Les Preuves/Un mensonge

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La Petite République (p. 131-141).
UN MENSONGE
I

Pourtant Esterhazy comprend qu’il doit tenter une explication : et voici l’ineptie qu’il nous propose.

Il nous dit dans l’article de la Libre Parole : « L’événement ne réalisa pas les espérances de Dreyfus. Par suite de circonstances restées jusqu’ici incomplètement expliquées, et qui tiennent sans doute à ce qu’il ne connaissait pas personnellement son répondant, Dreyfus ne réussit pas à le mettre en cause au moment du procès. »

Oserai-je dire que c’est le comble de l’absurdité ? Il est clair que si Dreyfus se procurait l’écriture d’un autre officier, afin de la décalquer dans le bordereau et de rejeter au besoin sur lui ledit bordereau, son premier soin était de connaître le nom de l’homme dont il se procurait ainsi l’écriture.

À quoi vraiment lui aurait servi de décalquer l’écriture d’un autre homme s’il avait ignoré le nom de celui-ci et s’il n’avait pu le signaler aux juges ?

J’ai presque honte d’insister sur l’absurdité de ce raisonnement d’Esterhazy tant elle est évidente. Et il est incroyable que la Libre Parole ait pu prendre au sérieux, une minute, l’explication fantastique qu’elle insérait.

Il est évident que si Dreyfus s’était procuré, pour la décalquer, l’écriture d’un autre officier, il aurait su le nom de l’officier et au procès il l’aurait dit.

S’il ne l’a pas dit, c’est qu’il ne l’a pas su ; s’il ne l’a pas su, c’est qu’il n’avait pas décalqué son écriture, et si l’écriture d’Esterhazy n’a pas été décalquée par Dreyfus, c’est que le bordereau était de l’écriture d’Esterhazy et aussi de la main d’Esterhazy ; c’est qu’Esterhazy est le véritable auteur du bordereau, le véritable traître.


II
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Mais Esterhazy se heurte à une autre difficulté : il n’est pas obligé seulement d’expliquer comment Dreyfus, au moment du procès, ignorait le nom de l’homme dont il n’avait décalqué l’écriture que pour pouvoir le nommer. Il est obligé encore d’expliquer, comment Dreyfus, deux ans après sa condamnation, avait appris, à l’île du Diable, le nom d’Esterhazy.

Oui, il faut qu’Esterhazy et ses amis nous expliquent cela.

Esterhazy s’y est essayé et son explication est lamentable. Il nous dit que Dreyfus avait trouvé moyen de combiner une correspondance occulte avec sa famille et que c’est ainsi, à distance, par des communications secrètes entre l’île du Diable et Paris, qu’a été machinée la conspiration contre Esterhazy.

Je vous en supplie : regardons cela de près. D’abord, avec la surveillance étroite, exceptionnelle à laquelle Dreyfus a été soumis, toute correspondance secrète entre sa famille et lui est impossible.

Quand on songe que depuis plusieurs années les lettres de Dreyfus ne sont pas directement transmises à sa femme, mais qu’on les recopie d’abord au ministère des colonies, de peur que la distribution et la disposition des virgules, des accents aigus et des accents graves ne constituent un langage de convention ; quand les précautions sont poussées à ce degré de manie et de folie, on se demande comment une correspondance occulte aurait pu être établie entre le déporté et sa femme. C’est vraiment une invention fantastique.

Et comment Dreyfus et sa femme, dans les rares et courtes entrevues si surveillées qu’on leur permit avant le départ, et où il leur fut défendu de s’embrasser, comment auraient-ils pu convenir d’un langage conventionnel ? Et ce langage conventionnel, comment ensuite auraient-ils pu l’employer ? Cela révolte la raison.

Mais, de plus, qu’auraient-ils pu se dire ? D’après Esterhazy, si Dreyfus, après avoir décalqué son écriture, n’a pas révélé son nom, c’est qu’il l’ignorait.

Cela fait crier l’esprit, tant cela est absurde. Mais, en tout cas, ce n’est donc pas Dreyfus qui a pu apprendre à sa femme, de l’île du Diable, le nom d’Esterhazy, puisqu’il ne le connaissait pas à son départ de France.

Il a donc fallu que, dans la correspondance occulte et impossible dont parle Esterhazy, Dreyfus eût écrit à sa femme pour lui expliquer qu’il avait décalqué l’écriture d’un officier inconnu et qu’il s’agissait de retrouver le nom de cet officier.

Mais si Dreyfus et sa femme pouvaient, avant le départ du condamné, convenir d’un langage mystérieux et compliqué, à plus forte raison Dreyfus pouvait-il, dès ce moment-là, expliquer à sa femme son moyen de défense.

Dès lors, la famille de Dreyfus aurait immédiatement cherché le nom de l’officier dont Dreyfus avait décalqué l’écriture ; et comme il ne peut être bien difficile de retrouver le nom et la qualité d’un homme dont on s’est, de parti pris, procuré l’écriture, c’est avant de quitter la France que Dreyfus aurait connu le nom d’Esterhazy et l’aurait livré.

Mais, je le répète, j’ai honte de discuter ces inventions du misérable Esterhazy tant elles sont violentes d’absurdité.

Supposer que Dreyfus a pris la précaution de décalquer l’écriture d’un autre homme afin de rejeter sur lui le crime du bordereau, et qu’il a négligé de s’enquérir du nom de cet homme ; supposer ensuite que du fond de sa prison, à l’île du Diable, il a réparé cet oubli par des signes cabalistiques envoyés à ses amis de France, c’est outrager si audacieusement le bon sens, que cela ressemble à une gageure.

Pour que la Libre Parole, journal officiel d’Esterhazy, ait inséré ce plaidoyer du traître et ait affecté de le prendre au sérieux, il faut vraiment que la presse cléricale et antisémite croie qu’en France toute pensée est morte.

Non, certes, et contre ceux qui ont essayé ainsi de mystifier la nation de vigoureuses colères s’accumulent.

Dira-t-on que Dreyfus n’a pas signalé Esterhazy de peur de découvrir sa propre machination ! Ça, encore, est absurde, car Dreyfus, s’il a décalqué l’écriture d’Esterhazy, a dû imaginer un procédé pour le mettre en cause au jour du péril.


III
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Mais que penser de l’autorité militaire qui, au procès Esterhazy, ne l’a pas une minute interrogé sur ce scandaleux roman ?

Le premier devoir du Conseil de guerre était de dire à Esterhazy : « Vous avouez que l’écriture du bordereau est identique à la vôtre ; vous avouez en tout cas que l’identité, pour certains mots, est si évidente qu’elle ne peut s’expliquer que par un décalque. Comment expliquez-vous alors que Dreyfus, au moment du procès, ne vous ait pas mis en cause ? »

Cette question n’est pas venue aux juges. Ils ont paru trouver tout simple, comme Esterhazy lui-même, que Dreyfus ait forgé ce moyen de défense afin de ne pas s’en servir. Et ils ont pensé sans doute qu’éblouie par les galons et les chamarrures des généraux, trompée et abêtie par la presse de mensonges, la pensée française ne serait pas choquée de cette absurdité.

Et, en effet, elle n’a pas été révoltée. Vraiment, il faut pleurer de honte sur notre pays, pleurer de douleur et de colère. Voilà ce que les « nationalistes », complices du traître Esterhazy, ont fait du bon sens, notre vertu nationale. Ils ont réussi un moment à faire accepter à ce peuple des mensonges grossiers qui, en d’autres temps, auraient soulevé sa raison comme un vomitif soulève le cœur.

Pourtant, non ! cela ne passera pas. Le peuple rejettera cette mixture de mensonges imbéciles. Il est clair que si Esterhazy, affolé, est obligé d’avouer, dès le 15 novembre 1897, avant même d’être dénoncé, que le bordereau est de son écriture, c’est qu’il est de sa main.

Il est clair que la supposition d’un décalque d’Esterhazy, fait par Dreyfus, ne se soutient pas ; et que le premier soin de Dreyfus eût été de nommer Esterhazy au procès s’il l’avait en effet décalqué.

Il est clair qu’on ne peut se procurer l’écriture d’un homme pour la décalquer et se décharger sur lui d’un crime sans savoir en même temps le nom de cet homme, et sans être en état de le désigner.

Tout cela est clair, certain ; il suffit d’ouvrir les yeux pour le voir et le peuple maintenant ouvre les yeux. Il ne voit donc dans le récit de la Libre Parole que l’aveu d’Esterhazy aux abois.

IV
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Ce système insoutenable, Esterhazy l’a reproduit officiellement devant le Conseil de guerre qui a fait semblant de le juger. Là aussi, et si indulgente que soit pour lui l’accusation, qui le glorifie, il est obligé d’avouer qu’on ne peut expliquer que par un décalque de son écriture au moins certains mots du bordereau.

Voici ce que dit le rapport Ravary : « Il admet que dans l’écriture de cette pièce se rencontrent des mots ayant une ressemblance si frappante avec son écriture qu’on les dirait calqués. Mais l’ensemble diffère essentiellement. »

À l’audience, il ne se borne plus à dire qu’on les dirait calqués, suivant l’expression adoucie du rapport ; il explique comment on les a calqués.

En voyant, dit-il, le bordereau publié par le Matin rapproché des spécimens de mon écriture, j’ai été frappé de la ressemblance de certains mots qui paraissent décalqués. Cette idée de décalquage m’a frappé. Je me suis demandé comment l’auteur de la publication du bordereau avait pu avoir de mon écriture. Mon écriture a malheureusement traîné chez bien des gens dont le métier est de prêter de l’argent ; de plus, j’ai été témoin dans un duel (Crémieux-Foa). À ce sujet j’ai reçu beaucoup de lettres d’officiers auxquels j’ai répondu. j’ai pensé que M. Mathieu Dreyfus aurait pu en avoir quelques-unes. Mais cela n’était pas suffisant.

Et il explique alors comment des morceaux plus étendus de son écriture avaient pu être utilisés par Dreyfus.

Je vais discuter à l’instant cette explication. Mais je m’arrête une minute pour souligner, une fois de plus, les aveux grandissants d’Esterhazy.

Non seulement il avoue que le bordereau suppose un décalquage de son écriture, non seulement il reconnaît ainsi que son écriture est identique à celle du bordereau, mais il avoue que cette identité ne se marque pas seulement dans un petit nombre de mots, mais qu’elle s’étend à l’ensemble du bordereau.

Si le décalquage, en effet, n’avait été que partiel, s’il n’avait porté que sur quelques mots, il suffirait pour l’expliquer que Dreyfus eût eu en sa possession de courts morceaux d’écriture d’Esterhazy.

Mais Esterhazy a bien vu le péril. Il a bien vu que le bordereau était de son écriture, du premier mot au dernier. Il a pensé qu’un jour peut-être un juge moins complaisant pourrait lui en demander compte, et alors il a eu recours à une invention nouvelle, à un mensonge nouveau pour expliquer que Dreyfus ait pu avoir en main un fragment étendu de son écriture.

Ce nouveau mensonge nous allons l’analyser et le percer à jour, afin de forcer le traître, comme dirait Bertillon, dans ses derniers retranchements.


V
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Donc, devant le Conseil de guerre auquel il a eu l’audace de débiter l’histoire de la femme voilée, voici le roman graphologique qu’il a conté. Je cite en entier, si impudent que cela soit. (Compte rendu du procès Esterhazy.)

Je me suis souvenu qu’au mois de février 1893 j’ai reçu à Rouen, où j’étais alors, une lettre d’un officier attaché à l’État-Major du ministère de la guerre, me disant qu’il était chargé de faire une étude sur le rôle de la cavalerie légère dans la campagne de Crimée, qu’il savait que mon père avait commandé une brigade à Eupatoria, et il me demandait de lui envoyer les documents que je pouvais posséder sur cette époque. Je fis un petit travail de sept à huit pages in-folio, que j’ai envoyé à ce monsieur : le capitaine Brault, rue de Châteaudun.

D. Quel numéro ?

R. Je ne me le rappelle pas. Après avoir envoyé ce travail, j’ai été surpris de n’en pas recevoir de nouvelles. J’ai cherché au ministère de la guerre ; le capitaine Brault n’y était plus ; il était parti sans laisser d’adresse, mais j’ai su qu’il était en garnison à Toulouse. Je lui ai écrit, et il m’a répondu en me disant qu’il ne savait pas ce que je voulais dire. J’ai envoyé une lettre au chef d’État-Major général de l’armée en lui demandant de faire une enquête et de me confronter avec le capitaine Brault. Je n’ai pas eu de nouvelles de cette démarche.

D. Vous n’avez jamais retrouvé le capitaine Brault ?

R. Non, mon général.

D. Vous lui avez écrit une lettre et il vous a dit qu’il n’avait pas reçu les renseignements ?

R. Il m’a écrit qu’il ne les avait pas demandés.

D. C’est-à-dire que vous avez fini par retrouver le capitaine Brault, qui vous a déclaré ne vous avoir jamais rien demandé.

R. Parfaitement.

D. D’après les recherches faites on n’a pas trouvé, rue de Châteaudun, l’adresse du capitaine Brault, mais l’adresse qui s’en rapprochait le plus est celle de M. Hadamard, beau père de M. Dreyfus.

Tout cela est invraisemblable jusqu’à l’absurde. Tout cela est criant de mensonge.

Voici ce que veut dire Esterhazy. Il suppose que Dreyfus a voulu, pour décalquer son écriture, se procurer un fragment de lui assez étendu. Il suppose que pour cela Dreyfus lui a tendu un piège. Il lui a écrit ou il lui a fait écrire une lettre faussement signée du nom du capitaine Brault, avec une adresse fausse.

Esterhazy a donné dans le piège et ainsi Dreyfus a reçu un assez long mémoire militaire qu’il a pu décalquer. Pour donner au roman un peu de couleur et une manière de vraisemblance, on ajoute que la fausse adresse où l’on a reçu la réponse au capitaine Brault était voisine du domicile du beau-père de Dreyfus.


VI

Dans ce récit, les impossibilités fourmillent. D’abord, il faut rappeler sans cesse que Dreyfus n’a décalqué l’écriture de personne, puisqu’il s’est laissé condamner sans désigner personne. Tout ce qui heurte cette vérité de bon sens ne peut être que mensonge.

Mais de plus, si Dreyfus avait voulu décalquer l’écriture d’une autre personne, il aurait évité tout ce qui peut exciter la défiance de cette personne et lui fournir plus tard un moyen de défense. Il aurait évité surtout ce faux inutile et imbécile qui ne pouvait que le compromettre.

Admettons un instant que Dreyfus ait décalqué l’écriture d’Esterhazy. Arrive le procès : il dénonce Esterhazy. Mais tout de suite Esterhazy répond : « On s’est procuré de mon écriture en me tendant un piège. »

Remarquez en effet qu’il y avait bien des chances pour qu’Esterhazy s’aperçut bien vite du tour qui lui aurait été joué. Il suffisait qu’il s’étonnât de n’avoir pas la moindre réponse du capitaine Brault. Il s’informait aussitôt ; il apprenait que celui-ci ne lui avait jamais écrit. Il savait donc qu’une manœuvre étrange et suspecte avait été pratiquée contre lui, et aussitôt qu’éclatait l’accusation de Dreyfus il était armé pour répondre.

Donc, de la part de Dreyfus, se procurer ainsi l’écriture qu’il voulait décalquer, eut été le comble de la folie. Il pouvait aussi bien, pour son objet, décalquer l’écriture de n’importe qui. Obtenir celle d’Esterhazy, par un moyen frauduleux qui pouvait être immédiatement découvert, était la pire imprudence. Et il serait prodigieux que, par prudence, il eût ajouté les risques du faux au risque de la trahison.

Mais ce n’est pas tout. Comment admettre qu’Esterhazy ne s’est pas étonné plus tôt de n’avoir pas de réponse ?

Il prétend avoir adressé au capitaine Brault son mémoire sur Eupatoria en février 1893.

Il faut bien qu’il place cet envoi prétendu à cette date, avant le bordereau, pour pouvoir dire que Dreyfus l’a décalqué. Et c’est seulement quatre ans après, le 29 octobre 1897, qu’il écrit au capitaine Brault pour lui demander s’il a reçu son mémoire !

Il prétend que sa défiance n’a été éveillée que lorsque le Matin a publié le fac-similé du bordereau et qu’il a pu ainsi constater les ressemblances effrayantes de ce bordereau avec sa propre écriture.

Mais le Matin a publié ce fac-similé le 10 novembre 1896. Tout de suite Esterhazy a été troublé ; tout de suite il a manœuvré avec du Paty de Clam et ses amis de l’État-Major pour perdre le colonel Picquart.

Comment n’a-t-il pas songé dès ce moment-là à s’inquiéter et à écrire au capitaine Brault ? Comment a-t-il attendu presque une année, du 10 novembre 1896 au 29 octobre 1897 ?

Tout cela ne tient pas debout. Et voici enfin à quoi Esterhazy n’a point songé. Il n’a point vu que lui-même se mettait en contradiction grossière avec son récit de la Libre Parole du 15 novembre 1897.

Là, il a dit que si Dreyfus ne l’a pas dénoncé au moment du procès, en 1894, c’est parce que, tout en décalquant son écriture, il ignorait son nom.

Cela n’a pas le sens commun, mais il faut bien qu’Esterhazy tente d’expliquer l’inexplicable.

Mais, maintenant, si ce que raconte Esterhazy de l’affaire du capitaine Brault est vrai, Dreyfus savait très bien que l’écriture décalquée par lui était d’Esterhazy puisqu’il n’avait pu se la procurer qu’en écrivant ou en faisant écrire frauduleusement à Esterhazy lui-même.

Cette fois, le menteur est pris et bien pris au piège de son propre mensonge.


VII

De même qu’il a mystifié les juges avec leur consentement, par l’histoire de la dame voilée, il les a mystifiés aussi, par l’histoire du manuscrit envoyé au capitaine Brault, ou plutôt sous son nom, à Dreyfus lui-même.

Toutes ces inventions sont aussi grossières les unes que les autres, et sans la complicité des juges, elles n’auraient même pas osé affronter l’audience.

En tout cas, à l’analyse, il n’en reste rien.

Esterhazy a donc menti quand il a prétendu que son écriture avait été décalquée. Si le bordereau est de son écriture, c’est qu’il est de sa main. Et son récit de la Libre Parole se tourne contre lui comme un aveu écrasant.

Détail curieux et par où il se trahit encore ! Il répond d’avance par une accusation de faux à un document qu’on n’avait pas et qui n’a pas été produit contre lui.

Dans l’article du 15 novembre, il annonce que ses ennemis ont inséré contre lui, dans le dossier qu’ils vont publier, « une pièce compromettante émanant soi-disant de la victime et fabriquée avec un art merveilleux… »

Esterhazy s’est trop pressé ; il a pris peur trop vite, et en essayant d’avance de disqualifier une pièce compromettante qu’on n’avait pas, il a avoué l’existence de cette pièce.

Mais qui donc a songé, dans la comédie d’enquête instituée contre lui, à l’interroger là-dessus ? En tout cas, devant le Conseil de guerre, aucune question ne lui a été posée sur cette lettre si suggestive de la Libre Parole, qui est, quand on l’examine avec soin, l’aveu décisif.