage d’une ferme est infiniment apaisant et réconfortant. Mon mari et mes enfants partent chaque matin à bicyclette. Mon mari va voir ses malades et mes enfants vont au lycée. Ils reviennent quand ils peuvent ou quand ils veulent, sans l’horrible ennui d’une gare, d’un chemin de fer, d’une perte de temps considérable et sans les dangers auxquels les enfants circulant seuls sont exposés dans une ville comme Paris. C’est une promenade pour mes amis de venir me voir et ils peuvent, le soir, retourner à pied chez eux, au clair de lune. Tout cela serait-il possible ailleurs qu’en province ?

Et puis je ne vous ai rien dit non plus des facilités matérielles de l’existence, parce que nous mettons une pudeur étrange à ne pas parler des questions d’argent. Mais vous savez bien, comme moi, qu’elles sont capitales — c’est bien le cas de le dire — et que nous sommes leurs prisonniers. C’est une paix infinie quand les chaînes dont elles nous lient peuvent être légères et détendues.

Mon cher ami, nous ne vivons pas comme vous dans la lanterne du phare. Nous en recevons le rayonnement à distance, adouci, purifié peut-être par l’espace. Nous ne sommes pas comme vous les forgerons des événements contemporains. Nous en sommes les spectateurs. Vous forgez vous forgez hâtivement, et vous jetez pêle-mêle à la France et au monde le métal pur et les scories. Je voudrais que la province ne retînt que le métal pur. Paris et la province sont indispensables l’un à l’autre et ils devraient s’aimer. Mais je crois bien que je suis pour toujours condamnée à souffrir dans mon âme provinciale, quand je suis à Paris ; à souffrir dans mon âme parisienne, quand je suis ici. Les gens qui n’ont qu’une âme sont bien heureux.


À PROPOS D’UNE CONFÉRENCE

DE M. LE BRAZ


À PROPOS D’UNE CONFÉRENCE DE M. LE BRAZ


À Berthe Savery.

Mon cher Ami,

Il y a eu fête à notre lycée de jeunes filles, une fête donnée au bénéfice de l’œuvre des colonies scolaires. Il est juste que les enfants riches, au moment où ils vont partir au bord de la mer, à la montagne ou à l’étranger, songent aux enfants pauvres, et s’efforcent d’assurer à quelques-uns d’entre eux la possibilité de prendre des vacances qui ne seront pas, pour leur santé, une distraction de luxe.

Au lycée de garçons, ils ont fait une loterie. Les garçons sont moins sentimentaux et plus pratiques que les filles. Ils ne veulent pas faire la charité uniquement pour l’amour de la charité, en payant non seulement de leur bourse mais aussi de leur personne et de leurs talents. Ils veulent avoir l’espoir qu’il leur reviendra quelque chose en nature sur ce qu’ils auront donné en espèces. Mais enfin, c’est tout de même très bien d’avoir fait une loterie. Et puis j’ai gagné quelque chose, ce qui, je le crois bien, ne m’était encore jamais arrivé. J’ai gagné René, Atala et le dernier des Abencerages dans la belle édition à dix-neuf sous. Voilà un bon commencement de bibliothèque.

Notre lycée de jeunes filles est situé tout en haut de la ville, dans les arbres et dans les fleurs. On arrive aux bâtiments par une allée qui monte entre des mimosas, des camélias, des rhododendrons et des palmiers. Nous n’avons rien à envier au Midi ! Par ce jour de fête, le lycée était rempli aussi de fleurs vivantes, de jeunes fleurs blondes ou brunes, en toilettes claires. Les petites et les moyennes ont chanté des chœurs de Jacques Dalcroze.

    Cueillons donc, oh ! qu’elle est Jolie !
    La violette, pour ton jardin.
    Ah ! Mesdames, je vous en supplie
    Laissez-moi sur mon chemin !

Lorsque je serai cueillie.
Je me mourrai de chagrin !
Il faut la laisser, ma belle.
Et chercher plus loin.

Les grandes ont chanté des chœurs de Schumann ; elles ont joué gaiement et simplement une comédie de Verconsin d’un charme vieillot et démodé, une comédie dans laquelle on a de beaux noms nobles comme on en inventait au temps d’Octave Feuillet.

Et c’était délicieux. Ma maturité s’attendrit sur l’adolescence féminine. Quelle créature humaine est plus jolie qu’une créature féminine de quinze ou seize ans qui est encore une enfant et qui est déjà une femme ? Qu’est-ce qui peut donner mieux une impression de fraîcheur, de grâce vigoureuse, de force latente et de joie saine ? Je pense quelquefois maintenant que j’ai eu cet âge là. Mais je ne m’en apercevais pas et c’est à présent que je me sens de l’amitié, une amitié un peu mélancolique, pour la petite personne souple et menue que je vois vivre dans mon passé. Oh ! je sais bien, on dit que les jeunes filles de quatorze à seize ans ont des préoccupations inavouables, des curiosités perverses, des goûts dépravés. Les unes « mangent leurs pellicules » et les autres « n’aiment pas le blanc de poulet[1] ». Ah ! mon cher ami, quand j’étais jeune fille, j’aimais tant le blanc de poulet, et je ne pouvais jamais en manger parce qu’il n’y en avait plus dans le plat quand on me le présentait ! Maintenant que je pourrais en manger, je ne l’aime plus du tout, je le trouve horriblement fade. Enfin, il paraît que les médecins, quand ils causent entre eux des jeunes filles, « ont des mots crus qui font peur et vous renseignent exactement sur le degré de poésie que contient ce vase d’élection, une vierge de quinze ans ». Mais d’abord les médecins ne connaissent que les malades, les cas spéciaux et, s’ils s’appesantissent sur ces cas-là, au fumoir, c’est souvent avec un plaisir lubrique de collectionneurs érotiques. Il est inutile d’analyser pourquoi des imaginations masculines peuvent se complaire à cette sorte de jouissance de déclarer véreux des fruits défendus.

En réalité, la plupart des vierges de quinze ans sont de bonnes petites filles bien pures et bien loyales ; elles ont l’âme ronde et lisse comme leur cou et le cœur solide comme leurs mollets.

Les directrices de lycée de jeunes filles vous diPage:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/29 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/30 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/31 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/32 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/33 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/34 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/35 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/36 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/37 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/38 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/39 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/40 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/41 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/42 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/43 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/44 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/45 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/46 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/47 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/48 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/49 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/50 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/51 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/52 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/53 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/54 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/55 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/56 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/57 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/58 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/59 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/60 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/61 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/62 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/63 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/64 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/65 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/66 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/67 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/68 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/69 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/70 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/71 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/72 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/73 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/74 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/75 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/76 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/77 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/78 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/79 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/80 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/81 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/82 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/83 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/84 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/85 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/86 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/87 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/88 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/89 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/90 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/91 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/92 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/93 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/94 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/95 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/96 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/97 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/98 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/99 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/100 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/101 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/102 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/103 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/104 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/105 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/106 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/107 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/108 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/109 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/110 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/111 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/112 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/113 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/114

SOUVENIRS ET INDISCRETIONS


À mon Frère.

Et voilà que le livre d’Arthur Meyer, ce livre qui ressemble à une sacristie le jour d’un mariage aristocratique, est pour moi une miraculeuse fontaine de Jouvence. Il me rajeunit d’au moins vingt ans. Vous avouerez, mon cher ami, que j’aurais mauvaise grâce à le mépriser de l’avoir écrit, si toutefois il vaut mieux avoir quinze ans — que vingt ans de plus. Je me décide : il vaut mieux avoir vingt ans de plus. Ces vingt ans-là ne pèsent pas encore bien lourd. Ils contiennent encore dans le présent bien des journées triomphantes et, dans le passé, ils contiennent seulement de la jeunesse, de la force, des victoires Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/116 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/117 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/118 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/119 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/120 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/121 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/122 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/123 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/124 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/125 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/126 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/127 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/128 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/129 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/130 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/131 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/132 Page:Berthaut - 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Je demeurai stupide et je ne fus pas bien sûre que M. Roquet ne se payât point platoniquement ma tète, si toutefois ma pensée osât être aussi libre devant un monsieur si facilement scandalisé. « Quand on n’a plus rien à dire à un écrivain courageux, disait Balzac, on lui jette le mot immoral à la face. Cette manœuvre est la honte de ceux qui l’emploient ». Aussi les hommes ne l’emploient-ils plus guère pour se flétrir entre eux, mais envers une femme, c’est un « Tarte à la Crème » qui a repris de la fraîcheur. Evelyne Moncœur en écrivant V Incomparable a établi une fois pour toutes qu’une femme ne saurait rien écrire qui ne fût destiné à faire rougir les singes.

M. Roquet mit son doigt, telle une feuille de vigne, sur le corps de mes délits.

Mon cher ami, j’avais parlé de la vie intime d’un mari et de sa femme ; j’avais écrit le mot « étreinte », j’avais dit que certaines bourgeoises ne méprisent si férocement la courtisane que parce qu’elles lui en veulent « peut-être inconsciemment » de céder à des curiosités, de connaître des joies et des plaisirs qu’elles s’interdirent à elles-mêmes très sévèrement. Et je vous avoue que, maintenant, je regrette mon « peutPage:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/214 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/215 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/216 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/217 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/218 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/219 Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/220 certain mépris pour le faible qui avoue avoir besoin d’eux. C’est un plaisir un peu néronien auquel il leur est bien difficile de résister toujours, surtout quand le faible est tout à fait isolé, que de le traiter comme un inférieur qu’on peut éconduire, ou faire attendre, ou mortifier par son silence, et cela n’est pas non plus sans volupté que de tenir entre ses mains, sinon toujours la carrière et l’avenir d’un semblable, du moins ses rêves et ses espoirs. Le métier de protecteur a ses joies, les joies d’un dieu qu’on prie et qui daigne accorder de temps en temps. Mais il a aussi ses charges et ses peines. Ceux qui l’exercent ne peuvent pas tout faire ; il faut qu’ils aillent au plus pressé. Il est naturel qu’ils veuillent placer leur influence au taux le plus élevé, en s’assurant contre les risques qu’on peut courir en s’occupant des affaires des autres — et ils ont le droit, reconnaissons-le, de prendre des vacances.

Je me retrouve, au bout d’un an, dans ma maison des champs. Ah ! mon ami, la joie des retours : la maison qui s’éveille et qui s’anime, les yeux humides d’un chien éperdu de bonheur ; les arbres altiers au feuillage palpitant comme un cœur. Aller revoir toutes les plantes qu’on préfère et s’attendrir parce qu’elles ont poussé ou fleuri. Qui sait toutes les consolations que peut donner un melon ou un concombre parce qu’on le voit grossir sous son châssis ?

L’été règne dans toute sa force. Flore est une bacchante dans sa radieuse et riche maturité. Cérès aux beaux seins dorés accomplit sa divine besogne dans la chaleur des glèbes que le soleil embrase. En Bretagne, nous avons deux Cérès, la blonde et la brune, la Cérès fromentine et la Cérès sarrazine, belles toutes deux, toutes deux fécondes. Ah ! l’odeur ardente des blés, la douce odeur du sarrazin coupé, sur les champs fertiles du pays épousé ! Dans la succession tranquille des jours bienfaisants, je prends conscience de ce qui m’appartient, de ce que nul ne peut me ravir ou me contester : l’ivresse de l’activité cérébrale, le besoin de produire, violent comme le désir, mais pur et sans remords, la volonté d’affranchissement et de perfectionnement, l’exaltation intérieure du travail, indépendant et désintéressé, du travail par plaisir, du travail par amour.

Août 1912 — Août 1913.
TABLE DES MATIÈRES


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  1. Son Printemps, par Rachilde. Mercure de France.