Les Pleurs/Sous une Croix belge

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Les PleursMadame Goullet, libraire (p. 157-160).

SOUS UNE CROIX BELGE.

Deux enfans égarés des phalanges divines
Qui, le soir, oublieux de leurs saintes collines.
Dans un vallon du siècle égarant leurs ébats,
Causaient tranquillement des choses d’ici-bas !

— AUGUSTE BARBIER. —

XXXI.

Ni du furtif oiseau la voix mélodieuse
Qui viendra de la tombe humer les tièdes fleurs ;
Ni de ton frère enfant la prière de pleurs ;
Ni, dans l’écho grinçant, la fanfare odieuse
Du despote glacé qui te pousse au tombeau,
Jeune homme ! et de tes jours renverse le flambeau ;
Ni les plombs courtisans qui moissonnent vos têtes,
À vous ! sanglantes fleurs des royales tempêtes ;

Ni les rayons vivans de notre beau soleil,
Ne réveilleront plus ton précoce sommeil !

Et la tonnante voix de leurs canons parjures,
Dont chaque bond proclame et signe les injures,
Et ma plainte de femme à ton astre tremblant,
Qui tombe détaché dans l’orage sanglant ;
Et cette voix d’amour en prière épuisée,
Ce sanglot de mère brisée,
Qui dans le champ des morts cherchant son jeune lis,
A crié d’un long cri : « Terre ! rends-moi mon fils ! »

Rien ne t’éveillera ; car ta couche est profonde.
Ah ! sur trop de cyprès la liberté se fonde !
Ah ! mon Dieu ! trop de sang trempe un généreux fer :
Dans vos rêves éteints dormez, belles victimes ;
Laissez-nous l’esclavage, et laissez-leur les crimes ;
Le roi le plus dévot ne croit pas à l’enfer !