Les Pleurs/L’Étonnement

La bibliothèque libre.

Pour les autres éditions de ce texte, voir L’étonnement.

Les PleursMadame Goullet, libraire (p. 161-165).

L’ÉTONNEMENT.

Amour ! tu es le seul bonheur de la vie ; et cependant tu
es le bonheur sans repos !
— ANCILLON. —

XXXII.

D’où sait-il que je l’aime encore ?
Je ne le dis pas… je l’ignore.
Je ne descends plus dans mon cœur ;
Je crains d’y rapprendre un malheur :
Et de l’absence que j’abhorre
Lui qui prolongea la froideur,

D’où sait-il que je l’aime encore ?
Que sa mémoire me fait peur !

Il dit que l’amour sait attendre,
Et deux cœurs mariés s’entendre !
Et ce lien défait par lui,
Il vient le reprendre aujourd’hui,
Il dit nous ! comme à l’aube tendre
D’un jour heureux qui n’a pas lui ;
Il dit que l’amour sait attendre :
J’écoutais… et je n’ai pas fui !

Je n’ai trouvé rien à répondre ;
Dans sa voix qui sait me confondre
Le passé vient de retentir ;
Et ma voix ne pouvait sortir.
J’ai senti mon ame se fondre ;
Tout près d’un nouveau repentir,
Je n’ai trouvé rien à répondre ;
Non ! je n’ai pas osé mentir !

Dieu ! sera-t-il encor mon maître ?
Sa tristesse dit qu’il veut l’être ;
Sans cris, sans pleurs, sans vains débats,
Comme il veut ce qu’il veut tout bas.

Oui ! je viens de le reconnaître,
Rêveur, attaché sur mes pas.
Dieu ! sera-t-il encor mon maître ?
Mais, absent, ne l’était-il pas ?