Les Pirates de la mer Rouge/0

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Traduction par J. de Rochay.
Mame (p. 7-8).

AVANT-PROPOS


Les récits de voyage, toujours aimés du public, ne furent jamais si recherchés qu’à présent. Ils servent à la vulgarisation des connaissances géographiques ; pour les rendre attrayants, on y a mêlé le roman ou les aventures extraordinaires, essayant de substituer ce genre de littérature aux contes et aux nouvelles.

C’est pour répondre à un goût, presque à un besoin devenu si général, que nous avons entrepris la traduction de la longue série des voyages de M. May. Il nous a semblé que le style du narrateur serait apprécié en France ; que ses dialogues, si vifs, si naturels, si amusants, plairaient ; que sa verve, son caractère aventureux, sa brillante imagination le rendraient sympathique malgré sa nationalité, et ces qualités-là, nous nous sommes efforcé de les mettre dans tout leur jour en les exprimant dans notre langue.

Si M. May écrit sans prétentions pédagogiques, s’il laisse un libre cours à son imagination dans les récits de ses rencontres ou de ses aventures, ses descriptions, ses renseignements sont toujours exacts et instructifs. Il a visité l’Amérique, l’Océanie, l’Afrique, l’Asie, et nous espérons bien l’y accompagner successivement ; mais de tous ses voyages, celui qui semble avoir laissé à notre auteur les plus vifs souvenirs et l’inspirer davantage, c’est l’exploration publiée[1] sous le titre de Giolgeda Padischanun : À l’ombre du Padischah. À part la Terre sainte, que le voyageur n’a point vue, ou dont il n’essaye pas du moins de nous redire les émotions après tant de pèlerins, M. May parcourt presque toutes les contrées sur lesquelles s’étend la domination ottomane.

Il s’arrête « aux lieux furent Babylone et Ninive », se rappelant les magnifiques accents des prophètes ; il les répète avec respect devant ces pierres dispersées sous la malédiction divine !

Les aventures qui arrivent au voyageur ne se lient point tellement l’une à l’autre, qu’il ne soit aisé de les diviser, comme nous le faisons, en plusieurs épisodes distincts ; cependant elles forment un ensemble qu’on voudra lire, croyons-nous, quand une fois on aura fait connaissance avec l’intéressant narrateur et son naïf compagnon arabe.

Dans ce volume, nous suivons M. May à travers les chotts de la Tunisie ; en Égypte, où il navigue sur le Nil ; enfin sur les bords de la mer Rouge, où une rencontre très dramatique avec les pirates de ces parages lui fournit une curieuse étude de mœurs.

Le vieux traducteur de Plutarque parle « du plaisir d’écouter ceux qui reviennent de loin racontant les choses qu’ils ont vues en estrange pays, les mœurs des hommes, la nature des lieux, les façons de vivre différentes des nostres.

« Ces récits, ajoute-t-il, nous passionnent de joie, de peur ou d’espérance, ni plus ni moins que si nous estions presque sur le fait, sans estre en aucun danger. »

Puisse notre traduction procurer ces sensations à nos lecteurs, et les tant « ravir d’aise qu’elle leur fasse oublier les heures », comme dit le bon Amyot. Puisse-t-elle surtout leur fournir une distraction instructive et saine.

J. de Rochay.
  1. Dans une excellente revue imprimée à Ratisbonne, le Hausschatz.