Les Poissons et les Animaux à fourrure du Canada/Chapitre 1

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CHAPITRE I

COUP D’ŒIL GÉNÉRAL SUR LES PÊCHERIES CANADIENNES

I


Les pêcheries canadiennes sont les plus vastes, les plus prolifiques et les plus variées du monde entier.

Toutes les espèces de poissons commerciaux s’y trouvent, et en une telle abondance que la pêche est devenue, en peu d’années, une des industries les plus lucratives, produisant une valeur de plus de cent cinquante millions de francs par année, en tenant compte également des quantités exportées et de celles qui alimentent les marchés locaux, ou sont consommées sur place.

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Les pêcheries canadiennes comprennent une immense étendue de côtes maritimes, outre d’innombrables lacs et rivières dans l’intérieur des sept provinces qui composent la Confédération ou Dominion du Canada.

La côte bordière de la province de Québec, sur le golfe Saint-Laurent, et celle des provinces maritimes sur ce même golfe et sur l’Atlantique, depuis la baie de Fundy jusqu’au Détroit de Belle-Isle, offrent un parcours de 9, 330 kilomètres, pendant que la Colombie anglaise présente sur le Pacifique un développement de côtes de 12, 000 kilomètres, ce qui donne plus que le double de l’étendue des côtes maritimes de la Grande-Bretagne et de l’Irlande réunies.

Qu’on ajoute à ces étendues celles des grands lacs de l’intérieur, qui couvrent un espace de 121, 000 kilomètres carrés, plus de la moitié de toute la surface d’eau douce qui a été mesurée sur le globe, sans compter l’espace occupé par des cours d’eau plus grands que les plus grands de l’Europe et par des lacs de moyenne et de petite dimension, qui se comptent par milliers et foisonnent des poissons les plus recherchés, et l’on n’aura encore qu’une idée bien imparfaite des trésors que renferment les eaux de l’Amérique britannique, trésors considérés comme inépuisables par tous les juges compétents.


Inépuisables. Oui, en effet. Depuis plus de trois siècles, des pêches variées se pratiquent le long des côtes des provinces maritimes et dans le golfe Saint-Laurent ; depuis plus de trois siècles, les pêcheurs canadiens, européens et américains, avec les appareils les plus améliorés, puisent à cette source, et quoiqu’ils aient pris tous les ans des quantités de poisson incalculables, aucun signe d’épuisement ne s’est encore manifesté. Le poisson se déplace, mais il ne diminue pas, et de vieux pêcheurs ont remarqué même qu’il y a plus de morue aujourd’hui sur les bancs qu’il n’y en avait jadis. Lorsque le poisson se porte moins vers certains endroits qu’il n’a l’habitude de le faire, c’est par suite de causes toutes temporaires qui n’agissent le plus souvent que sur une étendue comparativement très limitée des fonds de pêche.


II


Tous les naturalistes attribuent au courant arctique, refroidissant l’atmosphère sur les côtes de l’Atlantique, la source des richesses ichtyologiques qui constituent, depuis tant d’années, l’un des principaux éléments de la fortune des Canadiens, et qui dureront autant que l’existence géologique même du pays.

Le courant arctique qui arrose les côtes du Labrador, de Terreneuve, du Canada et d’une partie des États-Unis, refroidissant l’atmosphère et traînant avec lui d’immenses champs de glace, est la source des grandes richesses maritimes auxquelles les populations de ce pays pourront puiser pendant des siècles à venir.

Chargé de banquises et de champs de glace, le courant arctique se précipite des mers du Spitzberg le long des côtes du Labrador et de Terreneuve, jusqu’à ce qu’il rencontre les eaux chaudes du « Gulf Stream » se dirigeant vers l’est. Le courant arctique prend alors le nom de « Courant du Labrador, » et la superficie qu’il couvre le long des côtes de l’Amérique du nord est l’endroit par excellence où les poissons de mer viennent frayer et chercher leur nourriture.


Les mers arctiques et les rivières qui les alimentent fourmillent d’insectes formant en plusieurs endroits une masse grouillante, un océan de limon vivant qui apporte la nourriture nécessaire aux milliards de poissons, grands et petits, qui se pressent sur les côtes du Canada, de Terreneuve et des États-Unis.

C’est de ce limon vivant, qui couvre par endroits plusieurs mille kilomètres carrés, que se nourrissent également des myriades d’oiseaux aquatiques, durant la saison d’été.


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On calcule que la superficie des côtes des États-Unis, arrosée par le courant du Labrador, est de 75,000 kilomètres carrés, tandis qu’il occupe 330,000 kilomètres carrés des mers canadiennes. De là l’immense supériorité des pêcheries canadiennes sur les pêcheries américaines, puisqu’il est admis que le courant arctique est la demeure des poissons commerciaux et que la presque totalité de ce courant arrose les côtes du Canada.

Il est impossible, en Europe, de se faire une idée de l’étendue, de la valeur et de l’importance des pêcheries du Canada, en même temps que des territoires de chasse au gibier à fourrure, à plumes et à panache que l’on peut découper en vastes sections sur la gigantesque surface de ce pays.


À l’étendue de côtes maritimes sur l’Atlantique, que nous avons indiquée ci-dessus, il faut ajouter les pêcheries maritimes intérieures, telles que celles du fleuve Saint-Laurent, qui arrose un territoire de 600,000 kilomètres carrés, de la rivière Mackenzie qui a 3,300 kilomètres de longueur, de la rivière Fraser qui en a mille, et d’autres rivières telles que la Nelson, l’Albany, la Saskatchewan et la Rouge, dans l’ouest, l’Outaouais, la Saint-Jean, le Saguenay, la Ristigouche et la Miramichi, dans l’est, qui toutes abondent en poissons des espèces les plus variées et les plus abondantes.

Les pêcheries maritimes de l’Atlantique se distribuent sur les côtes de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Île du Prince-Édouard, autour des Îles-de-la-Madeleine et de l’Île d’Anticosti, dans le golfe Saint-Laurent, dans la Baie-des-Chaleurs et sur la côte du Labrador.

Celles de l’océan Pacifique s’étendent du littoral de la Colombie britannique jusqu’à une cinquantaine de kilomètres au large. Elles sont encore à peine exploitées, si ce n’est la pêche au saumon, qui se fait principalement dans la rivière Fraser.

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Dans les mers, les baies et aux embouchures des grandes rivières du nord se fait la pêche à la baleine, au phoque, au morse, à la truite de mer, au brochet, au grand esturgeon, etc., etc. C’est là qu’est le dernier asile du léviathan des mers, poursuivi et chassé en moins d’un demi-siècle des eaux terreneuviennes où il était jadis en abondance.